Dans son numéro de mars, Jean-Marc Vidal, rédacteur en chef de Bodoï, dans un éditorial incompréhensible, se livre à une attaque sans précédent contre Fluide Glacial (qualifié de "concentré moribond d’inepties rustiques prétendument fluides et assurément glaciales que tentent d’écouler en kiosques les héritiers fourbus du divin Gotlib"), son rédacteur en chef Ronan Lancelot et l’un des piliers du journal, le dessinateur Gaudelette ("hâtivement formé au dessin par le pauvre Jean Solé", nous explique-t-il).
Qu’est-ce qui a causé tant de haine ? Un simple petit strip comme il y en a tant dans Fluide. Où l’on peut lire le dialogue suivant :
Des fois, j’ai la sensation que tout est noir... que nous sommes les ringards de la BD... que notre édito est pourri, que nous ne sommes pas drôles...
Et alors, tu fais quoi pour te remonter le moral ?
Je lis Bodoï.
Un tantinet impertinent, d’accord, mais l’impertinence n’est-elle pas l’une des caractéristiques d’un journal qui, depuis plus de trente ans, joue principalement sur les cartes de l’humour et de la dérision ? Et lorsqu’on ouvre ses pages, on sait en principe qu’on court le risque d’y trouver autre chose que le florilège des citations de Bécassine.
On peut dès lors s’étonner de cette réaction à vif du rédacteur en chef de Bodoï et de son seuil de susceptiblité assez bas alors qu’il dirige un journal qui, chaque mois, ne se gène pas pour égratigner des auteurs de bande dessinée dans ses chroniques de livres - ce qui est plutôt sain - et de tenter de lancer des polémiques en sélectionnant, dans les longs entretiens que des auteurs lui accordent, les propos les plus croustillants et les plus agressifs - ce qui l’est beaucoup moins.
Plus gênant encore est le souhait qu’exprime à mots couverts Jean-Marc Vidal de voir disparaître Fluide Glacial. Entre les deux journaux, nous avons le choix entre :
un magazine réalisé autour d’une équipe d’auteurs, qui cherche de nouveaux talents, qui prend le risque de lancer de nouvelles séries, qui tente d’offrir, chaque mois, avec des hauts et des bas, certes, une bonne dose de rigolade ;
un fanzine de luxe coûteux, qui se contente de puiser dans les séries découvertes par les éditeurs pour proposer à moindre coût trois ou quatre tranches de bande dessinée, tout en l’enveloppant d’un rédactionnel, de qualité, certes, mais qui ne fait pas avancer la bande dessinée d’un millipoil.
Devinez où va ma préférence.
(par Patrick Albray)
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