A la question posée par le quotidien régional Sud-Ouest de savoir ce qu’il pense de l’éviction de Jean-Marc Thévenet (voir notre article à ce sujet), Lewis Trondheim, le nouveau "Grand Prix" du Festival, prend la chose « plutôt bien ». Mieux : dans un courriel adressé aux rédactions de plusieurs journaux dont La Charente Libre, il précise : « Je pense que beaucoup d’éditeurs et de nombreux auteurs sont soulagés par ce licenciement (...) Il y avait plus à redouter à le garder qu’à l’exclure. »
Bataille juridique en vue
À Angoulême, des voix s’élèvent contre l’éviction un peu brutale du directeur général du Festival. On s’étonne surtout du côté de la mairie comme des sponsors de ne pas avoir été préalablement informés de la décision. Rappelons cependant que le FIBD avait parlé, dans son communiqué, d’éléments « graves et concordants » pour justifier cette mise à pied. Jean-Marc Thévenet, de son côté, a pris apparemment l’initiative de communiquer sur son licenciement avant même l’entretien avec son employeur, tel que le prévoit la loi, et dément fermement qu’on puisse lui adresser le moindre reproche. Il est probable que toute cette affaire finira devant le Conseil des Prud’hommes. Le FIBD a intérêt à ce que son dossier soit bien étayé, à défaut de quoi, cela risque de lui coûter très cher.
Quant à Trondheim, il ne s’inquiète pas pour la succession de Jean-Marc Thévenet. Il est même plutôt optimiste pour la suite, certain qu’on lui trouvera un remplaçant. Et il désigne à nouveau l’une de ses bêtes noires : Michel-Edouard Leclerc. « Il ne reste plus, déclare-t-il à "Sud-Ouest", qu’à faire partir Leclerc qui rappelons-le, oeuvre pour l’abolition du prix unique du livre. Ce qui causerait des dommages irréparables au milieu. Les petits libraires qui sont nos plus fidèles alliés finiraient par fermer boutique face aux gros distributeurs, entraînant dans leur sillage bon nombre d’éditeurs indépendants et bien plus d’auteurs par effet boule de neige. »
Trondheim contre Michel-Edouard Leclerc
Ainsi donc Lewis Trondheim enfourche le destrier de la défense des petits libraires contre la grande distribution, sans même prendre en considération que certaines régions, sans leur supermarché, seraient bien démunies et auraient bien du mal à faire vivre une simple librairie. C’est son droit, sauf qu’il y a un hic : les Centres Leclerc représentent un poids non négligeable dans les ventes de la bande dessinée et également dans le sponsoring du festival d’Angoulême, c’est même l’un de ses principaux sponsors privés. Or, le FIBD n’est pas au mieux depuis les mauvais comptes de la précédente édition. Évincer Leclerc, c’est très bien. Mais qui le remplacerait ? L’Association des Libraires ? Ce serait bien surprenant. Dès lors, dans le contexte actuel du Festival, cette réflexion est non seulement déplacée, elle est carrément néfaste, Trondheim se posant en fossoyeur du FIBD.
Heureusement, il a la modestie d’admettre dans la même interview qu’il n’est pas le président du FIBD : « ...je [ne]suis [que] président du jury du festival d’Angoulême. Ce qui n’est pas vraiment pareil. Mon avis importe assez peu. » Il nous semble que ça vaut mieux pour tout le monde.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Lewis Trondheim. Photo : Thomas Berthelon.
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