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Vente des originaux : vers une professionnalisation...

Par Laurent Boileau le 11 novembre 2006                      Lien  
Depuis quelques années, l'exposition-vente d'originaux se professionnalise. Le marché développé par les galeristes s'officialise de plus en plus. Petit tour d'horizon avec deux galeristes parisiens: Frédéric Bosser et Daniel Maghen.

Vendre des originaux, quelle horreur ! Il faut vraiment avoir besoin d’argent ! Il n’y a pas si longtemps, ce genre de réflexions était monnaie courante dans le milieu de la bande dessinée franco-belge. Pourtant, certaines transactions s’effectuaient tout de même dans les arrières boutiques des librairies ou tout simplement au domicile des auteurs. Des ventes monnayées la plupart du temps en liquide et sans facture... Avec l’apparition des galeries, ce marché, tant décrié par certains, tend à s’officialiser et donc à se professionnaliser.

Vente des originaux : vers une professionnalisation...
Frédéric Bosser

Frédéric Bosser, installé rue Dante à Paris le confirme : "La plupart des auteurs commencent à intégrer la vente d’originaux, même si certains restent encore très attachés à leurs originaux et continuent à penser que vendre des planches a un côté péjoratif. D’autres ont su l’intégrer pour gagner une indépendance financière le permettant de passer plus de temps sur leurs planches. Notre activité n’est pas totalement rentrée dans les mœurs."
Pourtant les peintres exposent et vendent bien leurs toiles, alors pourquoi pas les auteurs de bande dessinée ? D’autant plus que les galeries ne sont pas des boutiques à produits dérivés.
"Ma galerie est située Quai des Augustins à Paris, dans un quartier prestigieux." déclare Daniel Maghen. "Elle n’a rien à envier aux galeries d’art traditionnel. Les planches sont bien mises en valeur et l’exposition valorise le travail de l’auteur. Les visiteurs sont souvent bluffés par la qualité artistique des dessins. Cela remet la bande dessinée à sa juste place d’art majeur".

La galerie Maghen Quai des Augustins

80% des acheteurs sont des lecteurs de bande dessinée. Ils aiment avoir le choix et donc l’auteur qui expose trente ou quarante planches à plus de chance d’en vendre dix. Parmi les critères de choix, il y a bien sûr le graphisme de la planche mais aussi le moment qu’elle représente dans l’histoire.

Daniel Maghen

"De ce fait, je pousse les auteurs à rendre leurs planches les plus picturales possibles et si possible sans bulles. Maintenant, c’est facile de les rajouter par la suite." confie Daniel Maghen. De son côté, Frédéric Bosser rappelle qu’il "faut créer le marché. Qui nous dit que dans 20 ans, sans ce travail de fond, ces planches auront encore de la valeur et surtout trouveront des amateurs ?". Les galeristes poussent donc les auteurs à vendre aujourd’hui ce qu’ils ne vendront peut-être plus demain. Le gain pour un dessinateur n’est pas négligeable : entre 5000 et 10000 euros en moyenne par an. Bien des jeunes auteurs ont du mal à snober ces revenus potentiels dans le contexte de surproduction que connaît la bande dessinée. Résultats : 2000 originaux à 400 euros en moyenne vendus par la galerie Maghen et un chiffre d’affaire entre 30000 et 50000 euros pour la galerie Bosser. C’est pratiquement dix fois plus qu’il y a dix ans. La marge habituelle sur une vente est de l’ordre de 30-35%. Le prix fixé est basé sur l’expérience du galeriste, sur le marché et sur l’exigence de l’auteur. La concurrence est parfois rude avec les libraires pratiquant une marge plus faible sur la vente d’originaux.
Frédéric Bosser : "Un libraire en vendant des livres a d’autres sources de revenus. Nous, pas. Il est donc normal que notre marge soit supérieure. De plus, nous organisons une exposition et un vernissage. Tout cela a un coût."

Avec certaines galeries, ce coût est parfois partagé avec l’éditeur qui profite du vernissage pour communiquer autour d’un album. Il arrive que des maisons d’édition prennent à leur charge la fabrication et l’envoi des cartons d’invitation au vernissage, ou le cocktail lui-même. Pas de règle établie, c’est quasiment du cas par cas. Mais tout le monde peut y trouver son compte.

D’après Daniel Maghen, si le marché semblait plus difficile en début d’année, il redémarre bien en ce début d’automne. Mais les acheteurs ont tout de même tendance à privilégier les auteurs très connus, soit 5%...

La galerie Bosser rue Dante

Il est intéressant de noter que les deux galeristes parisiens ont chacun développer une activité annexe.
Frédéric Bosser conçoit et édite le magazine dBD.

dBD de novembre 2006

Avec 900 abonnés et un tirage oscillant entre 20000 et 30000 exemplaires, dBD affronte courageusement le monde de la presse et de la vente en kiosque. "Nous avons perdu beaucoup d’argent au départ car nous avions à financer la publicité et une grosse mise en place pour voir les lieux de vente les plus favorables. La perte était d’environ 10000 euros par numéro. Le changement de titre ne nous a pas aidé non plus. Après un an, nous sommes encore déficitaires, mais nous approchons de plus de plus de l’équilibre. La presse me passionne depuis tout petit. Mettre un titre en kiosque, c’est magique. Tous les mois c’est un challenge qui m’attend. Je n’ai pas l’impression de bosser, c’est du plaisir. dBD me permet également d’interviewer des Cabu, Zabou ou autres que jamais je n’aurais eu l’occasion de rencontrer autrement."

"Entracte" d’André Juillard

Daniel Maghen, lui, a fait le choix de l’édition. Si les livres d’illustrations de Lepage et de Ledroit ont connu un vif succès, les ventes de Virages, la biographie en image de Laurent Vicomte, n’ont pas eu le succès escompté. En attendant la publication de d’albums de bande dessinée en 2008, le galeriste mise beaucoup sur Entracte pour se relancer sur ce secteur. La réimpression du magnifique livre d’André Juillard est imminente car l’ensemble du tirage (6000 exemplaires) a déjà été placé chez les libraires...

L’image de marque des galeristes est peut-être ternie par les chasseurs de dédicaces. Entre revendre sur internet un dessin obtenu gracieusement en festival et monter une exposition-vente d’originaux, l’amalgame serait mal venu. La meilleure façon de s’en rendre compte, c’est de visiter les galeries !

(par Laurent Boileau)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photos © L. Boileau

 
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