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Lausanne : BD-Fil 2008 rend hommage à André Juillard

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 29 août 2008                      Lien  
Le festival de bande dessinée de Lausanne en Suisse s’installe petit à petit comme un rendez-vous incontournable du 9ème art en raison d’un programmation mêlant avec décontraction, mainstream et small press, classicisme et avant-garde, passé et présent, éducatif et distractif. En prime, la découverte des meilleurs artistes suisses.
Lausanne : BD-Fil 2008 rend hommage à André Juillard
BD-FIL 2008 rend hommage à Juillard

Le quartier du Flon est en contrebas d’un grand pont. Là est lové un festival qui profite des locaux d’une ancienne douane de port franc réaffectée, pour y développer depuis quatre ans un rendez-vous de la bande dessinée helvétique qui avait longtemps été l’apanage de Sierre. L’année dernière, le Festival comptabilisait 31.000 visiteurs avec des comptes à l’équilibre. Non seulement la programmation –nous vous en avons parlé- est d’une qualité supérieure à la moyenne mais elle arrive en plus à concilier les valeurs grand public avec une bande dessinée qui n’a pas peur d’assumer son statut avant-gardiste sans noyer le festivalier dans la prétention et la glose.

Cette intelligence – pas très loin du latin ligare : relier- se reflète encore pour cette quatrième édition qui aura lieu du 12 au 14 septembre prochain. L’invité d’honneur est André Juillard, le dessinateur des 7 Vies de l’Épervier et de Blake et Mortimer à qui le festival consacre un « Destins – Dessins ». C’est l’exposition phare du festival qui en comprend huit. Si l’on ne présente plus ce très grand dessinateur qui a réussi une étonnante synthèse entre le vérisme classique –celui d’un Paul Gillon ou d’un Paul Cuvelier- et la ligne claire franco-belge -celle d’un Jacques Martin ou d’un Jacobs, on ne peut que recommander de se frotter à ses originaux qui rendent mieux que n’importe quel imprimé l’élégance raffinée de son trait, les transparences surprenantes de ses aquarelles, et l’application maîtrisée de ses gouaches.

Thomas Ott. BD-FIL rend hommage à l’auteur zurichois
(C) Th. Ott / Edition Moderne

Face à lui, la noirceur des travaux du dessinateur suisse Thomas Ott, avatar expressionniste du neuvième art aux univers kafkaïens qui évoquent aussi bien les échappées de Franz Masereel que les récits inventifs et finalement humoristiques de Tales of the Crypt. Là aussi, la confrontation avec les originaux du dessinateur zurichois révélé il y a plus de vingt ans par David Basler et Edition Moderne, fera découvrir un orfèvre de la « carte à gratter », une technique de dessin qui confine à la gravure, et un univers anxieux qui donne le vertige, dans une présentation de son nouvel album The Number.

Pour les Parisiens qui ont raté l’exposition Toy Comix (il faut dire que son commissaire Jean-Christophe Menu, à force de pinklister les journalistes n’a eu que peu d’échos à son travail), on aura l’occasion de revoir quelques jouets cultes de l’enfance appartenant au Musée des Arts décoratifs remis en situation par des auteurs de bande dessinée contemporains. Les madeleines de Proust mises en place par les commissaires Jean-Christophe Menu et Dorothée Charles constituent une agréable récréation qui peut faire découvrir des auteurs principalement issus du catalogue de L’Association. Ces derniers se sont fendus de dessiner des « bandes dessinées sous contrainte » à la mode de l’Oubapo, cette démarque de l’Oulipo dédiée à la bande dessinée. Chacun d’eux évoque un jouet choisi dans la collection du musée pour élaborer sa petite histoire. Des documentaires et des interviews où les auteurs commentent leurs choix viennent compléter une galerie qui met en situation les objets/jouets dans des installations. L’exercice est drôle, parfois cryptique, souvent touchant, toujours plein d’esprit. Notons que seules des reproductions des jouets seront exposées, et non les objets du Musée des Arts décoratifs.

