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Claude Gendrot : « c’est aussi l’avenir des auteurs qui est en jeu ! »

Par Nicolas Anspach le 21 mars 2006                      Lien  
Après avoir été licencié pour faute grave ce vendredi 17 mars, {{Claude Gendrot}} -ex directeur éditorial- s'est vu proposer, par {{Claude de Saint-Vincent}}, de réintégrer l'entreprise. Claude Gendrot a accepté à condition qu'une négociation soient menée concernant l'avenir de Dupuis en présence de Dimitri Kennes, ce que le représentant de Média-Participations refuse. L'ancien directeur éditorial, fort apprécié par le personnel et les auteurs de Dupuis, nous explique ses choix ...

Pouvez-vous nous résumer la situation actuelle ?

Ce lundi matin, Claude de Saint-Vincent, le directeur général adjoint du groupe Média-Participations, nous a signifié, à Alain Flamion [1] et moi-même, que nous étions réintégrés sans condition parmi le personnel des éditions Dupuis. Nous lui avons rétorqué que celle-ci dépendrait de la suite des événements et en particulier de l’ouverture de négociation quant à l’autonomie de Dupuis. On ne peut quand même pas virer des employés comme des malpropres le vendredi et les réembaucher le lundi matin en leur disant : « Désolé. Nous nous sommes trompés, vous n’avez pas commis de fautes graves ». Ce manque de crédibilité n’est pas acceptable. Alain et moi-même, nous ne sommes pas des pions que l’on bouge sur un échiquier. Nous sommes des êtres humains ! Nous reviendrons au sein de Dupuis lorsque des négociations sérieuses s’ouvriront et qui porteront sur les problèmes posés par les managers à propos de l’autonomie éditoriale, commerciale, marketing et de gestion des droits dérivés de Dupuis. Cette discussion doit se faire sans aucun tabou et doit être tenue en présence de Dimitri Kennes, l’ancien directeur général de la maison d’édition. On devra également y aborder la problématique de l’actionnariat de Dupuis.

Claude de Saint-Vincent certifie pourtant un communiqué envoyé ce lundi aux journalistes que Dupuis conservera son autonomie éditoriale et managériale ...

Ce ne sont que des paroles ! Il a tenu ces mêmes mots devant le personnel et la soixantaine d’auteurs qui étaient présents chez Dupuis. Nous attendons du concret. Les auteurs lui envoient une lettre où ils disent soutenir la politique menée par Dimitri Kennes et moi-même. Ils y confient également leur souhait de continuer à travailler avec eux. Claude de Saint-Vincent répond à ce message en me licenciant. Cette attitude est un mépris total pour les auteurs. Comment peut-on lui faire confiance après cela ?

Une rumeur porte sur le fait que les managers dissidents de Dupuis -tous sauf un- sont des gens manipulés ...

Manipulé par qui ? Dimitri Kennes ?

On le suppose.

C’est affligeant, diffamatoire et méprisant de penser cela. La moitié de ces managers travaille depuis des décennies dans le monde de l’édition ou depuis de nombreuses années chez Dupuis. Franchement, nous avons acquis suffisamment de compétence et de bouteille pour que l’on prenne conscience d’une éventuelle manipulation. Je peux vous assurer que cela n’est pas le cas. Si les personnes de Média-Participations continuent à tenir ce genre de propos au lieu de parler d’idées, nous allons nous défendre devant les tribunaux.

Claude Gendrot : « c'est aussi l'avenir des auteurs qui est en jeu ! »
Claude Gendrot
... s’adressant aux auteurs, au personnel de Dupuis et aux journalistes. Photo (c) DR.

Claude de Saint-Vincent pense que cette crise est artificielle et créée par un discours uniquement émotionnel et est en contradiction totale avec les faits...

Pour démontrer cela, il lui suffit d’ouvrir des négociations sereines. Il faut prendre le temps de réfléchir les uns et les autres pour résoudre la crise et surtout de laisser au placard les querelles personnelles. Passons aux actes. Tout ce que dit Claude de Saint-Vincent n’est pour l’instant que du vent !

