Qui est-il ? Les Quatre Fantastiques ne vont pas tarder à le savoir. C’est le Gardien lui-même, dont la mission est d’observer et d’enregistrer l’histoire du cosmos, qui vient prévenir le groupe : le Surfer d’argent est le héraut annonciateur de la menace suprême, Galactus, qui se nourrit de la substance des planètes et les abandonne privées de vie ! À peine les humains ont-il vu la flamme d’argent du Surfer, qu’en un clin d’œil, le prédateur se jette sur sa proie, la Terre, et entame son processus d’absorption des énergies qui la composent : l’eau, le feu, la vie. Le Gardien s’interpose, en dépit du code de conduite intersidéral qui le lui interdit. Il aidera les FF à se débarrasser de cette menace.
Une nouvelle race de super-héros
Sauver le monde, après tout, c’est le lot quotidien de tout super-héros qui se respecte. Superman, le premier, avait endossé cette bure messianique avec le succès que l’on sait. Il était né, il est vrai, en un temps (1938) où le monde entier commençait à être gangréné par les régimes totalitaires soutenus par des idéologies criminelles. Mais la création de Stan Lee et Jack Kirby intervient plus tard, en août 1961. Le monde avait été libéré et l’ère atomique ouvrait autant d’espoirs que d’inquiétudes. C’est précisément l’ambivalence des choses, leur capacité à générer le bien comme le mal, qui est le ressort et qui fait tout le prix des Fantastic Four, une série qui ne fait pas dans la facilité, malgré ses dehors simplistes.
« Dès leurs premières apparitions, raconte l’historien des comics Jean-Paul Jennequin, les Fantastic Four se distinguaient de leurs collègues super-héros par leur refus de se cacher sous une double identité et leur propension à se disputer pour un oui ou pour un non. […] Brusquement, des personnages n’étaient plus une simple panoplie que le lecteur était invité à endosser mais des êtres réels, proches du quotidien, amenés à vivre des situations hors du commun. » [1]
Le génie de Jack Kirby
L’autre révolution est graphique. Jack Kirby –le « king » des comics- est ici au sommet de son art. Il traduit graphiquement le ton propre au genre, un lyrisme d’inspiration shakespearienne aux vagues prétentions philosophiques, par une emphase graphique, une déformation systématique des gestes et des anatomies que lui autorisent les personnages (les monstres pullulent dans ses histoires) mais aussi leurs attributs : élasticité, incandescence, vitesse… On est loin des sages vignettes de Superman et de Batman ! Inventant une grammaire graphique dans laquelle puiseront tous ses successeurs, il y ajoute un sens inédit de la composition, en particulier quand il dessine des armures, des vaisseaux, des laboratoires, des espaces intersidéraux ou des armes fatales, qui l’amènent à concevoir des images aux confins de l’abstraction, annonciatrices du Pop Art. C’est en quoi le style de Jack Kirby est unique et immédiatement reconnaissable. L’encrage de Joe Sinnott dans ces pages canoniques contribue à l’apprêt et à la force exceptionnelle de ses dessins.
Le Surfeur d’argent, un extra-terrestre au service des hommes
Selon la légende, le Surfeur d’argent est une création de Jack Kirby : « Quand Kirby lui a apporté ses planches, raconte G. Courtial, le scénariste a eu la surprise d’y découvrir un personnage qu’il n’avait pas prévu : un bonhomme chromé qui traversait l’univers sur une planche de surf. " - Qu’est ce que c’est que ça ? - Oh, ça ? -répondit Kirby- C’est le héraut de Galactus. J’ai pensé qu’un personnage de cette importance devait en être précédé, comme les seigneurs au moyen âge. Je l’ai appelé le Surfer d’Argent. " » [2] <br
Le Surfeur est le cas typique du personnage ambivalent dont nous parlions tout à l’heure. Instrument de Galactus, il est soudain épris de pitié grâce aux arguments d’Alicia Masters, la fiancée aveugle de La Chose. Il se retourne contre son maître qui se venge de lui en lui retirant ses pouvoirs spatiaux-temporels. Voici notre héraut de l’espace prisonnier sur Terre, attaché aux humains qu’il a voulu sauver. Un « villain » devenu super-héros, tel est le Surfeur. Le personnage eut un tel succès qu’on lui confia bientôt des aventures autonomes.
Le Surfeur à l’écran
Rien d’étonnant à ce que le nouvel avatar cinématographique des Quatre Fantastiques mette un tel personnage à l’honneur. Comme il est maintenant d’usage dans les films hollywoodiens, la production s’est attachée à faire coller au plus près l’adaptation aux comic-books originaux. Ainsi, La Chose a vu ses arcades sourcilières renforcées suite aux remarques des fans. Le scénariste du film, John Turman est un passionné de comics. Il en possèderait, paraît-il, plus de 10.000. Destiné à un public adolescent, l’exercice ne vise pas au chef-d’œuvre mais bien au bon divertissement. Il a déjà engrangé à ce jour pas loin de 241 millions d’US$ de recettes (pour une production qui a coûté 130 M d’US$), mais c’est très loin de Spider-Man dont le 3ème opus reste à la première place des ventes en 2007, tous films confondus, avec 890 millions de dollars empochés à ce jour.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Les illustrations sont © Marvel comics.
Les images du film et l’affiche en médaillon sont © Twentieth Century Fox France
[1] in Des héros pas comme les autres, article introductif à l’ouvrage Fantastic Four, les Inhumains sont parmi nous, éditions Bethy/Marvel France, Paris, 1998, p.5.
[2] In G. Courtial, L’histoire des Marvel comics (online).
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