Les lutins bleus de Peyo ont cinquante ans cette année.
(C) Peyo - IMPS, Brussels

D’autres expositions s’ajoutent à la liste :

- Les 50 ans des Schtroumpfs retracent l’histoire de cette création de Peyo née dans les aventures de Johan & Pirlouit en 1958. On aura l’occasion de retrouver ses dessins, d’une clarté sans égale, qui démontrent l’incroyable science du dessinateur belge dans l’élaboration de solutions graphiques d’une simplicité géniale. Un très très grand auteur. Peyo, « suisse fiscal », avait habité Lausanne. Quand ses petites créatures envahiront la ville, elles seront quelques part un peu chez elles, d’autant qu’elles seront customisés par les étudiants de l’ECAL, l’école cantonale d’Art de Lausanne.

- Chaque année, le festival se donne une figure imposée. Cette fois, 20 dessinateurs suisses évoquent le thème de la montée à l’alpage : Poya-Express. Un vrai truc suisse ! Il paraît que les contributions de Zep et de Cosey sont tout à fait étonnantes.

Bécassine et ses copines assurent la "féminodiversité"
(C) J-P. Pinchon/Caumery et Hachette

- Femmes de Bulles assure la « féminodiversité » de cette édition. De Bécassine à Adèle Blanc-Sec, de Prudence Petitpas à Yoko Tsuno, en passant par Natacha, Paulette, Carmen Cru, Jessica Blandy, Caroline Baldwin, Aya, Mélusine, Nini Patalo, Henriette, Koma ou Soeur Marie-Thérèse des Batignolles,… elles sont plus de 30 héroïnes à assurer leur présence dans ce monde de machos qu’est celui de la bande dessinée !

- Alter égaux est une exposition qui se veut à la fois pédagogique et humoristique sur le thème du racisme au travers d’une déconstruction des représentations de l’autre dans la bande dessinée. On y voit émerger au cours du temps les discours critiques offerts par la bande dessinée face à la discrimination et les visions positives de la diversité des peuples et des cultures. Constituée de 75 panneaux, elle présente 160 extraits de récits illustrés signés par des dessinateurs européens, américains et asiatiques, elle aborde des thèmes comme la traite des noirs, l’antisémitisme, la conversion forcée, les situations de guerre, les génocides ou le statut des femmes dans la société musulmane. Un magnifique travail élaboré par la Bibliothèque de Lausanne dont le fonds de bande dessinée est l’un des plus riches d’Europe.

Alter Egaux, une exposition instructive et originale
DR

- Enfin, Dessinateurs de demain présentera 140 projets issus du concours éponyme sur le thème du métro.

On le voit, le festival affiche ses ambitions. Mais elles ne s’arrêtent pas là : 80 auteurs majeurs parmi lesquels Binet, Bouzard, Hélène Bruller, Catel, Edika, Dupuy & Berberian, Ana Mirallès, Frederik Peeters, Loustal, Rosinski, PtiLuc ou Zep honoreront le festival de leur présence, faisant connaissance avec le public dans des dédicaces et des rencontres. Fluide Glacial mettra le feu au lac avec 20 auteurs de son écurie réunis dans un « Fabulous Swiss Fluide Glacial Tour », tandis que Spirou fera du « Author’s dating » afin d’essayer de choper le Titeuf du 21ème siècle, vu que le précédent, ils l’ont un peu raté.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN :

On ne vous dit pas tout, car il faut bien que le SITE DU FESTIVAL serve à quelque chose.

BD-FIL – Festival de bande dessinée de Lausanne
Du 12 au 14 septembre 2008
Quartier du Flon à Lausanne

En médaillon : Un dessin d’André Juillard (c) Juillard

 
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5 Messages :
  • Lausanne : BD-Fil 2008 rend hommage à André Juillard
    29 août 2008 10:37, par E. Panorthotès

    Tss, tss, M. Pasamonik... Les excursus sont toujours bienvenus (et courageux), mais "intelligence" n’a rien à voir avec ligare : comme "religion" (qui n’a pas davantage, si j’ose dire, de lien avec ce verbe), le mot vient du latin legere, "lire" et (au-delà) "choisir".

