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La BD Québécoise à l’honneur au Salon du livre de l’Outaouais

Par Marianne St-Jacques le 6 mars 2008                      Lien  
Du 28 février au 2 mars dernier se déroulait le Salon du livre de l’Outaouais (Gatineau, Québec, Canada) une des plus importantes foires du livre francophones de l’Amérique du Nord qui, depuis une douzaine d’années, est le seul au Canada à avoir une programmation de BD intégrée et récurrente. Cette année, pour la première fois, un spécial « BD québécoise ».

Pour ce faire, le volet BD du Salon, sous la direction du scénariste et illustrateur Paul Roux (Le passé dépassé, Éditions BD Mille-îles), donnait la parole à trois auteurs québécois : Djief (Le crépuscule des Dieux, Soleil), Éva Rollin (À deux c’est mieux, enfin, parfois…, Albin-Michel) et Jessica Samson-Tshimbalanga (étudiante en bande dessinée à l’Université du Québec en Outaouais et auteure des Mémoires d’un métys dans le cadre du 2e Concours québécois de bande dessinée).

La BD Québécoise à l'honneur au Salon du livre de l'Outaouais
La malédiction des minous de la Colline du Parlement, dernier album et troisième opus de la série Wallaby (Éditions du Vermillon).

Pour fêter le Neuvième art, le Salon proposait également une foule d’activités et d’expositions : ateliers d’animation et d’illustration en direct avec Tristan Demers (créateur de Gargouille, véritable emblème de la BD québécoise), remise du Prix BD étudiant de l’Université du Québec en Outaouais, exposition « Jeunes Talents d’Angoulême », exposition « 25 ans de Gargouille » en plus des nombreuses sessions de dédicaces.

Faire le bilan sur la Québécoise

Il n’y aucun doute, au Québec, le marché de bande dessinée est en pleine émergence. Depuis ses très humbles débuts, à l’aube du vingtième siècle, avec des dessins politiques publiés dans les journaux quotidiens, en passant par la naissance de revues d’humour telles que Croc ou Safarir dans les années 1980, la BD Québécoise a connu son véritable coup d’envoi dans les années 1990 et, aujourd’hui, quelques créateurs réussissent même à vivre de leur art. La venue d’Internet, bien sûr, a révolutionné les pratiques des artistes en leur permettant d’entrer en contact avec les grands éditeurs européens. Il n’est donc pas surprenant que les trois invités BD, Éva Rollin, Djief et Jessica Samson-Tshimbalaga se penchent sur le sujet lors de la « Table ronde sur la BD au Québec ».

Objectif : Europe

Quel constat doit-on donc faire ? La première chose que notent les auteurs est le changement de perception au Québec, face à la bd. Alors qu’autrefois celle-ci ne comptait pas comme de la lecture sérieuse (il s’agissait alors de « petits mickeys », comme les nomme Rollin), on l’intègre à présent dans les programmes scolaires. C’est le cas, par exemple, de la série Paul de Michel Rabagliati (Éditions de la Pastèque). « Dans les librairies il y a vraiment beaucoup plus d’espace pour la BD que quand j’étais jeune », note Samson-Tshimbalanga, « Maintenant, il y a même des sections de BD québécoise. »

L’ouverture des marchés européens est également un pas important pour les créateurs locaux. Le bassin de lecteurs franco-canadiens étant limité, la publication européenne garantit presque automatiquement le double des ventes et permet de plus grands tirages. D’autre part, il permet à certains artistes de travailler avec un scénariste ou un illustrateur déjà connu en France ou en Belgique. C’est le cas, entre autres, de Djief, qui a réalisé Le crépuscule des Dieux en collaboration avec Nicolas Jarry.

Cependant, comme l’explique Paul Roux qui agissait à titre d’animateur de la discussion, même si la BD Québécoise connaît une véritable lancée, peu d’auteurs réussissent à véritablement vivre de leur art et dépendent souvent de contrats d’illustration. De plus, malgré les nombreux avantages que permet la publication chez les géants européens, les éditeurs québécois, eux, ont toujours plusieurs défis à relever selon Paul Roux : « Le principal obstacle actuellement, c’est le manque d’éditeurs spécialisés en BD. Il y en a peu – et qui sont souvent cantonnés dans un créneau et un style particulier – et ils n’ont pas encore les moyens de publier des dizaines d’albums par année. Les auteurs qui publient ont donc de la chance mais ils ne sont pas légion. (…) L’édition n’est pas le seul problème mais, d’après moi, c’est pour l’instant le plus important, le plus fondamental. »

Quand aux foires du livre, celles-ci restent des moyens de diffusion importants pour les auteurs et les éditeurs qui souhaitent agrandir leur lectorat. « À cet effet, Salons du livre et festivals BD aident grandement au développement en donnant une grande visibilité et une légitimité à tous ces créateurs », explique le responsable du volet bande dessinée du Salon.

