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Tintin au Pays des Societs re-re-réédité (2)

Par Patrick Albray le 19 août 1999                      Lien  
Lorsqu'Hergé entame "Tintin au Pays des Soviets", il n'a bien sûr jamais mis les pieds en Russie. C'est dans un livre, un seul, qu'il trouve son inspiration. Au point d'en copier des passages complets. Ce livre, c'est "Moscou sans voiles". Sous-titré "Neuf ans de travail au pays des Soviets", il a été écrit par Joseph Douillet et publié aux Editions SPES en 1928.

L’auteur avait été consul de Belgique à Rostov-sur-le-Don et avait vécu trente-cinq ans là-bas, dont 26 sous le Tzar et 9 sous le régime des Soviets. Les éditeurs préviennent : "Il raconte donc ce qu’il a vu et entendu, en homme qui connaît à la perfection les gens et le pays(..). Nous avons conservé à son récit toute sa saveur originale, donnant plus de force encore à son souvenir, à la véracité de son témoignage et à l’indignation qui l’anime.

Dès ses avant-propos, l’auteur attaque de front : "Les communistes montrent aux voyageurs une certaine Russie préparée et camouflée de longue main pour leurs visites. Ces derniers, pour la plupart, ignorent la langue du pays. Ils sont, dès l’abord, en contact avec des gens apeurés dont la bouche est close par la terreur et qui savent que la moindre indiscrétion leur vaudra de terribles persécutions qu’ils sentent déjà suspendues au-dessus de leur tête."

Plus loin, il ajoute : "Ces guides "officiels" connaissent, d’ailleurs, bien leur métier. Nombreuses sont le circonstances dans lesquelles ils n’hésitaient pas à montrer au voyageur de très anciennes institutions datant de l’époque tzariste, telles que Facultés, cliniques, Universités, sanatoria, comme des réalisations soviétiques.

Petit florilège de "Moscou sans voiles" :

Le chapitre premier a pour titre "L’envers et l’endroit de ce que l’on fait voir aux étrangers en Russie Soviétique". L’auteur y décrit le porpagande menée par les Soviétiques pour convaincre les ouvriers occidentaux des bienfaits de leur régime :
"Je vais dévoiler ici-même une de ces petites bévues qu’avaient commises les pouvoirs bolcheviques au passage de la délégation. Ce fait se produisit dans une petite gare sur le territoire du "Donbass", qui est sillonné d’un grand nombre de petites lignes de chemin de fer s’envhevêtrant les unes les autres. L’horaire prévoyait un arrêt de cinq minutes à cette petite gare. Le train des délégués y stationna en fait plus d’une heure. Je ne sais comment on expliqua ce retard aux délégués, mais les paysans du village voisin, situé non loin de la gare, connurent bien vite la cause mystérieuse de ce retard : on les mobilisa subitement avec leurs chevaux et leurs chariots, on leur ordonna d’emporter en toute hâte d’importantes provisions de paille dans l’usine qui se trouvait en aval du chemin de fer et qui, depuis quelques années, ne fonctionnait plus.
Lorsque cette paille fut arrivée à destination, on l’engouffra dans les fours de l’usine, et bientôt de gros nuages de fumée noire émergèrent des cheminées, créant ainsi l’illusion d’une fabrique en pleine activité, symbole vivant de la jeune industrie soviétique."

Plus loin, l’auteur explique ce que sont les élections "libres" au pays des Soviets :
"Le place de l’église était noire de monde. Au centre s’élevait une tribune d’occasion occupée par cinq communistes qui représentaient le pouvoir local. Le président sortant du conseil exécutif prononça un discours. Après avoir rappelé ce que le communisme avait soit-disant apporté au village, et après avoir évoqué les monts et merveilles qu’il amènerait à l’avenir, il demanda de procéder au vote. Voici en quels termes il apostropha la foule :

Tintin au Pays des Societs re-re-réédité (2) Trois listes sont en présence, l’une est celle du parti communiste. QUE CEUX QUI S’OPPOSENT A CETTE LISTE LEVENT LES MAINS !

Simultanément, lui et ses quatre collègues sortirent leurs revolvers et dévisagèrent la foule des paysans, l’arme menaçante au poing. Et il continua :

- Qui donc se déclare contre cette liste ? Personne ? JE DECLARE QUE LA LISTE COMMUNISTE PASSE A L’UNANIMITE. IL DEVIENT DONC INUTILE DE FAIRE COTER POUR LES DEUX AUTRES."

Ceux qui essaient de protester contre la liste communiste, ou qui lèvent la main pour appuyer d’autres listes, étaient immédiatement emprisonnés ou même fusillés."

(par Patrick Albray)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Les dessins de Hergé sont © Moulinsart

 
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