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La BD israélienne au Salon du Livre de Paris

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 13 mars 2008                      Lien  
Sur fond de boycott, Israël est le pays invité au Salon du Livre de Paris cette année. La fine fleur des dessinateurs de BD israéliens sera présente. Les dessinateurs arabes israéliens aussi ? Petite enquête.

La bande dessinée est une fois de plus très présente au Salon du Livre de Paris cette année. Un focus est fait sur les 25 ans du Chat de Geluck, fait exceptionnel : Tôru Fujisawa (GTO) honore le Salon de sa présence, on retrouve une exposition Nana jumelle de celle de Japan Expo, Les Nombrils sont le centre du monde, Art Spiegelman vient y présenter Breakdowns en avant-première mondiale, des débats et des signatures en veux-tu, en voilà, des Speed Bookings organisés par les éditeurs,… le programme est copieux et le détail est lisible en ligne sur le Site du Salon du livre.

Mais deux évènement attirent notre attention : un « duel » entre le dessinateur Jul (Il faut tuer José Bové, La Croisade s’amuse, Bling Bling…) et Michel Kichka, le plus célèbre caricaturiste israélien, l’équivalent de Plantu en France. Charlie Hebdo le salue d’un hommage dans le numéro de cette semaine.

La BD israélienne au Salon du Livre de Paris Le Vendredi 14 Mars de 10H00 à 11H30 au Pavillon d’Honneur - Espace jeunesse, et dans les Ateliers enfants - dessins
- Le Vendredi 14 Mars de 14H30 à 15H30 au Pavillon Rencontre avec Jul , animée par Laurent Melikian.

Michel Kichka par Tomohisa Ichiki.
Droits réservés

D’autre part, une table ronde aura lieu le dimanche 16 mars de 16h à 17h au stand T66-U65, une rencontre assez informelle, composée de dessinateurs israéliens parmi lesquels Uri Fink, le Harvey Kurtzman israélien et de loin l’artiste de BD le plus connu de son pays, ou encore Shay Charka qui seront confrontés à leurs homologues français Florence Cestac, Charles Berberian ou Stéphane Heuet. Des dessins spontanés sont prévus pour ponctuer la conversation.

Reste la question de savoir si les dessinateurs israéliens seront boycottés comme leurs collègues de la littérature. La Ligue arabe, l’organisation panislamique Isesco, l’Algérie, la Tunisie, le Maroc, l’Arabie saoudite parmi d’autres appellant au boycott comme Tariq Ramadan dans Le Monde du 28 février, « …pour faire entendre une voix de protestation dans l’hymne d’une célébration d’Israël… ».

Qu’en pensent nos dessinateurs israéliens ? « C’est enfantin, pathétique et surtout improductif ! tonne Uri Fink La plupart des écrivains et des créateurs israéliens sont des activistes de la paix et travaillent depuis des années à essayer de convaincre l’opinion israélienne de la nécessité d’un état palestinien et d’une solution pacifique au problème palestinien. Peut-être sont-ils intimidés par la richesse et la qualité de la culture israélienne ». « Des événements culturels de portée internationale, tels que le Salon du Livre, sont propices aux rencontres et au dialogue et à l’échange, constate plus posément Michel Kichka. Boycotter, c’est refuser le dialogue. Au sein de Cartooning for Peace collaborent des dessinateurs palestiniens, de même que des dessinateurs d’Algérie, du Liban, d’Iran, d’Egypte, du Danemark, des Etats Unis, de Russie, du Kenya, du Japon, de Suisse, d’Italie et de Nouvelle Zélande, et bien sûr de France puisque Plantu en est l’initiateur. Nos débats se font dans un esprit de tolérance et de fraternité (Ça existe !). Notre dialogue est basé sur l’écoute et le respect mutuel.  »

Uri Fink
Photo : DR

A-t-on seulement tenté d’inviter des dessinateurs de BD israéliens arabophones ? « Je n’ai jamais rencontré jusqu’à présent un dessinateur de BD palestinien ou arabe d’Israël, constate Uri Fink. En revanche, j’ai un jour rencontré un caricaturiste palestinien du nom de Said Nahari de Nazareth. Je l’ai vu à la télé en pleine affaire des caricatures danoises montrant des dessins d’un antisémitisme terrible à propos de Sharon ».

