Dès l’entrée de l’exposition, il est dit que Giraud et Moebius seront mis à pied d’égalité. Des immenses panneaux dessinés par Moebius côtoient un portrait géant de Blueberry. On commence la visite par les planches de Blueberry. Et ce sont des originaux, pas de vulgaires copies ! Toutes les époques y sont : des débuts à la Jijé, en passant par quelques albums mythiques comme "Ballade pour un cercueil", jusqu’au dernier "OK Corral", dont une première version inédite des planches 2 à 4. On y découvre aussi une planche étonnante : datant de 1955 (Giraud a 17 ans), cette page de Franck et Jérémie fait furieusement penser à la "nouvelle bande dessinée". Tant le graphisme, le découpage en "gaufrier" et même l’écriture du texte dans les bulles font penser au travail d’un Blain ! Interrogé d’ailleurs par nos soins sur ce qu’il pensait du courant représenté par les Blain, Sfar, Trondheim, Guibert, et autre Satrapi, Jean Giraud s’esquivera par une pirouette : n’ayant pas réussi à les "tuer" il s’est fait ami avec eux, bien qu’il sait que c’est lui et sa génération que ses nouveaux amis veulent remplacer. Il n’en dira pas plus à ce sujet.
Après le classique Blueberry, le visiteur est engagé à monter quelques marches pour poursuivre son parcours. Nous sommes à présent dans l’univers de Moebius. Là encore, des originaux par dizaines, à donner le tournis. Même l’amateur le plus exigeant y trouvera son bonheur. Et l’émotion est grande à la découverte de ce qui fait à présent partie de l’histoire de la bande dessinée. Certaines illustrations sont d’ailleurs d’une beauté saisissante.
Evoquant avec une puissance étonnante une ambiance futuriste qui nous semble pourtant si familière, certaines illustrations dégagent en outre une sensation de sérénité confiante dans un contexte pourtant inquiétant. Quelques une de ces œuvres devraient d’ailleurs figurer dans un musée d’Art Moderne, tout simplement, aux côtés des artistes peintres contemporains.
A l’issue de la conférence de presse présentant l’exposition, les journalistes présents ont pu poser quelques questions à Jean Giraud, qui s’est révélé d’une gentillesse et d’une amabilité extrême. Tout d’abord il s’est dit très ému de revenir ainsi à Liège, d’où finalement, via Jean-Michel Charlier, tout est parti. Il se sent d’ailleurs un peu Liégois d’adoption, même si la dernière fois qu’il était venu, c’était il y a plus de trente ans, en compagnie justement du génial scénariste. Pour Jean Giraud, une rétrospective pareille de son travail lui permet de mieux comprendre lui-même ce qu’il a voulu faire, de voir son évolution, de s’arrêter un peu de dessiner et de contempler ce qu’il a réalisé. Sans vouloir passer pour un mégalomane, il lui arrive parfois de s’émerveiller de ce qu’il a pu dessiner, de se dire que là, il avait réussi ce qu’il espérait faire. Nous reviendrons dans un prochain article sur cette conférence de presse très intéressante.
Mais en attendant, rendez-vous sans hésitation à cette exposition, qui est en plus, cerise sur le gâteau, accessible à un prix très démocratique !
(par JLM)
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"Giraud Moebius", au grand manège de la caserne Fonck, 2 rue Ransonnet, Liège, jusqu’au 31 décembre 2003, du lundi au jeudi de 10 à 18 h, vendredi et samedi de 10 à 20 h, dimanche de 14 à 18 h. Entrée : 4 euros (2 euros enfants et étudiants). Infos : 04/341.63.73 et www.moebius.be.tf. Attention : fermé du 20 au 23 décembre.
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