Avec un budget de 185 millions de US$, The Dark Knight de Christopher Nolan sorti en salle le 18 juillet aux États-Unis cumule à ce jour 263 millions de dollars de recette alors que le film n’est pas encore sorti chez nous. Dépassant même le record du Pirates des Caraïbes, le film fait plus d’entrées en huit jours que Batman Begins. Il devrait égaler, sinon dépasser, le précédent record détenu par le Batman de Tim Burton de 1989. Idem pour Incredible Hulk du Français Louis Leterrier. Avec un budget de 150 millions de Dollars, il « couvre » déjà ses frais avec 227 millions de dollars de recette en seulement quelques jours. Il devrait écraser le record du précédent opus de 2003, le Hulk d’Ang Lee, décevant il est vrai. Les deux films s’affrontent à quinze jours d’intervalle dans les salles obscures hexagonales.
Hulk, finalement crédible
Créé au début des années soixante, au cœur des années magiques de la Marvel, Incredible Hulk naît de l’imagination du king des comics, Jack Kirby et de Stan Lee, qu’on ne présente plus. Comme souvent dans la saga des super-héros, il repose sur un proverbe : « La colère est mauvaise conseillère ». Qu’importe si ce sont des radiations qui rendent Hulk vert de rage, il est un des premiers super-héros à émettre l’hypothèse que la double personnalité n’est pas forcément factice, mais qu’elle est en nous, qu’elle évolue au gré de nos humeurs. Hulk est au sens propre un lunatique. Mais ce pitch simplissime devient un handicap quand il s’agit de construire une histoire. Comme chez Superman, les scénaristes devront développer des trésors d’imagination pour porter le personnage jusqu’à nous. Le film d’Ang Lee avait tenté de le poétiser en l’esthétisant. Pas très convaincant. Le film de Louis Leterrier revient aux basiques : l’efficacité brutale de la force tellurique. Le réalisateur du Transporteur sait y faire en terme d’action et accomplit à la perfection un film conforme aux standards du divertissement américain. Une version qui ne convaincra pas les sceptiques mais qui ne manque pas de panache.
Le Hulk de Kirby et Lee fait l’objet précisément l’objet d’une intégrale chez Panini ces jours-ci. L’occasion pour comparer le film avec la version originale de 1962.
Un héros plus complexe
Avec Batman, on se trouve face à un personnage autrement plus complexe. D’abord parce que Bob Kane et Bill Finger conçoivent en mai 1939, quelques semaines après la création de Superman, un héros sans super-pouvoir (mais quand même milliardaire) qui découvre sa vocation : défendre sa communauté, la ville de Gotham City, et la nettoyer de la pègre qui est à l’origine de la mort violente de ses parents. Ce tour philosophique (mais aussi politique), nourri par les réminiscences des pulps (principalement The Shadow, le feuilleton radiophonique novélisé par Walter B. Gibson) et, plus tardivement, par le roman gothique, donne au personnage une noirceur qui ira grandissante au fur et à mesure du développement l’industrie des comic books en direction des adultes.
Il n’est d’ailleurs pas surprenant que les historiens considèrent l’année où Frank Miller se saisit du personnage de Batman pour écrire son Dark Knight Returns, en 1986, comme la pierre angulaire de l’avènement du Graphic Novel. Cette année-là en effet, Art Spiegelman réunit en volume les épisodes de Maus prépubliés dans Raw et Alan Moore publie son Watchmen [1]. Dark Knight Returns et Watchmen interrogent d’ailleurs le même thème : le vieillissement du super-héros et, par là même, leur perpétuation. Le chef-d’œuvre de Miller (récemment réédité par Panini) dont ce film s’inspire (très) librement, révolutionne, et le personnage, et l’industrie du comic book. Nous ne sommes donc plus, avec Batman, face à un simple divertissement.
The Dark Knight, le chevalier noir arrive précédé d’une légende noire. Déjà la production subit le décès accidentel, en septembre 2007, du cascadeur Conway Wickliffe. Mais la nouvelle la plus surprenante vient du décès inattendu, à l’âge de 28 ans en raison d’une overdose, du comédien qui joue le rôle du Joker, Heath Ledger. Une disparition qui ne met néanmoins pas le film en péril puisque toutes ses scènes avaient déjà été tournées.