Michel Kickha, professeur de bande dessinée à l’Académie de Bezalel (Jérusalem), de son côté, fait un constat similaire : « Il y a toujours eu des étudiants arabes à l’Académie Bezalel, ainsi que dans les Universités du pays à Jérusalem, Tel Aviv, Haïfa et Beer Sheva. À Bezalel leur orientation est plutôt axée sur les Beaux-Arts et le Vidéo Art. Je n’ai pas encore eu la chance d’en compter parmi mes étudiants de BD et de dessin de presse.  »

Y a-t-il seulement un marché pour les accueillir ? « Le marché s’étend, constate Uri Fink. En dépit d’une situation prospère durant les 40 premières années de l’existence d’Israël, les éditeurs ont toujours préféré publier des traductions plutôt que la production nationale. Le pays est petit et la BD n’a jamais été réellement populaire ici. Dans les années 1970, le travail du dessinateur Dudu Geva a été bien accueilli par une certaine élite intellectuelle et quelques groupes d’artistes ou individualités récemment sortie des écoles d’art israélienne (Assaf & Tomer Hanuka, Actus Tragicus ou Rutu Modan) ont réussi à s’imposer. Mon humble contribution en tant qu’auteur de "Zbeng !" a été de faire en sorte que mes bandes dessinées soient lues par les enfants, tout en jouissant d’un succès commercial alimenté par le merchandising et une adaptation en dessins animés pour la télévision. Bon gré, mal gré, les auteurs israéliens autopublient leurs livres et leurs magazines suivant les méthodes les plus simples et les moins coûteuses, animant ainsi les deux librairies spécialisées en BD de Tel Aviv, un festival de BD annuel et un Musée de la caricature qui vient de s’ouvrir à Holon. »

La BD israélienne fait néanmoins sont trou en France puisque Exit Wounds de Rutu Modan -également présente sur le Salon- a été honoré par un « Prix France Info » et par un « Essentiel » à Angoulême, tandis que Myriam Katin recevra au Salon du Livre son Prix de la Critique 2007.

Une page de Michel Kichka
(C) Kichka

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Où ? Paris, Porte de Versailles, Hall 1

Combien ? 7 €, pass 6 jours : 30 €, entrée gratuite pour - 12 ans, étudiants - 26 ans, etc...

Quand ? Vendredi 14 mars de 9h30 à 19h, 15 et 16 mars de 9h30 à 20h, 17 mars de 9h30 à 18h30 (journée professionnelle), 18 mars de 9h30 à 22h, 19 mars de 9h30 à 17h.

 
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8 Messages :
  • La BD israélienne au Salon du Livre de Paris
    13 mars 2008 16:41, par l’enragé

    les arguments ennoncés pour faire preuve d un esprit de paix sont valables et existent . en même temps ils font pâles figures face à la situation d ’extreme pauvreté présente chez les palestinniens suite au blocus imposé par Israël.
    Celebrer la culture Israëlienne peut etre une bonne chose mais dans un tel contexte ce que je perçois surtout c est la capacité de la culture israélienne a se developper,a s inviter dans le monde tandis que les palestinniens crévent dans des hopitaux à qui ont blocs l acces aux medicaments...
    Ce genre de salon est naturellement perçu comme une humiliation de plus même si les intervenants sont convaincus d une solution progressiste.et malheureusement tout cela va profiter aux groupes extrémes...

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    • Répondu par jean le 13 mars 2008 à  17:43 :

      pas besoin d’être un grand communicant pour savoir que même si les participants de ce salon sont ouvertement pour la création d’un etat palestinnien, l’idée premiere est qu ’il s’agit de la BD ISRAELIENNE. et non pas de la BD d’auteurs israéliens indépendants... Les mots et les formules ont un sens... De plus l invité d’honneur du salon n’est il pas le président d’Israël en personne ?

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  • La BD israélienne au Salon du Livre de Paris
    14 mars 2008 00:26, par Michel Dartay

    Premiers commentaires au journal télé de TF1 ce soir : service d’ordre doublé, tohu-bohu monstrueux (pourtant le grand public n’était pas convié). Commentaires persos d’exposants : le déchargement du stock n’est pas facilité cette année où un climat d’extrême tension semble rêgner prés des stands d’Israel.Il reste à souhaiter que les stands BD en soient éloignés.

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  • La BD israélienne au Salon du Livre de Paris
    14 mars 2008 12:36, par Marc Bourgne

    M. Uri Fink nous affirme que le seul dessinateur palestinien qu’il connaisse est violemment antisémite. Quant aux auteurs de BD palestiniens ou arabes-israéliens, ils n’existeraient pas ! Voilà qui explique logiquement leur absence. Mais comment justifier l’absence d’arabes dans la liste des 40 auteurs de BD et écrivains israéliens invités au Salon ?

    Je peux me tromper, mais cette liste ne comprend que des noms juifs. Or, s’il n’existe pas de dessinateurs palestiniens ou arabes-israéliens, il doit bien exister des arabes qui écrivent des livres, en Israel... Non ? 15% de la population israélienne est arabe, et les deux langues officielles de l’Etat israélien sont l’hébreu et l’arabe (dixit mon Larousse).

    L’explication se trouve sur le site officiel du Salon : ont été "privilégiés" les auteurs de langue hébraïque ! Voilà qui a le mérite de la franchise.

    J’ai été invité à la soirée d’inauguration du Salon par mon éditeur, mais je n’y suis pas allé. Même si cela paraîtra paradoxal,je ne cautionne pas pour autant le boycott demandé officiellement par certains Etats arabes. Ma décision de ne pas aller au salon est personnelle. Et -est-il besoin de le préciser ?- n’a rien à voir avec un quelconque antisémitisme.