Votre discours a évolué. Vous souhaitez ne racheter qu’une partie des actions, et non plus l’ensemble des parts de Dupuis à Média-Participations...

Il ne peut pas y avoir de perdant ou de gagnant dans cette affaire. Tout le monde doit y gagner quelque chose, et ce pour le bien de Dupuis. Nous sommes persuadés qu’il ne peut pas y avoir d’autonomie véritable sans changement d’actionnariat de Dupuis. Média-Participations peut évidement rester actionnaire. Cela nous permettra de trouver les synergies nécessaires entre les maisons d’édition pour mener à bien notre métier d’éditeur de bandes dessinées.

La nomination d’Huguette Marien, l’épouse de Jean Van Hamme, au poste de directeur général de Dupuis est-elle une bonne nouvelle ?

J’ai beaucoup d’affection pour Huguette. C’est une femme agréable, cultivée et intelligente. Si elle souhaite m’entendre, je serais présent avec les autres membres du comité de direction pour partager avec elle mon opinion...

Plus de cent vingt auteurs ont écrit à Média-Participations pour témoigner de leur attachement à Dimitri Kennes et à vous-même. Près de la moitié de ceux-ci a débarqué à Marcinelle ce lundi matin pour soutenir le personnel dans son action...

Ces marques d’affection me touchent énormément. Je suis ému à chacun de leur message ou appel téléphonique. Ils me donnent la force de continuer. L’essentiel de mon métier -et la chose la plus importante- se résume à ma relation avec eux. Dupuis n’existerait pas sans les auteurs ! Les auteurs doivent continuer à s’intéresser à cette problématique car c’est leur avenir qui est en jeu. C’est également une certaine idée de l’édition qui est en cause aujourd’hui, et que nous défendons ensemble...

(c) Maltaite

Défendre une philosophie éditoriale humaine ...

Dans une lettre que j’ai écrite aux auteurs, je leur ai confié qu’il fallait avoir pour une maison d’édition, et Dupuis en particulier, des yeux de Chimène et pas ceux d’Harpagon. Tout simplement parce qu’il y a des personnes de chair et de sang qui créent, accompagnent la création, ou promeuvent ces bandes dessinées. Une maison d’édition est basée sur les relations humaines. Média-Participations ne parle que de chiffres, de capital, de résultats. Où sont les livres et la création dans tout cela ?
Il faut bien entendu avoir un résultat bénéficiaire pour se donner de meilleurs moyens de développer la maison d’édition. Grâce à cela ou pourra se permettre d’accompagner des œuvres plus audacieuses où de permettre à des nouveaux auteurs d’émerger et de s’épanouir, notamment grâce au journal de Spirou. Or, je n’ai jamais entendu les personnes de Média-Participations tenir ces propos ...
Nous souhaitons développer Dupuis de la même manière que ces vingt derniers mois. Et ce, bien sûr, sous l’impulsion de Dimitri Kennes. Nous voulons continuer ce projet avec les auteurs. Alors où est le problème ?
Il est simple : Média-Participations démantèle peu à peu l’intégrité historique et culturelle de Dupuis, ainsi que son autonomie éditorial et commerciale. Un peu comme ils l’ont fait pour le Lombard. Que représente cette dernière maison d’édition aujourd’hui ? Sans doute des éditeurs possédant une liberté éditoriale. Mais le restant de la vie du livre se décide à Paris ! Nous ne voulons pas de la « Lombardisation » de Dupuis !

Pourquoi les droits dérivés et audiovisuels devraient-ils rester de la seule compétence de Dupuis ?