C’est précisément le Joker qui est l’attraction centrale de cet épisode. Inspiré, selon Bill Finger, par le personnage au sourire élargi de L’Homme qui rit de Victor Hugo, il incarne le mal de son visage grimaçant entre dérision et douleur. Le jeu d’acteur est remarquable entre le grand guignol ricanant et le raide chevalier à l’armure noire. Une rumeur attribuerait à Ledger un Oscar posthume.
Signalons la re-publication de ce mois-ci de l’impressionnant Batman, The Dark Knight Returns qui reprend le chef d’œuvre de Miller avec sa suite, The Dark Knight Strikes Again. Le volume est imposant : 512 pages de très grand format, tout en couleurs, comportant une introduction inédite de l’auteur, de nombreux documents et croquis en bonus et une couverture inédite.
La folie des comics
Le filon des comics au cinéma est loin d’être tari : de nombreuses séries sont en chantier, le comic-book devenant un genre en soi, comme le western naguère. Il est clair que les progrès du numérique ont permis cette éclosion. La palette graphique suppléant le travail de la caméra, l’imagination débridée de nos auteurs de bande dessinée ne connaît désormais plus d’entrave dans la transposition à l’écran.
Parmi les projets en cours, nous avions déjà évoqué le Spirit de Will Eisner, qui sera traduit à l’écran par Frank Miller. Le détective au loup, quasi contemporain à la trilogie canonique Superman-Batman-Captain América, était déjà un premier pied de nez à la geste super-héroïque. Son traitement par Frank Miller sera sans aucun doute particulier. L’homme qui a modernisé Daredevil et ajouté une insondable profondeur au Batman lui donnera probablement une dimension inédite, peut-être nécessaire au personnage. Wait and see.
Le Watchmen d’Alan Moore & Dave Gibbons a lui aussi déjà fait l’objet d’un écho dans nos colonnes. Il sera confié à Zack Snyder, le réalisateur du calamiteux 300 tiré d’une BD de Frank Miller. Il faudra un miracle pour qu’Alan Moore en complimente le résultat. Il est également prévu courant 2009.
Sequels
Les succès successifs de ces adaptations au box office incitent les producteurs à générer des suites.
Celui du dernier X-Men, boosté par le personnage de Wolverine, a poussé les producteurs à demander à l’homme aux griffes d’adamantium de reprendre du service dans X Men Origins : Wolverine qui donnera sa version de l’inoubliable L’Arme X de Barry Windsor-Smith. C’est le réalisateur sud-africain oscarisé Gavin Hood (Tsotsi) qui tournera la manivelle.
Le Punisher revient aussi, tout guns dehors, dans Punisher, Secret Weapon dirigé par le réalisateur allemand Lexi Alexander qui avait œuvré sur Mortal Kombat et sur Hooligans. Ça donne le ton. Il est prévu pour décembre 2008 outre-atlantique.
La qualité et le surprenant succès de la première adaptation de Ironman pousse également les producteurs à repasser les plats, en 2010, avec un deuxième volet des aventures du marchand d’armes converti au pacifisme. La séquence finale du premier film (après le générique, si vous êtes parti trop tôt de la salle) où Tony Stark croise les responsables du S.H.I.E.L.D. laisse entrevoir ce que sera la suite. Le milliardaire repenti aura à combattre le complexe militaro-industriel de son pays. Les allusions aux évènements récents de la politique américaine ne manqueront pas.
Les créations de Jack Kirby seront à nouveau à l’honneur à partir de 2010. Le marteau de Thor devrait s’abattre sur les écrans cette année-là, tandis que la figure patriotique de la Seconde Guerre mondiale, Captain América arrivera en 2011.
Bien sûr, nous attendons tous l’adaptation à l’écran de Tintin de Spielberg et Jackson.
Incontestablement, dans les années qui viennent, la bande dessinée continuera à faire acte de présence dans les salles obscures.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : "Batman, le chevalier noir". (C) Warner Bros / DC Comics
[1] Stephen Weiner, The Rise of the Graphic Novel, introduction de Will Eisner, New York, NBM, 2003, page 35.
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