    Merci à Didier Pasamonik de ne pas hésiter à poser les bonnes questions. Il peut s’honorer d’avoir édité en France "Palestine, une nation occupée" de Joe Sacco. Enfin, bravo pour l’expo "De Superman au Chat du rabbin" (que je suis allé voir).

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 14 mars 2008 à  23:41 :

      Cher Marc Bourgne,

      Je ne vais pas répondre complètement à votre message car son argumentation est trop confuse. Surtout, vous semblez mal renseigné. Concernant la présence des écrivains israéliens au Salon, comme le débat risque d’être très vite hors sujet, je vous envoie vers l’excellent Pierre Assouline qui vous met un tas de liens qui vous permettront d’aborder la problématique avec tous les éléments nécessaires à sa compréhension.

      Concernant Uri Fink, je ne crois pas qu’il se trompe. Il n’existe semble-t-il pas d’auteur de BD arabe israélien (j’entends par là, un Israélien -c’est Israël qui est invité- d’expression arabe). S’il y en a, faites-le moi savoir, j’en parlerai volontiers. L’exemple donné par Uri Fink est celui d’un caricaturiste (pas un auteur de BD). Et bon, on ne peut pas nier que dans la presse arabe, les dérapages antisémites ne manquent pas.

      Je vais quand même réagir sur certains points :

      vous écrivez :

      Je peux me tromper, mais cette liste ne comprend que des noms juifs.

      Vous risquez en effet de vous tromper souvent : Alfred Rosenberg n’était pas juif, c’était le théoricien racial du parti nazi ; Rockfeller n’est pas juif, il est protestant. Charlie Chaplin n’est pas juif. Crumb non plus. Un "nom" n’est pas juif. Jamais.

      Merci à Didier Pasamonik de ne pas hésiter à poser les bonnes questions. Il peut s’honorer d’avoir édité en France "Palestine, une nation occupée" de Joe Sacco.

      Vous êtes gentil de m’attribuer cette bonne action, mais le livre a été édité par Alain David (avec un nom comme cela, mmmh ?, vous allez me dire) chez Vertige Graphic. Je n’ai fait que le défendre (en lui succédant) contre une manoeuvre de censure d’un groupuscule extrêmiste. Je ne suis pas le seul : Spiegelman aussi.

      Enfin, bravo pour l’expo "De Superman au Chat du rabbin" (que je suis allé voir).

      Merci. Elle est à Amsterdam depuis jeudi dernier jusque fin juin. Attention ! Tous les auteurs exposés ne sont pas juifs. Superman non plus, d’ailleurs ;)

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      • Répondu par Marc Bourgne le 15 mars 2008 à  10:17 :

        Cher Didier Pasamonik,

        Merci d’avoir pris le temps de répondre à mon message, même si son argumentation vous a paru confuse.

        Je sais qu’un nom n’est pas juif, c’est bien pourquoi j’ai écrit "je peux me tromper". Je sais aussi que Chaplin ou Crumb n’étaient pas juifs et que les auteurs exposés au Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme ne l’étaient pas tous (je vous l’ai écrit, j’ai vu cette exposition).

        Ceci dit, vous ne contesterez pas que les deux langues officielles de l’Etat israélien sont l’hébreu et l’arabe. Ni que 19,9 % de la population israélienne est arabe (et non 15 % comme je l’écrivais). Or, la totalité les auteurs israéliens invités au Salon écrivent en hébreu.Il y a peut-être des arabes ou des chrétiens parmi eux, mais il n’empêche que le boycott par le Salon des auteurs arabophones et anglophones (beaucoup d’israéliens ne parlent qu’anglais) pose un problème politique et éthique.

        Imaginez que le Canada soit le pays invité au Salon et que seuls les auteurs anglophones soient invités. Les Québécois n’appelleraient-ils pas au boycott ? Et comment réagiraient les pays francophones ? De mon côté, je n’irais pas, par respect pour mes amis québécois.

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        • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 mars 2008 à  12:09 :

          Comme je vous l’ai dit, je n’entre pas dans la discussion de savoir s’il y avait des écrivains israéliens arabophones ou non au Salon, car cela sort de la problématique de ce site consacré à la bande dessinée. Je renvoie aux liens de l’article de Pierre Assouline pour ceux qui veulent continuer le débat et approfondir la question.

          Mon article portait sur le fait qu’aucun auteur de BD israélien arabophone n’avait été invité, peut-être parce qu’il n’en existe pas.

          J’ai essayé, dans mon article, d’avoir le point de vue des auteurs de BD israéliens (j’ai pris les deux plus connus dans leur pays ; en même temps, je vous les faisais découvrir) sur le boycottage. Cela a eu l’avantage d’ouvrir le débat.

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      • Répondu par Marc Bourgne le 15 mars 2008 à  10:45 :

        Parmi les 39 auteurs de la délégation israélienne se trouve UN arabe, Sayed Kashua.

        Il écrit en hébreu.

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