Lorsque nous signons un contrat avec les auteurs, ceux-ci nous cèdent leurs droits de manière globale. Nous leur sommes redevables d’exploiter leurs droits comme nous l’entendons. Ils est impensable qu’ils cèdent leurs droits à Dupuis et que ceux-ci soient exploités par un « vaste agglomérat » au sein de Média-Participations. Une entité dans laquelle la direction générale de la maison d’édition concernée n’aurait aucun rôle. Vis-à-vis des auteurs, c’est impensable. C’est par loyauté envers les auteurs que Dimitri Kennes et l’ensemble des managers de Dupuis - sauf une personne - osent dire cela. Ceci dit : il est normal qu’il y ait des synergies entre les maisons d’édition de Média-Participations concernant ces matières. Mais les employés de ces entités mixtes devraient obligatoirement rendre des comptes à la l’éditeur de la licence. Le contraire n’est pas acceptable.
Les auteurs cèdent leurs droits à Dupuis, pas à Média-Participations. La nuance est importante !

(c) Saive

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Propos recueillis le 20 mars 2006

Le communiqué de Claude de Saint-Vincent

Photos (c) DR.

[1le responsable logistique, distribution et informatique de chez Dupuis

 
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10 Messages :
  • limonade kafkaienne.
    21 mars 2006 16:04, par eric LIBERGE

    Bonjour Claude.
    Je suis pas à pas depuis Bordeaux l’évolution de ce fameux "non-évenement". une chose est rassurante dans ce paysage fortement brouillé : Ton discours qui va dans le sens des auteurs et de la bande dessinée telle que nous voudrions la voir continuer. Voilà déjà quelques années que je sens nos albums perdre leur place de beaux objets de création pour peu à peu devenir rien moins que des hamburgers aux yeux des financiers (pas tous heureusement) qui les publient et les diffusent. j’admets que le monde change. Et le marché aussi. Mais cette érosion lente pour un nivellement vers le bas, nous ne DEVONS PAS le permettre. C’est parce qu’en d’autres temps les gens n’ont rien fait pour empécher la montée de monstruosités idéologiques, qu’elles ont pu tranquillement s’épanouir. Parce qu’ils l’ont simplement permi en s’en fichant. je suis tellement content de nous voir faire corps pour Dupuis, et laisser de côté cette atmosphère empoisonnée de concurrence qui pèse parfois fort sur notre profession.
    Petits ruisseaux = grand fleuve. faisons érosion à l’envers. Il n’y a pas de raison pour que notre travail se soumette aux lois kafkaiennes qu’on entend nous imposer.
    Ou alors, tous, on ne fera plus que de la limonade.

    Bises, courage et au plaisir de te revoir en des moments plus marrants.
    E. LIBERGE

    Répondre à ce message

  • "La Lombardisation" : un autre son de cloche !
    22 mars 2006 17:42, par Yves Sente

    Cher Claude,

    Je découvre ce matin une copie de ton interview sur le site ActuaBD. Je lis - et je te cite - que : « 

    Média-participations démantèle peu à peu l’intégrité historique et culturelle de Dupuis, ainsi que son autonomie éditoriale et commerciale. Un peu comme ils l’ont fait pour Le Lombard. Que représente cette maison d’édition aujourd’hui ? Sans doute des éditeurs possédant une liberté éditoriale. Mais le restant de la vie du livre se décide à Paris ! Nous ne voulons pas de la « Lombardisation » de Dupuis !

     »

    Depuis le début de cette crise étrange que le Comité de Direction de Dupuis a décidé de faire vivre à ses auteurs et à tout son personnel, je suis volontairement resté très en retrait ainsi que les autres éditeurs qui travaillent pour le même actionnaire que toi. Tu es un homme intelligent et tu aimes la BD autant que nous, je le sais. Je pars donc du principe que tu sais ce que tu fais et je ne m’en mêle pas... ainsi que c’est la tradition et la règle entre éditeurs du Groupe Média. Ma seule intervention a été de venir te saluer lors de l’ouverture du Salon du Livre de paris et de te proposer d’aller boire une bière (ou autre chose si tu préfères) et de parler un peu de tout cela entre quatre yeux et en toute amitié si tu le souhaitais. Nous n’avions eu le temps que de nous croiser au cours de cocktails divers depuis l’arrivée de Dupuis chez Média et cela me semblait un peu « peu ». J’espère que cela n’a pas été pris pour de « l’ingérence insoutenable ». C’était un geste amical resté sans réponse mais que je réitère aujourd’hui. Je suis certain que tu n’auras aucune difficulté à te procurer mon numéro de portable, si tu le souhaites.

