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Ancestral Z : « Pour Chaosland, le but était d’en faire des tonnes, des caisses, et même des hangars ! »

Par Xavier Mouton-Dubosc Thomas Berthelon le 2 avril 2008                      Lien  
Déjà dessinateur sur la série de mangas {Dofus}, Ancestral Z est co-auteur avec Mojojojo de l'ovni {Chaosland}, grosse farce d'Heroic Fantasy, à l'humour plus que décalé. En lisant l'album, nous n'avons pas su s'il fallait crier au génie ou hurler à la bouse intersidérale, et nous avons souhaité conserver dans cette interview cet esprit dichotomique, en appliquant la bonne vieille recette du gentil flic/méchant flic. Rencontre.

Méchant critique : Max Pécas est arrivé à faire des films drôles, et vous ?

Ancestral Z : (rires) Je n’ai pas encore réalisé de film, donc je ne peux pas vraiment affirmer si mes films sont drôles. Enfin si, j’ai déjà tourné des courts longs métrages, en fait, courts par la durée, longs pour la lourdeur. Mais vous savez, je suis très fan des Charlots. J’espère en tout cas réaliser un jour, des films qui me font rire. J’espère que cela fera rire du monde, parce que je ne souhaite pas faire rire que moi, mais en général, quand je me marre, je peux les regarder sans honte.

Ancestral Z : « Pour Chaosland, le but était d'en faire des tonnes, des caisses, et même des hangars ! »
Couverture de Chaosland T1
© Ancestral Z/Mojojojo/Edtions Ankama

Gentil critique : Rarement un dessin aussi jeté aura été aussi génial. Etes-vous passé par beaucoup de recherches ou est-ce un premier jet ?

Il y a quand même beaucoup de recherches car on ne bousille pas ses années d’études aussi facilement. Je suis très heureux d’avoir réussi à trouver ce trait sur Chaosland, avec mon pote Mojojojo, car j’ai plus de facilités à le revoir, que par exemple celui de Dofus. Dans Chaosland, il n’y pas de construction. C’est un peu comme quand on est bourré. On se réveille le lendemain, on regarde sa case, et on se demande : "Mais qu’est-ce que j’ai fabriqué ?" Il y a même une tête de Grandalf qui est inquiétante, quand je l’ai dessinée, j’étais mal à l’aise, je n’étais vraiment pas bien, je voulais aller dormir, et quand je l’ai revue le lendemain, j’ai senti le malaise dans le dessin. Je l’ai donc laissée telle quelle pour la déconne, car au moins, cela me fera des souvenirs.

MC : Page 37, case 1, quand vous écrivez "il est frais mon poisson, il fait le grand écart comme Jean-Claude", quel est le rapport avec Jean-Claude Dreyfus ?

Oui oui, c’était une blague par rapport à Van Damme. C’était pour dire : "Il est fort, mon poisson", c’est comme si j’avais dit : "Il peut courir le 100 mètres, les Jeux Olympiques, le poisson". Voilà, en fait, il ne faut pas chercher, il n’y a aucun rapport avec d’autres Jean-Claude.

GC : Vous mettez autant d’idées par case que certains auteurs n’en auront jamais dans leur carrière. Comment faites-vous ? L’alcool ? La drogue ?

Un cocktail détonnant. (rires) Que de compliments, je suis heureux d’entendre que ce qui pourrait être défini comme des faiblesses, vous me les donnez comme des qualités. Le but au départ, c’était d’en faire des tonnes, des caisses, et peut-être des hangars (rires). Notre but était de ne surtout pas nous priver, c’est comme dans la série des films Y a-t-il un flic pour sauver la reine ?, dont je suis fan : au fond, vous avez les gags qui sont drôles, ceux qui ne sont pas drôles, et ceux devant lesquels on se demande : "Mais que voulaient-ils faire passer comme idée ?" C’est tout le concept de Chaosland, de placer absolument ces trois genres de blagues. Par exemple, il y a un plan dans Les Simpsons, où Bart... Enfin, non, je m’égare. (rires) Il y avait un rapport avec un deuil de castor, et on sentait trop que cela faisait tripper l’équipe, ce gag n’a pas fait rire les trois quarts des spectateurs de l’épisode, mais moi, j’ai été plié de rire pendant 5 minutes.

Extrait de Chaosland T1
© Ancestral Z/Mojojojo/Editions Ankama

MC : Vos notes, en fin d’albums, sur vos... gags, c’est parce que la réaction de vos premiers lecteurs vous a profondément déçus ?

(rires) Vous parlez du lexigag ? Ah oui, au fait, le lexigag n’est pas à jour, car nous avons mis le numéro des planches, sans compter l’introduction, donc cela ne correspond plus du tout ! Sinon, nous avons mis le lexigag par drôlerie, "Tiens au moins, comme les gens ne verront peut-être pas toutes les références, c’est le moyen idéal..." Mais un jour, je posterai sur mon blog toutes les références, pour que le gars qui aura lu cinq fois l’album, il pourra se rendre compte : "Ah d’accord, ce gag, c’est par rapport à ce vieux film !!" Il y a aussi beaucoup de références à la musique, des paroles de chansons, ou des trucs nuls, donc le lexigag sert à dire : "Voici, en gros, ce que vous avez raté".

GC : Votre bouquin est formidable, on vous l’a déjà dit ?

