René Sterne avait été sélectionné en 2003 par l’équipe éditoriale de Dargaud pour dessiner le diptyque La Malédiction des trente deniers, sur un scénario de Jean Van Hamme. Hélas, le dessinateur est décédé brutalement en novembre 2006, laissant le premier album inachevé.
René Sterne avait terminé l’encrage de 29 premières planches et avait réalisé l’essentiel des roughs et du découpage de l’ensemble du premier volume. En 2005, Il nous expliquait les raisons de son retard : « Le respect de l’œuvre requiert beaucoup de cohérence et de rigueur. J’ai beaucoup tourné autour de l’œuvre avant de m’y attaquer réellement. Il me fallait trouver le fil qui dépassait de la pelote, en quelque sorte. Je veux réaliser le Blake & Mortimer que j’ai envie de lire, et donner ma propre interprétation de cette symphonie jacobsienne ».
Fin connaisseur de l’œuvre de Edgar P. Jacobs, Jean Van Hamme a voulu écrire un récit s’articulant autour d’un axe qu’il n’avait pas encore exploré dans les deux autres tomes qu’il avait signés dans cette collection : « Si on analyse l’œuvre de Jacobs, expliquait-il, on s’aperçoit qu’elle s’articule autour de trois thèmes principaux : le fantastique, l’espionnage et l’archéologie. Ted Benoît et moi-même avons déjà traité les deux premiers. Je voulais donc écrire un récit sur le troisième ! Ce récit concerne les premiers Chrétiens et la mort de Judas ».
Le décès de René Sterne laissa Blake & Mortimer et son personnage fétiche, Adler, orphelins. Après quelques mois de réflexion, sa compagne, Chantal De Spiegeleer, également dessinatrice (Madila au Lombard), accepta avec panache de continuer l’album. Une décision courageuse tant la maîtrise des codes de l’univers jacobsien est difficile. Une tâche aussi que l’on l’imagine également émotionnellement éprouvante.
En février 2009, elle nous expliquait que sa priorité allait à l’achèvement de cet album : « Dans ce type de reprise, l’auteur doit entrer dans un univers, se faire violence pour apprivoiser un style qui n’est pas le sien. C’est contraignant ». Deux dessinateurs sont venus l’aider ces derniers mois pour en accélérer la finalisation. Étienne Schréder et François Schuiten.
Schréder avait déjà assisté Ted Benoît sur L’Étrange rendez-vous en réalisant des recherches documentaires et en dessinant des croquis pour des éléments de décors, essentiellement technologiques. On lui doit aussi le très touchant Amères Saisons. Il a donc a encré plusieurs planches sous le regard attentif de Chantal De Spiegeleer. Cette dernière a, quant à elle, a assuré le crayonné des planches restantes et, bien évidement, une partie de l’encrage. La collaboration de François Schuiten a été, d’après nos informations, plus ponctuelle, de l’ordre de la supervision de l’ensemble.
Cet album, qui devrait sortir à la fin novembre, est d’ores et déjà, l’un des plus attendus de la saison. Une couverture provisoire figure sur le site de vente en ligne Amazon, c’est celle que nous reproduisons ici.
Mais l’aventure continue : Aubin Frechon, un illustrateur inconnu des amateurs bédéphiles, issu semble-t-il du monde du dessin animé, planche actuellement sur le second et dernier tome de La Malédiction des trente deniers.
Un diptyque qui aura connu une réalisation atypique, dont on espère que la qualité de l’histoire et du graphisme n’aura pas souffert de ces péripéties.
Précision de Chantal De Spiegeleer suite à la publication de cet article (24/09/09) : « René Sterne a réalisé 29 planches et un 1er jet de découpage. J’en ai réalisé 25 complètements, Etienne Schréder m’a aidée pour les décors afin de gagner du temps. François Schuiten n’a rien fait, ni rien supervisé. L’aide qu’il proposait ne me convenait pas du tout ».
(par Nicolas Anspach)
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