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Jung adopte le roman graphique

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 6 octobre 2007                      Lien  
Entre légende et Héroïc-Fantasy, la carrière de Jung était formatée au franco-belge : Études en Belgique à Saint-Luc, des albums 48cc et un premier succès chez Delcourt : {Kwaidan}. La voie était tracée. Mais notre Belge né à Séoul avait une enfance à raconter. Pour cela, il a choisi la voie du roman graphique.
Jung adopte le roman graphique
Couleur de Peau : Miel
Ed. Quadrants

Quand on passe son enfance dans la patrie d’Hergé, il est difficile d’échapper au milieu culturel ambiant. Né à Séoul, Jung ne se souvenait que des paysages ondoyants du Brabant Wallon. Enfant coréen abandonné, il est recueilli dans un orphelinat à l’âge de cinq ans, avant d’être adopté par une famille belge. Son intégration dans une fratrie nombreuse qui mêle enfants d’origines européenne et asiatique est plutôt heureuse. Mais sa couleur de peau, « miel », comme le précisait sa fiche d’adoption, n’en fait pas pour autant un enfant comme les autres.

« Depuis que j’ai commencé la BD, j’aborde inlassablement les même thèmes : Le déracinement, l’identité, l’abandon, l’Asie, etc. Tous ces thèmes sont liés directement à mon vécu, mes questionnements existentiels.  » Sans être obsessionnel, la recherche de ses racines s’explique par la nécessité de construire, d’avancer dans l’existence. Le roman graphique, qui avait déjà permis à Will Eisner ou à Spiegelman de recontruire leur passé en lambeaux, retrouve ici encore son meilleur emploi. Il revient sur les premiers moments de son enfance, quand un policier le trouve à cinq ans en train de fouiller une poubelle de Séoul. Il l’emmène dans un orphelinat tenu par des Américains. Comme 200.000 de ses compatriotes, il devient un enfant adopté par une famille occidentale.

Jung a cinq ans quand il est recueilli dans l’orphelinat.
Photo : DR

« …cette autobiographie n’est pas un règlement de compte avec ma famille, dit-il, mon adoption n’est ni réussie, ni ratée, c’est plus nuancé que ça. Ce livre est pour moi un prétexte pour parler de l’adoption avec toutes les joies ou les tristesses qui l’accompagnent.  » C’est plutôt un processus de déconstruction qui permet de mieux se reconstruire. Souvenirs de plaisir, de tristesse, de souffrance, pour avoir subi l’exclusion ou le racisme, par exemple. On devine les interrogations, les pudeurs, les bravades. On découvre des parcours sinueux, comme cette détestation de la chose coréenne au profit de l’attrayant Japon : « …j’ai longtemps renié mon pays d’origine. Je changeais de trottoir lorsque je rencontrais un autre adopté qui par ailleurs faisait de même. J’ai vécu cet abandon comme une disgrâce et, à un moment donné, surtout dans la période de l’adolescence, on a besoin de trouver des repères. J’étais asiatique et un besoin vital de m‘identifier à quelque chose. Tout naturellement, j’ai fait un report d’affectivité sur la culture japonaise. Le Japon était un pays longtemps ennemi et voisin de la Corée. En fait, j’étais un traître et heureux de l’être ! »

On le voit bien : Jung échappe réellement aux clichés, aux étiquettes. Ce Coréen qui n’est jamais allé en Corée depuis son adoption a quitté son éditeur habituel, Delcourt, pour rejoindre Quadrants, un label proche des éditions Soleil. Dans ce passage de l’album classique franco-belge au graphic-novel, il n’y a pas qu’un déracinement : il y a la trace de toute une vie.

"Couleur de Peau : Miel" par Jung
Ed. Quadrants

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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