    Aujourd’hui, tes propos reproduits ci-dessus sont lus par un grand nombre de gens de la profession et tu comprendras que tu m’obliges à intervenir car ils sont très injustement blessants voir insultants pour toute l’équipe du Lombard et les auteurs qui ont fait confiance au cours des quinze dernières années à une maison qui selon toi ne représente plus grand chose aujourd’hui. J’ose espérer que ces propos dépassent le fond réel de ta pensée.

    De mon côté, je n’ai aucune intention de donner en public mon avis sur la crise que traverse Dupuis. De toute façon, dans l’état actuel de crispation générale, mes propos ne pourraient qu’être interprétés par un tas de gens qui doivent d’abord retrouver un minimum de sérénité. Bref. Je vais me contenter de rétablir la vérité sur la « Lombardisation » des Editions du Lombard par Média.

    En premier lieu, il faut rappeler que quand Média a racheté le Lombard en 1986, la maison était dans un état assez peu reluisant. Ne voulant pas parler de ce que je ne connais pas dans le détail ( quand je lis certains commentaires sur le web, je me dis que, sur ce plan, je suis vraiment une espèce en voie de disparition...), venons-en donc directement à 1991, année où je suis engagé à l’âge de 27 ans par des gens qui ne m’avaient jamais vu et qui cherchaient quelqu’un de jeune pour mettre sa passion au service du redressement d’une des enseignes les plus mythiques (avec Dupuis, of course) de l’Histoire de la BD.
    Connais-tu, cher Claude, l’homme qui m’a engagé ? Il s’agissait de Jacques G.Jonet, l’actuel Président de Média Participations qui n’était à l’époque « que » Président des Editions du Lombard. Tu en connais beaucoup, toi, des Présidents de groupes financier (qui n’ont donc, comme chacun sait et comme Monsieur Brunschwig nous l’a rappelé avec tellement de tact, de finesse et de solides arguments, aucun sentiment ni d’intérêt pour l’humain), qui donnent les clés d’un redressement éditorial d’une maison achetée très chère (déjà !) à un jeune diplômé sur la seule confiance en son enthousiasme ?
    Quelques temps plus tard, un certain Claude de Saint Vincent prenait la direction générale du Lombard ad interim et me confiait la direction éditoriale. Il venait à Bruxelles une fois par semaine et me laissait des feuilles blanches avec sa signature dessus « au cas où j’en aurais besoin pendant ses jours d’absence ». Tu en connais beaucoup, toi, des directeurs généraux « inféodés au grand capitalisme » (j’ai vraiment lu tous les poncifs du genre, ces derniers jours...) qui te font une telle confiance ?
    Plus tard, François Pernot est arrivé et m’a demandé de lui présenter mes projets d’éditeur. Je lui ai parlé de Troisième Vague, de Troisième Degré et du reste. J’ai pu réaliser tous ces projets et j’ai reçu tous les moyens nécessaires pour les transformer en succès. Aucun directeur commercial, marketing ou de diffusion ne m’a jamais refusé une couverture ou imposé un quelconque changement. Le laisser entendre reviendrait à pratiquer la désinformation volontaire.

    Comme toi, Claude, les autres éditeurs du Groupe tiennent à leur complète indépendance de création, de direction éditoriale, artistique... et ils l’ont depuis toujours. Cet état de fait n’empêchant nullement les « commerciaux » de donner leur avis. Personnellement je suis plutôt pour le dialogue. Ce qui ne m’empêche pas d’être ferme et de toujours trancher pour l’auteur en cas de désaccord qui me semblerait basé sur de simples questions de goût. Et j’ai TOUJOURS eu gain de cause en la matière ainsi que mes confrères de chez Dargaud, crois-moi.

