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Lepage & Michel : "Oh, les Filles ! traite de la construction de l’identité".

Par Nicolas Anspach le 25 février 2008                      Lien  
{{Emmanuel Lepage}} s’est associé avec son ex-compagne, {{Sophie Michel}}, pour mettre en scène l’itinéraire de trois familles vivant en France, trois parcours qui diffèrent tant par leur statut social que culturel. Les auteurs ont pris le parti de suivre trois petites filles en bas à âge pour évoquer la construction de l’être humain dans des milieux différents…

Emmanuel Lepage, pourquoi avez-vous décidé, après Muchacho, d’enchaîner sur un récit plus léger, se déroulant en France ?

EL : Le scénario de Sophie Michel me permettait de me surprendre tout autant que mes lecteurs. Avec « Oh ! Les Filles », je pouvais partir dans une direction différente, tant narrative qu’esthétique. J’ai dessiné quelques albums qui se déroulaient en Amérique du Sud. Les décors y étaient foisonnants, et un peu dans la démesure. Je souhaitais me confronter à quelque chose de plus intime. J’aime explorer d’autres voies car cela m’offre la possibilité de découvrir d’autres méthodes narratives ou un autre style graphique. Alex Clément est Mort ou La Terre Sans Mal, mon premier récit en couleur directe, m’ont permis cette exploration. Je n’ai pas envie de m’ennuyer dans mon travail. Explorer des champs nouveaux me permet de me sentir vivant !

Lepage & Michel : "Oh, les Filles ! traite de la construction de l'identité".Sophie Michel, comment est né ce récit. Est-ce quelque chose que vous aviez en vous depuis longtemps ?

SM : Non. J’y réfléchissais depuis un an avant de commencer à noter les premières lignes. Je pensais furtivement à des scènes. Des personnages sortaient de mon imagination. En fait, à la naissance de ma fille, j’ai eu envie de parler des relations entre la mère et l’enfant. Je me suis donné un an pour écrire cette histoire. Emmanuel fut mon premier lecteur. Il m’a encouragé. Comme il trouvait cette histoire intéressante, je l’ai envoyée à Claude Gendrot.

EL : Il n’était pas question au début que je dessine ce récit. Je travaillais sur Muchacho à l’époque. Lorsque je suis sur un album, j’ai beaucoup de mal à me projeter sur le projet suivant. Évidement, Claude et Sophie ont pensé à moi. Mais c’est quand j’ai terminé Muchacho que je me suis dit : « Pourquoi pas ? »

Emmanuel est-il intervenu dans le scénario ?

SM : Très peu ! La mise en scène lui appartient. Mais j’ai rédigé le découpage de la première planche à la dernière…

L’une des petites filles, Chloé, est surnommée par sa mère : « Mon petit feu follet ». Est-ce un hommage à René Follet. On connaît l’admiration d’Emmanuel Lepage pour cet auteur.

SM : J’y ai pensé en écrivant ce surnom. Mais pour moi, Chloé est un véritable feu follet. C’est une enfant vive, dynamique et un peu fantasque.

(c) E. Lepage, S. Michel & Futuropolis

Emmanuel, que pensez-vous de la narration de Sophie Michel ?

EL : Elle possède le langage qui est propre à la BD. Elle m’a proposé des scènes purement graphiques qui sont percutantes. Je pense notamment de la scène où un des membres de la famille immigrée prend des claques de la part d’un douanier. À chaque baffe reçue, la petite fille éteint la lumière, puis la rallume. Son sens de la narration m’a motivé à dessiner cette histoire. Pour la mise en scène, je me suis imposé de travailler sur trois bandes.

Ces trois petites filles sont issues de milieux différents : l’immigration, le milieu populaire et enfin le milieu bourgeois. On sent qu’il y a parfois une certaine jalousie, notamment parce que l’une d’elle réussit mieux dans ses cours de danse…

SM : Bien sûr. Il y a toujours de la rivalité entre les enfants, même lorsqu’ils sont amis. Ils aiment se mesurer entre eux. A cet âge, ils apprécient se frotter aux autres pour évoluer. Elles ont toutes des caractères différents. Leila est issue de l’immigration et est toute en douceur. Elle ne s’affirme pas de manière aussi forte que Chloé, mais est quand même présente. Agnès est plus rebelle, car sa vie la pousse vers cette voie.

Parlez-vous beaucoup des caractéristiques des personnages, de la manière de les faire bouger, etc ?

EL : Je demande à Sophie de me parler des personnages, de me dire comment elle les visualise. Le physique de Chloé est inspiré de la fille d’un ami. Pour Agnès, elle m’a dit qu’elle verrait bien une enfant qui ressemblerait Scarlett Johansson à cet âge. J’ai donc dû l’imaginer à ce moment là de la vie, car je ne possédais pas de photo de cette actrice à quatre ans (Rires).

(c) E. Lepage, S. Michel & Futuropolis

Pourriez-vous nous parler du deuxième album ?

SM :. Nous les avons laissées à neuf ans dans les premiers. Nous les retrouverons âgée de douze ans dans le deuxième. On les suivra jusqu’à leur vingt-troisième anniversaire. On ne traitera que de leur jeunesse, de leur formation, de leur construction. En fait, c’est cela qui m’intéresse : comment est-ce que l’on se construit par rapport au milieu d’où on est issu ? Pourquoi certains se dépassent et d’autres pas ?

Pourquoi être allé chez Futuropolis pour publier ce livre ?

EL : Ce fut une prise de position par rapport à ce qui s’est passé en 2006 chez Dupuis. Et puis pour Claude Gendrot, évidement ! Je change de maison d’édition, mais pas d’éditeur. Je me retrouve, chez Futuropolis, face à une équipe avec laquelle j’ai travaillé pendant dix ans. Ce sont des gens envers lesquels j’ai confiance. On connaît nos exigences respectives. Et puis, cet éditeur apporte une attention particulière à la fabrication, au papier.

Sophie Michel & Emmanuel Lepage
Photo (c) Nicolas Anspach

(par Nicolas Anspach)

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Emmanuel Lepage, sur actuabd.com, c’est aussi :
- Les chroniques de Oh, les filles ! Muchacho T1 et T2 ;
- Une interview - Emmanuel Lepage : "Mes personnages sont en quête d’eux-mêmes"
- Monaco : "Muchacho" prix 2007 de la Meilleure Bande Dessinée Adaptable

Photos (c) Nicolas Anspach

 
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