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L’audacieux pari du "Capital" de Karl Marx en manga

Par Charles-Louis Detournay le 7 février 2011                      Lien  
Adapter l'œuvre majeure de Karl Marx en bande dessinée : voilà une gageure...qui se révèle heureusement à la hauteur de ses ambitions ! Un premier tome concentré sur l'exemple, tandis que le second dissèque le capitalisme sous toutes ses coutures. Un diptyque édifiant en ces temps d'interrogation sur la marche du monde.

Alors que l’Occident supporte encore les conséquences des crises financières liées au capitalisme, la Chine issue du communisme se libéralise petit à petit et devient la première puissance économique mondiale. C’est dans ce contexte particulier qu’une nouvelle lecture de l’œuvre fondamentale de Karl Marx peut apporter des éclairages intéressants. Cette publication intervient d’ailleurs à un moment où la société se prend à relire les grands penseurs de gauche... À la recherche d’une nouvelle solution ?

C’est sous la signature toute anonyme d’un collectif que cette adaptation audacieuse arrive dans nos librairies. Loin d’une série au long cours comme on pouvait s’y attendre (et s’en lasser) en pensant aux trois mille pages de l’œuvre originelle, c’est sous la forme d’un diptyque que cette thématique particulière se valorise de la meilleure façon.

Une mise en situation par l’exemple

Robin, jeune fromager artisanal, a beaucoup de succès sur les petits marchés. Il rencontre ainsi un entrepreneur qui lui propose de se lancer dans la production industrielle de ses fromages. Robin, dont la mère est décédée faute d’argent pour payer ses soins médicaux, souhaite s’enrichir et cède aux avances du capitalisme.

L'audacieux pari du "Capital" de Karl Marx en manga

Si Robin devient donc un patron, il doit désormais veiller sur sa rentabilité et sa productivité. Mais la crise guette et il va ainsi prendre conscience du monstre affamé et insatiable qu’est le capitalisme. Ce récit imaginaire s’accompagne des commentaires de Friedrich Engels (auteur des livres 2 et 3 de cette somme, sur la base des brouillons e Marx. NDLR) pour une meilleure compréhension des mécanismes du capitalisme qui, finalement, n’épargnent personne, même pas ceux qui l’ont engendré.

Une adaptation audacieuse

Si Le Capital est l’œuvre la plus connue de Karl Marx, elle demeure sans doute la moins lue, car considérée comme la plus ardue, ou développant des thèses qui ne semblent plus d’actualité.

Cette adaptation en manga prend d’ailleurs les traits d’une gageure : comment imaginer transposer cette vision économique et sociale dans un média aussi populaire et facile d’accès ? Pourtant, ce diptyque y parvient de manière stimulante, servant un discours aussi clair que précis.

Une vision dichotomique

Le premier tome s’attache principalement à l’exemple de ce jeune fromager, décidé à répondre favorablement à l’investisseur qui se propose, mais contraint d’augmenter les cadences pour faire face aux demandes du marché. La caricature est parfois un peu facile, mais on comprend rapidement les dérives du système, qu’il s’impose d’ailleurs à lui-même (s’étendre, grignoter les marges ou faire faillite).

Pour autant, le second tome est nettement plus centré sur la philosophie du système, que Marx enseigna et que Friedrich Engels transposa dans la suite du Capital, après le décès du maître. Le résultat est saisissant d’intérêt ! Se détachant de l’exemple, tout en n’hésitant pas à faire des liens pour asseoir sa théorie, chaque page analyse en profondeur les mécanismes du système dans lequel nous évoluons tous.

Un préfacier d’exception

Le tome 2 clôt le raisonnement.

Pour introduire au mieux cette adaptation, l’éditeur a été choisir Olivier Besancenot, où moment où celui-ci fait état de sa volonté de prendre du champ par rapport à la politique. Le jeune facteur de Neuilly s’est fait remarquer comme candidat du parti d’extrême-gauche, la Ligue Communiste Révolutionnaire, et est actuellement l’un des porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste. Lors des élections présidentielles de 2002 et 2007, cette forte personnalité a su s’imposer malgré la chute du Parti Communiste Français, en totalisant à chaque fois plus de 4% des votes.

Sa position engagée contre le capitalisme et sa notoriété en font donc un excellent intervenant pour introduire ce récit. Cela fait, on est surpris de découvrir en fin de volume... de la publicité pour le livre du nouveau parti de Besancenot ! Ceci est assez inédit. Est-ce à dire que le préfacier a exigé une publicité pour cet ouvrage en échange d’un texte introductif ?« Pas glop ! », disait-on dans un illustré pour la jeunesse à tendance communiste.

Surtout lorsque, de la même façon, on découvre, non sans ironie, que cette publication est le fait de l’éditeur toulonnais Soleil, plutôt réputé pour sa réussite commerciale.

En dehors de ces considérations, la lecture de ce Capital se révèle passionnante, pour sa facilité d’accès et la pertinence actuelle de ses propos, en dépit de l’impasse faite sur la place que le tertiaire a prise dans nos sociétés depuis le 19e siècle, mais cela ne retire en rien l’intérêt de ce diptyque stimulant pour la réflexion.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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