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Tetsuya Tsutsui : "Je n’aime pas le principe de s’éterniser pour rien sur une série"

Par Arnaud Claes (L’Agence BD) le 10 avril 2007                      Lien  
Invité en France par son éditeur Ki-oon à l’occasion du Salon du Livre de Paris, le mangaka évoque les conditions et les thèmes de son travail.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir mangaka ?

Quand j’étais enfant et que je lisais les mangas d’Osamu Tezuka, je suis tombé amoureux de son travail et de ses œuvres, et j’ai eu envie de faire le même métier. Tezuka est décédé quand j’étais collégien, et sa disparition a été ressentie comme une perte nationale : ça m’a beaucoup marqué. Je me suis dit que j’aimerais bien un jour créer moi aussi des œuvres qui marquent les gens autant que Phénix, l’oiseau de feu par exemple…

Vous avez longtemps diffusé votre travail sur votre site Internet, est-ce que vous travailliez déjà par ailleurs ?

J’étais assistant pour d’autres mangakas comme Kazu Hajime sur Mind Assassin, qui paraissait dans le Shônen Jump, mais aussi d’autres mangakas moins connus ou qui commençaient leur carrière. Parallèlement, je proposais mes œuvres sur mon site Internet et je démarchais des éditeurs, mais ça n’a pas abouti. Ki-oon a été le premier éditeur qui a remarqué Duds Hunt, et j’ai ensuite signé au Japon avec Square Enix.

Tetsuya Tsutsui : "Je n'aime pas le principe de s'éterniser pour rien sur une série"
Manhole, par Tetsuya Tsutsui
(c) Ki-oon

Qu’est-ce qui a changé pour vous depuis ?

La principale chose, c’est que la vie de tous les jours est devenue plus facile : quand j’étais assistant, comme le salaire était très bas et irrégulier, j’étais obligé de porter toujours les mêmes vêtements ! (rire) Mais au niveau de mon travail et de la façon de concevoir mes histoires, ça n’a rien changé, je travaille toujours de la même manière.

Et dans votre rapport aux lecteurs ? Aviez-vous plus d’échanges avec eux via votre site Internet ?

A l’époque de Duds Hunt et des autres œuvres publiées sur mon site, des lecteurs m’écrivaient et je prenais le temps de répondre un par un à tous les messages que je recevais. Mais évidemment, depuis que je suis publié dans un magazine, le nombre de messages est devenu beaucoup trop important : j’aimerais répondre à tout le monde, mais malheureusement je ne peux plus suivre.

Pourquoi privilégiez-vous les one-shots ou une série courte comme Manhole, est-ce bien accepté par vos lecteurs et votre éditeur japonais ?

J’ai du mal à m’impliquer sur des scénarios très longs, qui se renouvellent assez mal. La motivation première pour écrire une histoire, c’est quelque chose qui me révolte ou m’intéresse à un moment précis : cette motivation, qui naît d’une émotion, ne dure jamais très longtemps, donc je préfère l’exploiter rapidement plutôt que de la laisser s’évanouir avec le temps. Ça n’a posé aucun problème à mon éditeur. Je crois que, même s’il y avait une forte pression de la part du public et de l’éditeur pour que je continue, je m’arrêterais quand même, parce que ce qui m’intéresse, c’est de raconter l’histoire que j’ai imaginée au début, et de garder un certain niveau de qualité. Je n’aime pas le principe de s’éterniser pour rien sur une série.

Tetsuya Tsutsui
Photo (c) A. Claes

On remarque des analogies dans les thématiques de Duds Hunt, Reset et Manhole : le mélange entre réel et virtuel, la vengeance, la punition des individus déviants, des personnages en quête d’un sens à leur existence... Quels sont les thèmes qui vous tiennent le plus à cœur ?

Un thème qui me paraît très important, celui que j’aime le plus aborder, c’est le fait que, dans une société quelle qu’elle soit, il y a toujours à un moment donné des crimes qui se produisent : comment y fait-on face ? Est-ce qu’on pardonne aux criminels, ou non ?... Des personnes comme vous et moi peuvent voir un jour leur vie brisée en croisant le chemin d’un criminel – qui est peut-être lui-même la victime d’un crime plus ancien dont il ne s’est jamais remis…

On sent l’influence des séries télévisées américaines dans Manhole, quelles sont de manière générale vos sources d’inspiration ?

Je suis surtout consommateur de films. La plupart des séries télévisées dont on pourrait rapprocher mon travail, comme Prison Break ou Lost, ce sont des choses que j’ai vues après. Dans la façon dont je conçois le découpage de mes mangas, je suis très influencé par le cinéma.

Dans Manhole, le récit, entre thriller et horreur, est parsemé de touches d’humour avec le duo de policiers qui enquêtent sur la contagion : est-ce que c’est hérité d’un film en particulier ?

Je pense que je tiens ça plutôt de Tezuka, qui avait lui aussi l’habitude d’écrire des histoires très sérieuses, dans lesquelles, au détour d’une page, on trouvait un gag complètement inattendu ! Peut-être que je suis ce modèle inconsciemment…

Manhole, par Tetsuya Tsutsui
(c) Ki-oon

L’édition de vos œuvres en France est-elle différente de celle au Japon ?

Il n’y a aucune différence, ni de format ni de pagination. Au Japon, le travail d’édition fait par Ki-oon sur Duds Hunt a même été méticuleusement copié car il était excellent !

Vous étiez déjà venu en France ? Avez-vous eu le temps de faire un peu de tourisme ?

Non, c’est mon premier séjour. Malheureusement, avec toutes les séances de dédicaces, je n’ai pas encore eu le temps de visiter, mais je garde deux jours pour le faire, en particulier pour aller au Louvre voir les œuvres de David !

Comment se passe la rencontre avec vos lecteurs français ?

Je me sens un peu dépassé par les événements. Je ne pensais pas qu’il y aurait autant de monde ! Beaucoup de gens prennent des photos, etc. J’ai un peu l’impression d’être une star américaine en tournée ! Je suis très étonné et en même temps très honoré, très heureux.

Pour finir, quels sont vos projets à venir ?

Sans entrer dans les détails, j’aimerais que ma prochaine œuvre marque les lecteurs pour longtemps, donc je travaille à un scénario qui soit peut-être plus sérieux, qui ait plus de fond que les précédents.

Toujours dans un univers contemporain ?

Ça se situera dans les États-Unis des années 50, donc ce sera un peu différent.

(par Arnaud Claes (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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