    Cette liberté de travail a permis à mon équipe (soutenue par les fameux « commerciaux », je tiens à le souligner) de ramener Le Lombard d’une situation de faillite imminente à une situation plutôt florissante pour tout le monde. Pour rappel, Le Lombard représente aujourd’hui environ 5 à 6 % (selon les années) des ventes totales de la bande dessinée francophone. Avec seulement 35 à 40 nouveautés par an, tu en connais beaucoup qui font mieux ? Demande donc aux auteurs du Lombard s’ils pensent qu’on ne s’occupe pas bien d’eux. Demande-leur s’il n’y a pas un « esprit Lombard » aussi fort que l’esprit Dupuis ?

    Voilà ce que représente réellement cette maison d’édition, cher Claude. Soit tu l’ignores et tu me sembles alors bien peu au fait des réalités du métier de l’édition de bande dessinée, soit tu ne l’ignores pas et j’en déduis que tes phrases sont destinées à nuire à la réputation du Lombard auprès des professionnels qui lisent notre prose. Cela, je ne peux pas te le laisser faire. Sache que je n’ai pas bossé pendant quinze ans au redressement d’abord puis au développement du Lombard pour te laisser nous entraîner vers un mur sous prétexte d’une pseudo croisade pour une pseudo liberté... que nous avons déjà.

    Je ne voudrais pas pour autant conclure ma petite mise au point sans préciser que je suis assez d’accord avec toi (et tu le sais aussi depuis longtemps) au sujet de certains points d’organisation. Tu dois savoir que les choses étaient également plus simples (et donc un peu plus conviviales) pour Lombard et Dargaud avant le rachat de Dupuis. Rachat qui a été un choc tant pour nous que pour vous. La taille qu’a prise le nouvel ensemble a poussé la direction générale vers un certain nombre de « transversalisations » (terme barbare très en vogue...) de services qui ne sont pas toutes révélées d’une extrême efficacité, j’en conviens. Se mettre autour de la table ? Avec plaisir ! Je suis prêt à t’accompagner avec mes confrères éditeurs pour améliorer les choses. Evidemment que tout n’est pas parfait au terme de vingt mois de vie commune. Faut-il tout casser tout de suite pour autant ? Rome ne s’est pas faite en un jour... Toi et moi sommes à la tête des deux plus anciens catalogues de la BD franco-belge. L’Histoire de nos deux maisons respectives est aussi riches que parsemées de crises, de déblocages de crises, d’évolution positive, de périodes creuses, de redémarrages spectaculaires... et tout cela continuera après nous, fort heureusement.

    Tu sais, Monsieur Raymond Leblanc répond toujours la même chose quand on lui demande les raisons du succès du Journal Tintin et du Lombard : « Il y avait Spirou et Dupuis. Il y avait un excellent concurrent qui nous obligeait à nous dépasser chaque semaine. » Crois bien que cette évidence est solidement ancrée dans les esprits des dirigeants de notre Groupe. Ils sont convaincus de la force de ce message du Président d’Honneur du Lombard. L’émulation ne peut venir que de la saine concurrence. Et cette saine concurrence ne peut évidemment exister que s’il y a une indépendance éditoriale totale de chaque éditeur. Ceci ne doit pas empêcher de rassembler nos forces là où cela se justifie.

    Tu ne penses pas que cette liberté est assez grande aujourd’hui ? Très bien. Allons en parler. On trouvera sûrement le moyen de proposer ensemble des choses constructives « aux grands financiers ». Comme je te le disais, je les connais depuis quinze ans et je pense que si on pratiquait la « discussion de bistrot » dans un petit endroit sympa de Charleroi, de Bruxelles ou de Paris, on arriverait plus loin qu’en ameutant la rue, les médias et les syndicats. C’est mon avis et tu en feras ce que bon te semble.

    J’attends ton coup de fil ?

