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Francfort 2006 : la consécration des mangas et du format "roman"

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 9 octobre 2006                      Lien  
La {Buchmesse} de Francfort est la plus grande foire du livre du monde. Au mois d'octobre 2006, on y signe les contrats des romans que vous lirez en 2007, ceux que l'on s'arrache dans des enchères parfois affolantes. La BD y est également présente et une rapide visite dans les stands donne une bonne idée des tendances de son développement à l'international. Instantané.
Francfort 2006 : la consécration des mangas et du format "roman"
Jeff Smith, le créateur de Bone
à Francfort. Photo : D. Pasamonik

Évidemment, les officines des grands éditeurs de littérature générale bruissaient du buzz fait autour du succès romanesque de la rentrée Les Bienveillantes de Jonathan Littell, désigné par le Publishers Weekly comme LE roman de cette année. Ce business a lieu en dehors des yeux du public qui n’a accès à la Foire que le week-end, quand les jeux sont faits. Les éditeurs de bande dessinée, bien entendu, ne sont pas en reste, juste plus discrets, appuyés qu’ils sont, pour les plus gros d’entre eux, sur des séries qui sont depuis longtemps des succès en librairie. Cette foire est préparée de longue main par leurs responsables des droits étrangers et les agents littéraires qui les représentent et l’occasion de rencontrer les partenaires étrangers avec lesquels ils travaillent toute l’année. La plupart des éditeurs de BD se trouvent soit dans le stand collectif des éditeurs français coordonné par le Bureau International de l’Édition Française (BIEF) où sont présents Delcourt, Soleil, L’Association, Le Cycliste ou Paquet (ces derniers représentés par Sylvain Coissart) ; soit dans des stands individuels regroupés par labels comme Dupuis/Dargaud/Lombard (Média-Participations), Glénat/Vents d’Ouest ou les Humanoïdes Associés ; parfois simplement sous la forme d’une table au sein de leur maison-mère comme c’est le cas pour Denoël Graphic (Groupe Gallimard) ou Emmanuel Proust (Groupe La Martinière).

Jacques Glénat (PDG, au centre) et Dominique Burdot (DG, à gauche) en grande discussion sur leur stand à Francfort.
Photo : D. Pasamonik.

La BD franco-belge pour les petits éditeurs

La situation de la bande dessinée franco-belge n’est pas réjouissante, mais pas non plus dramatique. Les ventes à l’étranger restent limitées. Le modèle Dupuis/Lombard/Dargaud est depuis quelques années battu en brèche par les mangas, nos concurrents dans le monde entier. « En Allemagne, nous raconte Eckhardt Schott, de Salleck Publications, les séries franco-belges ne sont plus publiées que par des petits éditeurs, tandis que les gros ne publient plus... que du manga ! » Le tirage moyen est de 2500-3000 exemplaires, 7 à 8.000 pour un Blueberry ou un Bilal chez Ehapa (contre 400.000 en France pour ce dernier...). Mais des personnages comme Astérix ou Lucky Luke gardent encore une notoriété suffisante. Ainsi, les éditions Zack viennent de se lancer dans la publication de Michel Vaillant (ce personnage a eu une très forte notoriété dans ce pays dans les années soixante) et de... Green Manor, l’excellente série de Bodart et Vehlmann. Chez les "indépendants", c’est évidemment Persépolis de Marjane Satrapi, publié il y a deux ans par l’éditeur suisse germanophone Edition Moderne, qui tient la corde là-bas, comme aux États-Unis où il a fait un triomphe qui ne devrait pas baisser en intensité si l’on en croit le buzz des milieux de l’animation qui, au regard des premiers rushes du film, annoncent un chef-d’oeuvre.

Eckhardt Schott, patron de Salleck Publications
Editeur de Natacha, Les Tuniques bleues, Le Spirit ou encore Le Vol du Corbeau en Allemagne. Photo : D. Pasamonik.
Mirko Piredda, responsable éditorial du magazine "Zack"
et éditeur de "Michel Vaillant" et de "Green Manor" en Allemagne. Photo : D. Pasamonik.

