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Aymond : « Nous prêtons une attention particulière à ce que Lady S soit féminine… »

Par Nicolas Anspach le 30 octobre 2007                      Lien  
Après avoir collaboré avec Pierre Christin et Laurent-Frédéric Bollée, Philippe Aymond a relevé un défi : celui de dessiner {Lady S}, une série mettant en scène la fille d’un ambassadeur américain itinérant. Un travail classique mais convaincant.

Vous avez travaillé avec Pierre Christin, mais on l’impression que votre dessin a été remarqué alors que vous collaboriez avec un jeune scénariste sur ApocalypseMania

Effectivement. Les livres que j’ai réalisés avec Pierre Christin sont passés inaperçus. Je n’en connais pas la raison et je ne me pose d’ailleurs pas la question. Notre dernière collaboration, les 4x4 était une série jeunesse destinée aux grands enfants et aux jeunes adolescents. J’ai compris bien plus tard que ce public n’existait pas. Est-ce que la série était bonne ou pas ? Je n’en sais rien. Elle s’est arrêtée de manière abrupte, ce qui a provoqué une remise en question. Je suis passé à la couleur directe. C’était un moyen de sortir du style réaliste de la BD classique que j’associais à l’échec des 4x4. J’ai alors travaillé avec un ami, Laurent Frédéric Bollée

Aymond : « Nous prêtons une attention particulière à ce que Lady S soit féminine… »Comment avez-vous rencontré avec Jean Van Hamme ?

C’est un mariage d’éditeur. Le projet de Lady S existait à l’état de scénario. Les éditions Dupuis ont recherché un dessinateur réaliste classique. Jean Van Hamme avait envie, comme toujours, de ce type de graphisme. Ils ont pensé à moi car j’avais eu des contacts avec eux pour illustrer un album de Pandora Box. Un projet que j’ai abandonner pour m’atteler à Lady S.

La première histoire en deux volumes était déjà écrite ?

Elle était plutôt à l’état de synopsis. Mais Jean avait découpé et dialogué les neuf première pages du scénario, afin de permettre au dessinateur sélectionné de travailler rapidement. J’ai eu le reste assez vite, vu qu’il maîtrisait son scénario.

Qu’est ce qui vous a séduit dans cette histoire ? Vous auriez pu la refuser…

En fait, j’ai eu très peur que ce projet ne me plaise pas. Travailler avec Jean Van Hamme est un grand défi pour un dessinateur ! Je me sentais en symbiose avec ce personnage. La structure narrative des deux premiers albums, en flash-back, était audacieuse. L’un de mes films cultes est Il était une fois en Amérique de Sergio Leone. J’ai retrouvé dans le premier diptyque de Lady S la même structure en forme de puzzle. En utilisant ce type de narration, on arrive à une émotion supplémentaire.
J’écris de temps en temps des idées de scénario. Et le thème de Lady S ressemblait à l’une de mes ébauches de synopsis. Mais évidement si j’étais parvenu à développer mon histoire, elle aurait été moins intéressante que celle de Jean Van Hamme.

Vous dessinez des pays différents dans chacun des albums…

C’est plutôt agréable car les ambiances différentes me permettent de ne pas me lasser. Je découvre sans cesse de nouvelles choses. Il y a aussi un contraste très intéressant entre le côté très élégant des ambassades, et les coulisses du pouvoir généralement pas très net.

Extrait du T4 de Lady S.

Avez-vous voyagé pour Lady S ?

J’ai arpenté Stockholm pour le troisième album. J’ai été dans le massif central pour le quatrième album, et Jean s’est chargé de la Côte d’Azur. Ces repérages sont un plaisir, une manière de nourrir le texte et l’image…

Percevez-vous une différence dans l’écriture de Jean Van Hamme par rapport à celle de Laurent-Frédéric Bollée ou de Pierre Christin ?

Pierre Christin a une manière d’écrire très intuitive, mélangeant l’improvisation et l’imagination. La structure du récit peut changer en court de route. Alors que Jean Van Hamme est extrêmement carré. Avec lui, on sait où l’on va dès le départ. Mon travail en tant que dessinateur diffère en fonction de mes collaborations. J’étais plus impliqué dans le découpage, case par case, avec Christin. Alors qu’avec Jean, il n’y a plus qu’à dessiner…

Et avec Bollée ?