Lancements et nouveautés

Les propos de Paul Roux sur l’importance des salons pour les créateurs s’avèrent réalité pour Karine Church et pour Christ Oliver qui profitaient de l’occasion pour lancer La malédiction des minous de la Colline du Parlement, leur dernier album et troisième opus de la série Wallaby (Éditions du Vermillon).

Ce livre, (« une bd déguisée en livre pour enfants » comme le qualifie Oliver), raconte l’aventure d’un Wallaby et d’un requin visitant le sanctuaire des chats de la Colline du Parlement, à Ottawa, lieu bien connu des citadins et des touristes de la capitale canadienne. Ce n’est pas la première fois qu’Oliver, qui est bénévole à ce refuge pour chats abandonnés, consacre un livre à ce sujet, puisque celui-ci, avec sa série Fish Lecan, a déjà fait paraître Maria Dorfinkley et les chats de la Colline du Parlement (Éditions du Vermillon). Ce dernier album, écrit pour un public plus âgé, peignait les environs du refuge de façon presque documentaire. Comme les enfants s’étaient intéressés au sujet, les auteurs présentent, avec Wallaby, un album simplifié qui s’adresse à eux.

Oliver, qui s’est fait connaître en Europe grâce à ses parodies de pin-ups, avait déjà une série pour adolescent, Fish Lecan, qui met en vedette un détective félin. Il a également produit, en collaboration avec Max Black Rabbit, l’album De la neige brûlante dans le maillot (Éditions du Vermillon). Cet album, qui mélange à la fois ses propres personnages et ZigZag, la moufette tigrée plutôt sexy de Rabbit, serait un cross-over inédit entre BD anglophone et BD francophone.

La collaboration de Church et d’Oliver a débuté lorsque ce dernier, dans le tome 4 de Fish Lecan (Mission Impensable), a emprunté Wallaby, un personnage qui appartenait déjà à Church et qui était publié dans le fanzine Mensuhell. C’est ainsi qu’est né un premier album à quatre mains, « Un monstre dans la vaisselle de Requin ! ». Avec le Salon du livre de l’Outaouais, Oliver et Church célèbrent le succès qu’a connu leur série et qui leur a permis de récidiver deux fois, en plus de participer au lancement grand public de leur bd.

Hommage à un classique

Il aurait été impossible de faire un spécial « bd québécoise » sans parler de Gargouille qui est à la « belle province » ce que Tintin est à la Belgique ou ce qu’Astérix est à la France. C’est donc pour souligner l’anniversaire de ce classique que s’est tenue l’exposition « 25 ans de Gargouille ».

En 1983, à l’âge de dix ans, Tristan Demers se lançait dans la publication de Gargouille magazine, un fanzine artisanal qui, à ses débuts, était distribué chez son épicier de quartier. C’est ainsi que naissait l’univers de Gargouille.

Gargouille est un grand distrait bedonnant et un peu gaffeur qui, entouré de son fils Fouineux, un ardent fan du club de baseball les Expos de Montréal, de sa femme Zig-Zag et de son chien Macaroni, est entraîné dans une série d’aventures loufoques.

Exposition Gargouille

À force de fréquenter les salons du livre et de distribuer des publications à compte d’auteur, Gargouille s’est taillé une importante réputation. En 1988, un premier album, Gargouille : chasse aux mystères !, paraît aux Éditions BD Mille-Îles. En 1997, après quatre albums et de nombreuses publications du Journal de Gargouille, Demers réussit à signer avec un éditeur belge, P et T production, et parvient à lancer, à Angoulême, une anthologie qui réunit les meilleurs gags. Pour l’auteur, c’est le début d’une grande tournée internationale.

La popularité du personnage dans les foires du livre ne dément pas et, en 2003, Gargouille est nommé « Personnalité des salons du livre du Québec ».

L’exposition relate l’histoire incroyable de cette série imaginée par un garçon de dix ans. On peut y admirer des planches originales dessinées au crayon H.B. On y présente aussi la myriade de produits dérivés qui témoignent du succès commercial de cette bd : soupe au poulet, livres de jeux, carrés à la guimauve, gomme à mâcher, sucettes glacées « Popsicles », livres de recettes, bloc-notes et même une apparition dans l’hebdomadaire 7 jours (équivalent québécois de Paris-Match).

Bref, la participation de Demers en tant qu’animateur au 29e Salon et la popularité toujours croissante, à la fois de Gargouille et de la bande dessinée au Québec, laisse croire que la série, malgré ses vingt-cinq ans, a tout pour rester jeune et bien branchée.

(par Marianne St-Jacques)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photo : (c) Marianne St-Jacques.

 
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