Les tendances 2006

Globalement, les tendances du marché en 2006 confirment le succès international des mangas, une bonne tenue des séries franco-belges soutenues par la télévision (Lucky Luke, Kid Paddle, Cédric, Largo Winch...), et un développement des traductions de la BD indépendante, qu’elle soit européenne ou américaine. Car c’est une tendance de fond aux États-Unis : Le patron de la librairie en ligne Mile High Comics, Chuck Rosanski signale que pour la première fois cette année, grâce au développement des mangas en librairie générale et dans les multistores, un mouvement impulsé aus USA par le succès de Tokyopop, mais aussi grâce aux publications des éditeurs indépendants, le chiffre d’affaire des Trade Paperbacks (TPB : les recueils de comics en albums dans lesquels on classe aussi des auteurs comme Frank Miller) avait dépassé en 2006 celui des comic-books traditionnels. Du coup, un album récent comme Lucha Libre aux Humanoïdes Associés fait un carton international car il correspond au format du TPB, tout en ayant un sujet et un style graphique proche de la BD américaine.

Chuck Rosanski, le patron de la librairie en ligne Mile High Comics
Photo : D. Pasamonik

Une norme... littéraire

David Basler, l’éditeur allemand de Persépolis
Ph : D. Pasamonik

Un des avantages des mangas, comme des BD indépendantes en noir et blanc, c’est leur faible coût de production. Ce paramètre économique induit une tendance nouvelle au niveau mondial : l’émergence d’une production locale qui vient aussi bien d’Europe, de la Finlande, à l’Allemagne, à l’Italie ou l’Espagne, que d’Amérique ou d’Asie, et qui s’appuie sur des tirages réduits et produits en coédition suivant un modèle que Frédéric Boilet avait très bien décrit dans ces pages. Les albums d’Igort et de Coconino Press par exemple sont aussi bien produits en Italie et en France (on pense aux albums de David B et de Gipi, par exemple), qu’au Japon et aux États-Unis, les échanges internationaux ne se faisant pas seulement sur le plan commercial : les auteurs, chacun dans leur pays, se cooptant les uns les autres. L’autre intérêt de ce format, qui est celui du roman, c’est que les éditeurs de littérature s’y intéressent. On comprend mieux pourquoi les éditeurs traditionnels comme Hachette Littérature, Actes Sud, Gallimard, Le Seuil ou Denoël Graphic se sont investis récemment dans ce type de production qui concurrence celle des éditeurs dits indépendants.
Mais dans le même ordre d’idée, le coup de dés des Humanoïdes Associés, la revue Shogun, est en train de frémir à l’international, par un effet de curiosité sans doute, mais aussi par souci de la part des éditeurs de diversifier l’offre des mangas, finalement elle aussi très formatée.

ActuaBD à Francfort à propos du "Marché international de la BD en 2006"
De gauche à droite : Didier Pasamonik (ActuaBD), Rafael Martinez (Norma Editorial), Claudio Curcio (Comicon Napoli), Heewon Chung (Netcomics.com), Chigusa Ogino (Tuttle Mori Agency), Chuck Rosanski (Mile High Comics) et l’animateur du débat Andreas Dierks (Comic.de). Photo : G. Dorison.

Faszination Comic

Toutes ces questions étaient au cœur des débats organisés par la foire dans un espace spécialement dédié à la bande dessinée pour la septième année consécutive : Faszination Comic. On pouvait y admirer une exposition des planches du Vol du Corbeau de Gibrat et assister à une série de rencontres notamment avec Jeff Smith, l’auteur de Bone, avec José-Luis Munuera venu présenter son Spirou à Tôkyô, Brösel l’auteur du best-seller allemand Werner qui fête cette année ses 25 ans, sur l’autocensure, sur le phénomène des mangas et ses conséquences culturelles, sur la déclinaison en cartes à jouer de Yu-Gi-Oh, sur les jeunes cartoonists allemands et sur le marché international de la bande dessinée en 2006 où votre serviteur représentait ActuaBD. Un Cosplay, un spectacle toujours payant quand il faut séduire les médias, clôturait le week-end.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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