Par petites touches, le livre est découpé en sept chapitres, les auteurs nous dépeignent l’itinéraire - semi-autobiographique – d’un individu un peu démoralisé par la société (son travail en usine, son service militaire, le climat social et politique actuel, etc.), qui tente et réussit petit à petit à se reconstruire et à aimer une femme tout en étant aimé d’elle, à être aimable… « Et s’il suffisait de se sentir aimable… ». Nous suivons les pas, les étapes, de cette reconstruction salvatrice.
Par des phrases concises et directes, le scénariste Vincent De Raeve nous décrit un environnement pas toujours rose dont il dénonce les travers, notament l’IMAGE vernie, policée, de nos sociétés. Une fois que l’on a ouvert les yeux en effet, on ne peut plus y croire ! Comme à l’exemple de ces sièges « Assis Debout » qui ont l’apparence de sièges mais qui ne reposent pas les jambes« Ces sièges n’étaient pas des sièges. », écrit-il. « C’étaient des instruments de tortures. Ça s’appelle des sièges « Assis Debout ». Tu peux pas t’asseoir. Tu peux juste poser ton cul. Mais les jambes elles continuent à te porter. Maintenant que je sais, j’en vois partout des sièges comme ça. On est d’accord avec ces sièges ou pas ? ».
C’est là un des points essentiels… La réalité de la société n’est pas l’apparence que l’on essaie de nous faire croire (voir l’image, à la page 32 du livre, de la carte postale de Paris déchirée…)… Le personnage principal du récit n’y croit évidemment pas. Il croit en revanche à l’amour, celui de sa compagne qui le rend « aimable » pour être aimée d’elle…
Par son dessin en noir et blanc dans le premier chapitre (avec des hachures blanches sur fond noir, comme sur une carte à gratter) , dont nous imaginons des influences du côté de Thomas Ott ou encore de José Muñoz dans les chapitres suivants, Stephan Plottès arrive à nous communiquer la force du propos de Vincent De Raeve, son image non lisse de la réalité, son espoir. Il nous amène aussi d’un dessin sombre et brouillé (hachures) vers plus de netteté et de lumière - la scène d’amour entre le personnage et son amie par exemple est très belle et très pure. Elle permet de suivre et de refléter l’évolution du personnage !
Ces auteurs nous offrent un album tout à fait solide, militant, noir mais sensible, et surtout humain. La réalité est noire, certes, mais il y a de l’espoir !
Cet album souple s’inscrit dans la collection Un roman graphique de l’éditeur, qui avait accueilli déjà le très beau Un air de paradis de Arnaud Quéré. Comme pour ce précédent ouvrage, Assis Debout ne possède quasiment aucune bulle : le texte off , introspectif, à la première personne, du narrateur ne nécessite en effet pas de dialogues. Nous sommes ainsi amenés à nous identifier davantage au personnage. Graphiquement, le texte se fond dans l’image et se fait oublier… Il nous semble plutôt entendre le narrateur que de le lire réellement…
Pour un premier album, c’est un coup de maître. Gageons que Stephan Plottès et Vincent De Raeve iront loin dans la BD ; ils en ont tout le potentiel !
(par François Boudet)
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