Né le 29 juillet 1926 à Besançon. Il se forme à Paris au mythique Atelier 63 de Raymond Poïvet [1] (il y entre en 1947), situé, pour l’anecdote, dans le même immeuble que la rédaction de Coq-Hardi quelques étages plus bas. Il y rencontre Christian Gaty, présent depuis quelques mois. Tous se penchent sur les revues américaines : "...fascinés que nous étions par leurs illustrations et la richesse de leur contenu (par rapport aux publications françaises de l’époque). Les dessins de Milton Caniff ou de Frank Robbins nous passionnaient également, moi surtout" confia-t-il plus tard à Louis Cance dans une interview accordée au magazine Hop ! [2].
Il réalise sa première BD, Fabiola (adaptation du film sorti en 1949), en 1948 pour l’hebdomadaire Samedi-Dimanche [3] ; l’histoire est inachevée, l’hebdo ayant cessé de paraître.
Il entame ensuite une collaboration avec l’agence de presse Paris Graphic par l’intermédiaire de laquelle il dessine quelques récits pour l’hebdomadaire féminin Eve [4] et un strip pour L’Aurore, Le Gentilhomme de la montagne, d’après Alexandre Dumas [5].
Il participe ensuite aux éditions Mondiales de Del Duca dans les collections de récits complets : Aventuriers d’aujourd’hui [6] (son style est influencé par Caniff et Robbins), Super aventure [7] et Boléro [8].
A la Société Parisienne d’Edition (S.P.E), entre 1951 et 1980, il produit dans les revues : L’Épatant, Pschitt Aventures où il livre quelques épisodes de Mexico Kid [9], Mondial Aventures avec Les Misérables d’après Victor Hugo [10]. Il se spécialise dans le dessin pour adolescentes dans Fillette, Fillette-Jeune Fille [11] devenu 15 ans avec Les confidences d’une 15 ans [12], J’ai 15 ans puis J’ai 15 ans et c’est pas triste [13].
Outre quelques travaux d’illustrations, Robert Gigi entre à Pilote dès le premier numéro du 29 octobre 1959 (il figure sur la fameuse photo « truquée » représentant l’équipe dans le n° 0) où il illustre un court récit historique en deux planches intitulé Jean Bart. Un autre court récit paraît dans le numéro 4 avant de retrouver Gigi dans le numéro 508…
En 1964, il collabore à Chouchou où il entreprend Gentil Clovis, Rodéo à Carson City, et Panique à Mammouth City.
Pour V.Magazine, il publie de nombreuses illustrations avant d’y créer en 1965 Scarlett Dream avec Claude Moliterni, dans le sillage de Barbarella de Forest. Il fait ainsi partie des pionniers de la BD « adulte » avec Forest, Crepax, Devil et Pellaert. Scarlett Dream est une héroïne sexy et dynamique dont les aventures oscillent entre récit fantastique et histoire d’espionnage ; Gigi lui donne un visage qui rappelle celui de Marlène Jobert. Après quelques années de repos, elle revient dans France-Soir en 1975 et 1976. Un premier album est édité en 1967 par Eric Losfeld, le suivant en 1972 par les éditions Serg, et quatre autres par les éditions Dargaud.
Dans la revue Francs-Jeux, influencé par les films de Kurosawa ou ceux de Kobayashi dans les années 50-60, il réalise de 1965 à 1977 Hito le samouraï, une série de romans illustrés à suivre. Cette série était une préfiguration de Ugaki le samouraï.
En 1968, toujours avec Moliterni, il crée chez Dargaud Orion le laveur de planètes pour la revue Phénix ; en 1969, il crée dans Pilote (numéro 508) la série Le Dossier des soucoupes volantes avec Jacques Lob ; en 1970, il débute, toujours avec son complice Claude Moliterni, la série Agar publiée dans le supplément italien du Corriere dei Ragazzi et en France dans le mensuel Lucky Luke (repris en albums chez Dargaud).
Pour le magazine hollandais Pep en 1971, il signe seul Ugaki le Samouraï qui sera publié en France dans Tintin puis dans Charlie Mensuel 2è série. Ugaki est un ronin qui a perdu son maître et qui cherche à le venger. Il va prendre part à la révolte chrétienne de Shimabara en 1638. La défaite de ces seigneurs chrétiens du sud du Japon va marquer surtout la fin des prérogatives des Daimyos, et la toute puissance du shogunat de Tokugawa. Deux albums de la série Ugaki ont été édités (initialement en 1980 et 1985) ; un troisième a été écrit mais jamais dessiné…
Dans les années 1980, Gigi enseigna la BD à l’école des Beaux Arts d’Angoulême. Après une courte histoire publiée collectivement en 1991 dans l’album Dessous Fripons, Robert Gigi se retira pour se consacrer à la sculpture et aux voyages.
Il reçut en 1969 le prix du meilleur dessinateur étranger au festival international de Lucca (Italie) et le prix Phénix de la recherche graphique, en 1970 le prix du Syndicat National des Dessinateurs de Presse du meilleur dessinateur réaliste, et en 1972 le prix de l’onirisme décerné par la N.C.S (National Cartoonist Society) à New-York.
En 1972, Stan Lee, le célèbre scénariste de la Maison des Idées, écrivait de Robert Gigi et Claude Moliterni en préface à l’album Scarlett Dream aux éditions Serg : "Depuis quelques années, et avec un enthousiasme grandissant, j’ai été agréablement impressionné par la production de la brillante équipe Robert Gigi et Claude Moliterni (Scarlett Dream - Orion, le laveur de Planètes - Agar et Zarra). En toute sincérité, je les considère parmi les plus imaginatifs et les plus innovateurs dans le domaine de la bande dessinée. Robert Gigi et Claude Moliterni sont incontestablement dans les premiers rangs de ceux qui ont contribué au renouveau de la bande dessinée en introduisant un nouveau style de vie. Pour cela, ils ont ma plus profonde admiration et pour cela, ils ont mérité le respect de leurs confrères."
Merci de nous avoir fait rêver au cours de cette longue carrière, Monsieur Gigi…
(par François Boudet)
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On peut se reporter au dossier et la bibliographie (plus complète) de Robert Gigi parus dans Hop ! numéro 70, mais également aux magazines Schtroumpfanzine n°34, Phénix n°12 (1970) et 18 (interview, 1971), Charlie n°34 (article de Guy Delcourt, 1985) et bien sûr l’album Rêves Ecarlates (Aedena, 1987).
[1] Créé avec Derambure et Josse, cet atelier animé par Raymond Poïvet a confirmé les talents de dizaines de grands professionnels tels que Robert Bressy, Jean-Michel Chartier, Angelo di Marco, Philippe Druillet, Jean-Claude Forest, Robert Gigi, Paul Gillon, Marijac, Max Lenvers, Christian Gaty, Lucien Nortier, José Ribera ou Albert Uderzo.
[2] Hop n°70.
[3] 7 planches dans les numéros 33 à 39.
[4] Deux récits au lavis parus du 27.8 au 1.10.1948.
[5] 52 bandes parues en 1949.
[6] 1949-50, 108 planches.
[7] 1951, 18 planches.
[8] 1950, couvertures au lavis.
[9] Un western repris graphiquement à la suite de Guy Mouminoux ; Christian Gaty dessinera également quelques épisodes.
[10] 44 planches.
[11] Avec des récits de 21 à 48 planches : L’Etonnante aventure de Marie-Christine, L’Enigmatique Madame Morgan, Prends garde Sophie, L’Ile des enfants perdus, Le Roman de la momie, etc.
[12] 124 pl.
[13] 38 pl.
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