    Très sincèrement,

    Yves Sente

    Directeur éditorial

    Editions du Lombard

    P.S. Je dois préciser que Claude Gendrot m’a spontanément téléphoné avant que je n’envoie cette réponse. Il m’a dit s’être rendu compte par lui-même que le mot "Lombardisation" n’était certainement pas le plus approprié pour expliquer notre travail éditorial des dernières années. Vis-à-vis des auteurs du Lombard, Claude Gendrot reconnaît cependant lui-même que je me devais de répondre à ses propos. J’ai donc envoyé ma réponse comme prévu.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Jean-Claude Bartoll le 22 mars 2006 à  22:14 :

      Excellent !

      Moi, je trouve salutaire cette discussion via le webmail du site ActuaBd.Com.

      Chacun s’exprime, les choses se disent et chacun "reconstruit" cette grande famille d’auteurs qui ne peut vivre sans ses éditeurs mais sans laquelle les éditeurs ne pourraient vivre !

      L’argumentation d’Yves Sente me paraît cohérente, hormis la pique (personnelle ?...) à la "transversalisation" (néologisme approprié néanmoins...)des métiers de la BD qui me font réitérer que tout Auteur a le "droit" de discuter avec son responsable éditorial autant qu’avec le responsable de diffusion, celui du marketing ou avec celui (ou celle) de la "Presse" !

      Chacune de vos "maisons" à son âme. Sa logique, sa politique éditoriale... Mais, messieurs les "éditeurs", pensez-vous aux auteurs qui investissent des jours, des semaines voire des mois de leurs temps afin de vous proposer des projets d’oeuvres qui, si elles sont retenues par vous et, plus tard, par le public, deviendront des "références" dans votre catalogue ?

      Nous sommes tous dans la même "barque" et le dialogue doit exister. Se créer au-delà de tout dogmatisme. Aujourd’hui, le niveau du débat peut laisser pantois des néophytes autant que des professionnels habitués à livrer leur travail en temps et en heure afin de se considérer (ou qu’on les considère) comme tels...

      Je vous le redis (voir Post antérieur), pour moi qui n’ai pas votre cursus en BD - mais dans d’autres domaines de l’écrit et de l’image - cessez vos chamailleries et pensez aux Auteurs. Sans eux, pas de salaire pour vous. Sans vous, pas de projets publiés pour eux...

      Et, en final, l’extinction d’un "espace de liberté" aussi exceptionnel que rare dans le paysage culturel européen...

      Bien amicalement à toutes et à tous...

      Jean-Claude Bartoll (scénariste)

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    • Répondu par Dehousse le 23 mars 2006 à  11:51 :

      Lombardisation de Dupuis ??? Pour l’avenir des auteurs, pour les éditeurs et pour les libraires qui vendent des bandes dessinées voici un petit rappel. Voici moins de dix ans, le représentant de Casterman (Willy puis Paul) mangeait tous les trimestres à la maison avec son dossier et ses jolies photocopies des couvertures "a paraitre". Renseignements sur les auteurs, mini biographies, dates de parution, défense de nouvelles collections, présentation des nouveaux dans la profession ... 1 h 30, 4 fois par an pour une centaine de bandes dessinées. Le moindre problème, une séance de dédicaces, des colis défectueux ... un petit coup de téléphone : réglé. Situation actuelle : plus de représentant depuis trois ans, plus de catalogues, plus d’info, des problèmes en pagaille sur les livraisons (sans solutions) : vive Flammarion !
      Dès le rachat de Dupuis, on a vu un nouveau vent souffler : plus de promo, moins d’aide aux dédicaces, plus de collaborations, une présentation commune de l’ensemble du groupe média-participation par le représentant donc moins d’info sur les sorties,les auteurs, les potins ... on ne peut pas en vouloir au représentant qui doit tourner dans 10 librairies avec 50 nouveautés à présenter. Ce n’est plus une présentation mais une prise de commande ! Une augmentation du prix de certaines collections en janvier de cette année (3-4%), un alignement des remises Dupuis-Lombard-Dargaud et une diminution de celle-ci. Un libraire me signalait une perte de 6000 euros net sur la fin de l’année pour le groupe média participation. On ne peut pas avouer que les perspectives d’avenir sont excellentes ..... sauf sur le chiffre qui correspond au résultat financier du groupe !