(éclate de rire) Ben, on vient de me le dire, c’est déjà fantastique !! Je suis désolé que mon comparse Mojojojo ne soit pas là pour entendre cet encensement de notre projet ! Pour une fois, nous sommes loin de brûler sur le bûcher et c’est tant mieux. C’est plutôt un feu d’artifice, ça brûle aussi, mais au moins, on part dans les airs. Nous avons un peu lu les chroniques sur Chaosland sur le Net, et nous sommes heureux de constater que même si la sensation d’étrangeté prédomine, à la fin, c’est quand même le positif qui gagne sur le négatif. Au final, c’est : "Essayez, vous verrez bien vous-même". Ce n’est pas "N’achetez pas cette BD". Il y a le point d’interrogation que nous espérions, du genre : "C’est étrange, il faut peut-être lire l’album deux fois pour tout comprendre, mais au moins, il a le mérite d’avoir son propre univers". Nous sommes aussi contents que quelque fois, on nous dise que c’est bien.

MC : Tuer le héros à la fin du premier tome. Il y a mieux pour inciter à acheter le suivant...

(rires) Il n’y aura que deux tomes, donc au moins, on peut tuer le héros à la fin du premier ! C’était un trip du genre : "Oh mon dieu, mais le héros est mort". Nous avons déjà avancé sur le scénario du deuxième, le premier était basé sur les aventures des héros qui venaient détruire le méchant. Dans la suite, il s’agira plus de la planète, du peuple, contrairement au premier, plus intimiste (rires). Dans le deuxième, on verra plein de peuples, et des tas de têtes aussi diverses les unes que les autres.

GC : Luc Besson nous a confié hier qu’il souhaitait réaliser l’adaptation cinéma. Quelles seraient vos exigences ? [1]

Excellent !!!! J’espère que vous allez me confirmer que c’est la vérité, car sinon, je serais extrêmement déçu (rires). Je suis content de savoir que c’est une information qui va se vérifier, quand je rentrerai chez moi et que je taperai sur internet Luc Besson + chaosland, dans les news sino-ciné-machin (rires). Nous en parlions avec Run [2], d’un dessin animé intéressant, réalisé par les Indiens. Nous avons en effet reçu un test animé, version hindoue. Tiens, d’ailleurs, on va peut-être se regarder un Bollywood ce soir (rires). Donc, n’hésite pas, Luc Besson, on peut aller tourner en Inde.

Run étranglant Ancestral Z
Photo © Chantal Sok

MC : Page 26, vous faites référence à la climatisation. Non mais attendez, dans un univers médiéval-fantastique, tout le monde sait que cela n’existe pas.

C’est vrai, c’est vrai, vous me posez une colle, là. (rires) Des fois, on ne réfléchit plus, on fonce un peu tête baissée, on se rend compte qu’il y a des incohérences, mais il est trop tard pour faire marche arrière. Nous sommes dans une longue marche en avant qui ne s’arrête pas, comme une locomotive. À un moment, on parle de fax pour le fax et attrape (rires). Des fois, il ne faut pas chercher, c’est vraiment nul, même moi, des fois, je me dis : "Non, ça c’est nul, on va le virer". Il y avait aussi un autre truc, on parlait de "car scolaire rempli de bactéries", on a finalement replacé le car par une diligence. Comme quoi, on a parfois tenté de recoller à l’univers médiéval alors qu’on s’en écartait un peu.

GC : Finalement, après avoir lu ton bouquin, Peter Jackson : bof bof...

Des bonnes têtes de vainqueurs
© Ancestral Z/Editions Ankama

(rires) Fantastique ! On aurait du faire une trilogie, alors !! Tant mieux si on sent l’épopée, l’énergie. Je vous annonce une exclusivité pour le deuxième tome, une idée qui va certainement se retrouver au placard. Dans La revanche des Sith, je m’attendais à une fin plus poignante avec la fin des Jedi. Pareil pour Pirates des Caraïbes 3, je m’attendais à la fin de la piraterie, à ce qu’ils soient tous exterminés, mais ce n’est pas le cas. Donc, je me suis dit : "Allez, pour Chaosland, on va éradiquer un genre particulier, les magiciens".

MC : A part pomper les deux papes de la BD française, Sfar et Trondheim, elle est où, la créativité ?

La grande référence est évidemment Donjon. Ça nous faisait peur, quand même, car au fond, nous adorons Donjon, nous savions que de toute manière, nous étions moins bons. Je sens bien la mouvance des jeunes dessinateurs qui reprennent l’esprit de Sfar, mais moins de dessinateurs reprennent le trait de Trondheim, dont nous sommes très fans. Nous avons choisi de traiter un univers moyenâgeux, donc inévitablement, la BD allait faire penser à Donjon. Mais le but n’était ni de ressembler à Donjon, ni pour autant le fuir. Cela nous fait bien sûr plaisir d’être comparés à Donjon, même si nous avons moins la finesse et l’intelligence d’esprit qu’un Lewis Trondheim. Certains seront déçus bien entendu, car Chaosland, c’est crétin.

(par Xavier Mouton-Dubosc)

(par Thomas Berthelon)

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Cette interview a été diffusée dans l’émission Supplément week-end du samedi 15 mars 2008

En médaillon : Ancestral Z. © Photo : Chantal Sok

[1Au risque de décevoir les fans de Chaosland et de Luc Besson, cette information est bien sûr fausse.

[2Run est l’auteur de Mutafukaz, également édité chez Ankama.

 
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