C’est très cinématographique. Sa narration est éclatée, et me permet une liberté graphique qu’il n’y a pas dans Lady S. Laurent-Frédéric m’offre ce côté expérimental…

Les découpages carrés de Jean Van Hamme ne sont-ils pas contraignants lorsque l’on a connu autre chose auparavant ?

Ce le serait si je travaillais sur une histoire à laquelle je n’adhère pas. Mais je me sens bien dans le travail de Jean. Tant dans la manière dont il fait parler les personnages, que de leurs évolutions, que de l’intrigue. Je prends donc un maximum de plaisir sur le graphisme.

Jean Van Hamme nous disait qu’il était certain qu’il n’allait pas scénariser cette série pendant une décennie. Ne craignez-vous pas de ne pas trouver de scénariste de son niveau après lui ?

Je ne me pose pas la question. Je prends les récits de Jean avec plaisir. Et si un jour, la série devait changer de scénariste, on verra. De toute manière, je crois que Jean me tiendra au courant suffisamment à l’avance pour pouvoir s’organiser. Cela ne m’angoisse pas …

Même si Jean Van Hamme a mis en scène beaucoup de femmes dans ses séries, aucune n’a jamais eu le rôle principal… A-t-il une manière différente d’aborder Lady S de ce fait là ?

Il y a prête une attention très particulière. Il y a un parallèle entre le scénario et le dessin à faire : Jean fait toujours attention que le comportement de Lady S n’ait pas l’air d’être masculin. J’ai exactement la même vigilance lorsque je la dessine. Il faut qu’elle soit féminine.

Chaque couverture est composée d’une illustration et d’un dessin commun à l’ensemble de la série : le visage de l’héroïne…

Oui. Ce n’était au départ pas une démarche voulue. J’ai travaillé avec le directeur artistique sur le premier album de la série. Je lui avais fourni plusieurs pistes, dont une qui allait dans ce sens : le visage de Lady S en arrière plan, et une scène forte de l’album en avant plan. Mais ce n’était pas quelque chose de voulu sur le long terme. Quand j’ai vu la couverture terminée, j’ai eu envie de décliner le principe sur toute la série. Le visage de Lady S est quasiment intégré dans le titre de la série.

N’avez pas une amertume de ne pas travailler en couleur directe sur Lady S ?

Non. Cela ne manque pas, même si la couleur directe apporte une satisfaction picturale. Avec Lady S, je suis plus serré dans la narration. J’ai donc dû me réapproprier les instruments traditionnels de la BD, c’est-à-dire la plume et le pinceau.

Extrait du T4 de Lady S.

Avez-vous l’impression que votre encrage a changé après cette expérience sur ApocalypseMania ?

Il a fatalement changé. Je n’avais quasiment jamais travaillé à la plume avant Lady S. J’y trouve une certaine souplesse qui me manquait …

Quel sera le thème du prochain album ?

Il s’agira d’une affaire d’espionnage qui se déroulera à Washington. Au plus près du Président des États-Unis. Il paraîtra en octobre 2009.

Vous allez collaborer au prochain projet de Laurent-Frédéric Bollée, l’Ultime Chimère, dont assumerez un album…

Un album, c’est un bien grand mot. Je ne vais dessiner sept planches. Il s’agit d’une saga historique un peu fantastique. Plusieurs dessinateurs vont plancher sur une période précise [1].

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Lady S, sur actuabd.com, c’est :
- Les critiques des T1, T2, T3 et T4
- Une interview de Jean Van Hamme (Octobre 2005)

Du même auteur :
- Les chroniques d’ApocalypseMania : L’intégrale du premier cycle et du premier tome du second cycle

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Photo en médaillon (c) Nicolas Anspach
Images : (c) Aymond, Van Hamme & Dupuis.

[1Pour plus de détails, consultez le blog de Laurent-Frédéric Bollée.

 
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