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    • Répondu le 29 mars 2006 à  21:04 :

      "esprit lombard", es-tu là ?...

      Répondre à ce message

  • Je trouve le discours de Monsieur Gendrot trop basé sur l’affectif et qu’il ne rapporte nulle des faits démontrant une rupture dans la liberté éditoriale de Dupuis. On peut comprendre que des artistes - sensibles par nature - soient émus par un tel discours mais il faut savoir raison garder.
    Je connais Claude de Saint Vincent, ce n’est pas un financier, c’est un gestionnaire passionné qui sait vendre et fédérer les auteurs. Faites donc lui confiance et négociez intelligemment avec lui.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Étienne Davodeau le 25 mars 2006 à  10:10 :

      Les auteurs, "sensibles par nature" et "émus", d’un côté.
      Les gestionnaires passionnés de l’autre.

      Elle est un peu fatigante cette image rédutrice de l’artiste un peu évaporé, coupé des réalités du monde.
      Et elle est insultante.

      Répondre à ce message

    • Répondu par Kris le 25 mars 2006 à  11:00 :

      Madame Goscinny,

      Je suis auteur de bande dessinée.

      Je suis sans doute "sensible par nature", c’est possible.

      Par contre, je ne vis pas dans une chambre de bonne, la tête dans les étoiles mais dans une petite maison dont je suis propriétaire et entouré de deux enfants à qui je m’efforce de faire découvrir la vie dans toutes ses réalités.

      Après une bonne auto-consultation, j’affirme également que le siège de ma raison se situe, comme vous et comme tout le monde, quelque part au niveau de mon cerveau et que je compte bien l’y garder, à l’abri de tout parasite.

      Je peux me tromper mais, en cherchant bien, je suis sûr que parmi la centaine de mes collègues ayant affirmé leur soutien aux idées défendues par Claude Gendrot, on peut en trouver quelques-uns qui fonctionnent à peu près selon le même schéma.

      Merci de croire que notre profession n’a que très peu de choses à voir avec la qualité de notre discernement. Venant de vous, il me semble que c’est la moindre des choses.

      Quant à la personnalité de Mr de saint-Vincent que je ne connais pas, je suis tout prêt à lui accorder toute la confiance qu’il mérite selon vous et, également prêt à ce que mes représentants élus (Denis Lapierre, Marc Hardy et Midam) négocient le plus intelligemment du monde avec lui une sortie de crise honorable pour tout le monde. Je crois que les auteurs ont prouvé depuis une semaine qu’ils étaient bien les plus à même de "garder raison".

      Amicalement,
      Kris.

      Répondre à ce message

    • Répondu par Greiner le 25 mars 2006 à  14:34 :

      Ce que je trouve insultant, c’est de constater que les seules réactions de femmes face à cette crise mettant en jeu une certaine idée de la création et de sa diffusion, vont dans le sens du conservatisme et du respect de l’ordre établi. Mme H.Marien a selon Le Monde été autorisée par son époux à tenter d’éteindre l’incendie. Et Mme Goscinny oppose les gentils auteurs un peu largués au bon monsieur, gentil gestionnaire. Rien moins que a tradition du bon père de famille, si je ne m’abuse ! Qui fait appel à la bonne mère apaisante et consolatrice quand les événements s’enveninent et qu’il faut calmer les enfants !

      Si on entendait un peu plus les points de vue des quelques trop rares femmes auteures sur les difficultés du monde éditorial que cette crise met à jour, ce serait vraiment une bonne nouvelle !

      Virginie Greiner

      Répondre à ce message

    • Répondu par Sylvain Runberg le 26 mars 2006 à  18:29 :

      Madame Goscinny,

      Les "auteurs" ne sont pas une "espèce" particulière sur laquelle on pourrait plaquer des généralités de comportements, pas plus que les éditeurs ou les gestionnaires d’ailleurs.

      Cordialement,

      Sylvain.

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