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Benoît Maurer : « Le manga ne se limite pas à un seul style graphique »

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 29 juillet 2006                      Lien  
Dans les travées de Japan Expo, les mangas apparaissent souvent formatés aux canons du genre, ceux d'une littérature pour adolescents. Il est une échoppe qui tire l'œil par une production atypique : celle des éditions IMHO. A la pointe de la créativité, elles se veulent « pop » et « pulp », créer des ponts entre les mangas, la BD et la littérature. IMHO, certes, mais pas immobiles.
Benoît Maurer : « Le manga ne se limite pas à un seul style graphique »
Panorama de l’Enfer
de Hideshi Hino - Editions IMHO

IMHO, c’est l’équivalent anglais de AMHA (A mon humble avis) : In My Humble Opinion, l’une de ces expressions qui fleurissent sur les forums du Web. Son fondateur, Benoît Maurer, est conforme à ce label. Discret, il reste modeste dans une production de mangas qui enregistre chaque jour l’arrivée de nouveaux acteurs. On lui doit la publication française des œuvres de Junko Mizuno, d’Atsuhi Kaneko, ou encore de Hino Hideshi. Depuis quelques années sur ce secteur, il a une approche japonaise du business, travailler dur, avancer avec détermination, et attendre son heure. Nous l’avons rencontré pour vous.

Japan Mania
La revue dont Benoit Maurer a été le rédac-chef.

Comment avez-vous créé IMHO ?

J’étais le rédacteur en chef d’un magazine dédié à la culture japonaise, Japan Mania pendant plus de trois ans. L’idée était au départ de montrer la richesse de la culture populaire japonaise et de ne pas se limiter aux quelques blockbusters présents partout. Elle était aussi de montrer que les artistes japonais avaient parfois une pratique décloisonnée et travaillaient en même temps dans plusieurs médias distincts comme le jeu vidéo, le manga ou l’animation. Quand le projet s’est arrêté, j’ai décidé de continuer le travail commencé et j’ai donc créé IMHO, un nom qui vient d’un acronyme du Web (In My Humble Opinion).

Votre projet parle de "transversalité", de "contemporanéité" de la création. Vous publiez à la fois de la BD et de la littérature. Comment vous gérez ces deux catalogues avec cohérence, alors même que vous avez recours à deux distributeurs différents, Le Comptoir des Indépendants pour la BD et Les Belles Lettres pour la littérature ?

La Petite Sirène
de Junko Mizuno. Editions IMHO

Au départ, l’idée était de donner un espace aux artistes pour faire des rencontres entre différents médias. Il y avait eu par exemple un projet entre Junko et une écrivaine française pour une adaptation d’Alice aux pays des merveilles, ce genre de choses. Mais cela prend vraiment beaucoup de temps. Donc, pour l’instant, tout est encore à l’état de projet. Les différentes collections s’articulent dans le sens où elles explorent certains domaines que j’apprécie et le fonctionnement est assez simple puisque les deux distributeurs sont spécialisés chacun dans leur domaine.

Garo
la mythique revue des années 1960

Qu’est-ce qui distingue vraiment la production d’IMHO des autres éditeurs de mangas ?

Pour moi, la collection d’IMHO est pop et pulp (en tout cas, c’est comme ça que je la définis), destinée à un public de jeunes adultes par les thèmes qu’elle aborde (et c’est d’ailleurs ce genre de public que nous rencontrons lors de salons). Elle s’intéresse à montrer que le manga ne se limite pas à un seul style graphique et à des codes narratifs très fermés comme peuvent l’être le shôjô et le shônen classique mais peuvent donner lieu à quelque chose d’un peu plus fun. La collection est très influencée par la revue indépendante Underground, et Comic Beam [1], considéré aujourd’hui comme en droite ligne de Garo [2] avec comme baseline « Entertainment for mature readers ».

Comic Beam
la revue qui prépublia "Bambi"

Ca me correspond plutôt bien. Par rapport aux autres éditeurs, je ne me spécialise pas dans un seul type d’œuvre ou un seul courant. J’éprouve aussi bien de l’intérêt pour du manga gothique type Junko Mizuno ou Hino que des trips à la Tori Miki.

Comment on travaille pratiquement avec artistes japonais comme Junko Mizuno ou Atsushi Kaneko ?

Pure Trance
le dernier album de Junko Mizuno. Editions IMHO.

Avec Kaneko, je n’ai pas de relation en dehors de l’éditeur. Donc, pas de contact, si ce n’est qu’il est content des éditions françaises. Concernant Junko, elle est très partie prenante dans son travail et vraiment intéressée par le travail sur le livre. C’est elle qui choisit d’adapter chaque histoire pour un public occidental et donc de retravailler toutes les onomatopées, de choisir le papier, etc. C’est à la fois plus plaisant et plus contraignant.

Comment IMHO va évoluer, allez-vous publier des auteurs francophones ?

Pour l’instant, non, pas d’auteurs français tout simplement parce que je n’ai pas encore trouvé de choses qui m’intéressaient. En fait, mon cœur balance entre l’idée de travailler avec un ou deux auteurs américains que j’apprécie particulièrement, et aller vers d’autres horizons comme des projets de livres de photo ou de littérature qui n’auraient rien à voir avec la BD. Mais pour l’instant les prochains titres sont exclusivement japonais...

Propos recueillis par Didier Pasamonik, le 25 juillet 2006.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

En médaillon : Benoît Maurer. Photo : D. Pasamonik.

[1Des magazines clairement destinés aux adultes.

[2Créée en 1964 par un groupe de dessinateurs indépendants qui, contrairement au reste de la profession, y pratiquaient un art sans aucune contingence commerciale, cette revue a eu un impact considérable sur les générations de mangakas qui suivirent.

 
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