Réalisé entre 2003 et 2006 par DeZ Vylenz, ce documentaire de 80 minutes donne la parole à Alan Moore, surtout connu pour ses scénarios de comics, mais qui a aussi dessiné des strips au début de sa carrière, écrit un roman, réalisé divers happenings...
Sur environ 80 minutes, Moore nous parle de sa vie, de sa carrière, et surtout, de son intérêt pour la magie, et plus particulièrement la Cabbale, ainsi que de ses idées plus générales sur la société et la nature de la réalité ; idées qui se sont manifestées depuis plusieurs années dans son œuvre, en particulier dans la série Promethea, actuellement en cours de traduction en France. Un monologue dense, dont les thématiques évitent l’écueil du simple récapitulatif d’une carrière célébrée aussi bien par le public que par la critique.
Il faut aussi parler du réalisateur : Ce « paysage mental d’Alan Moore » bénéficie d’un travail visuel et musical remarquable, qui l’apparente plus à un essai poétique de la qualité de celui, par exemple, de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic consacré à H.P. Lovecraft. Vylenz, fin connaisseur de l’œuvre de Moore, s’est même payé le luxe de deux courtes mises en scènes tirées des pages de Watchmen et V for Vendetta (réalisées avant l’adaptation en film de celui-ci), qui sont à la fois sobre et plutôt crédibles (surtout celle de V, d’ailleurs), avec Rorschach sur un toit lisant son journal (Moore lui-même prêtant sa voix au personnage !) et V dans son antre apposant son masque sur son visage. Comme quoi, on peut être fanboy et avoir bon goût. Mais l’intérêt principal du travail de Vylenz réside plutôt dans l’atmosphère qu’il crée grâce à un travail d’illustration qui va de scènes de rue à des images de synthèse de la double spirale ADN, en passant par des effets spéciaux latex du plus bel effet. Son budget n’a beau pas avoir été celui d’un gros machin hollywoodien, le résultat final éclaire et rehausse le discours de Moore, sans jamais essayer de prendre le pas sur celui-ci. Une vraie réussite.
Les bonus sont eux aussi de très bonne qualité : outre plusieurs petites interviews du réalisateur et de ses collaborateurs sur un 1er DVD, six longues interviews, présentées sur un deuxième DVD, donnent l’occasion d’entendre plusieurs artistes qui ont travaillé avec Moore : Melinda Gebbie (Lost Girls), Dave Gibbons (Watchmen), David Lloyd (V for Vendetta), Kevin O’ Neill (League of Extraordinary Gentlemen) et José Villarrubia (Mirror of Love, Voice of the Fire) ; Paul Gravett (historien de la bande dessinée) complète la collection. Ces entretiens sont intéressants à plus d’un titre, car tous ces artistes parlent au moins autant de leur carrière et de leurs opinions sur la bande dessinée en général que de leur collaboration avec Moore.
Ce coffret de deux DVD toutes zones est disponible sur le site de Shadowsnake Films, la compagnie de DeZ Vylenz. Si le documentaire principal, en langue anglaise, est accompagné de sous-titres (entre autres) en Français, les bonus ne sont malheureusement pas sous-titrés. Il ne reste plus qu’à convaincre Arte de consacrer une Théma à Alan Moore et de diffuser tout cela en VO sous-titrée.
Allez, pour la route, une petite info sur Moore : si l’on savait déjà que la sortie de la VF de Lost Girls avait été retardée à 2008, on vient d’apprendre que le prochain volume de la League, intitulé The Black Dossier, ne sera même pas distribué en dehors des États-Unis en VO, pour d’obscures raisons de droits sur certains personnages (qui sont dans le domaine public aux USA mais pas dans le reste du monde), ce qui ne laisse pas d’étonner, puisque le même problème se posait pour les volumes précédents, sans que cela les empêche d’être distribués. L’affaire est encore floue. Cela aura-t-il un impact sur les traductions du Dossier ? En tout cas, ça ne risque pas d’arranger les relations déjà tendues entre Moore et DC... ou peut-être est-ce lié à ces difficultés.
(par François Peneaud)
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