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 29 août 2008 à  10:44 :

      Je veux bien vous le concéder, bien qu’une étymologie peut-être plurielle (vous ne citez pas vos sources) et que certains mots sont influencés par d’autres, s’entrechoquant jusqu’à donner une signification nouvelle.

      Mais vous avez sans doute raison, l’affaire Siné en arriverait-elle à me faire confondre "religion" et "intelligence" ? ;)

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      • Répondu par E. Panorthotès le 29 août 2008 à  11:05 :

        Merci pour la concession — je ne donne pas mes sources, mais je suis un "professionnel" et n’ai pas de vocation particulière à la cuistrerie. Je préciserai tout de même : ne confondez pas l’étymologie au sens propre du terme (le "sens véritable") et son origine (et son histoire). En général, l’origine n’est guère équivoque — mais pour reprendre le titre d’un auteur... qui n’est pas moi, les étymologies sont souvent des étymojolies : la religion relie (c’est ce qu’on appelle un voeu pieux) et connaître c’est co-naître (Claudel) ; mais la "science" (qui est un système de pensée à un moment donné, et qui "accepte" jusqu’à ce qu’elles soient remises en question un certain nombre de "règles" — phonologie, etc.) dit simplement que c’est ce qu’on a voulu croire (c’est plus joli, plus rassurant, plus vraisemblable) mais que ce n’était pas cela... à l’origine.
        Ce serait bien (aussi) que l’intelligence relie — ce qu’on appelle la "bonne intelligence"...) ; mais ça ne serait pas plus mal que l’intelligence consiste à lire en soi (in te lego, étymologie fantaisiste...), ou à lire "en profondeur" (intus legere), etc.
        Tout ceci nous éloigne d’André Julliard, et de la BD (je ne lis pas que le Dictionnaire étymologique de la langue latine... et d’autres). Mais je ne peux pas vous faire un dessin, malheureusement !

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        • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 29 août 2008 à  11:27 :

          Merci pour ces précisions toujours réjouissantes. J’ai un peu modifié mon texte, comme vous avez pu le voir. Cela dit, je reste sur l’idée que, en particulier dans les langues anciennes où les notations de voyelles sont parfois inexistantes et où, comme dans le latin, les déclinaisons s’articulaient autour de racines, les scribes ne devaient pas hésiter à s’amuser en jouant avec les mots. La proximité de "legere" et de "ligare" me semble suffisamment évidente pour permettre ce glissement dans l’étymologie. On a là un doublet, comme sans "singulier" et "sanglier".
          Respectueusement.

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          • Répondu par Sergio Salma le 1er septembre 2008 à  17:24 :

            Personnellement je pensais depuis longtemps que "intelligence" c’était "lire entre"...intel, leggere...lire entre ...les lignes...le "intel" (rien à voir avec les micro-processeurs ,quoique...) était idéal. Je m’étais donc constitué ma propre étymologie que je pensais être la réalité. Effectivement, il est souvent intéressant de connaître l’origine d’un mot. Edifiant même. En notant la racine et la transformation du mot quand il a été importé, traduit. Et son origine due aux erreurs et approximations des différentes retranscriptions.

            On utilise des mots sans plus y réfléchir. Je note ça vivant dans un nouveau pays depuis plusieurs années ; je suis de plus originaire d’un pays qui n’est pas celui dans lequel j’ai été éduqué, élevé , instruit.

            Les 3 langues qui s’entrechoquent, se nourrissent l’une de l’autre, viennent souvent des mêmes racines alors qu’on m’a dit sans cesse que les langues originelles avaient donné des langues nationales bien distinctes. En gros le nord et le sud (en Europe). Or, je trouve des dizaines de mots communs au patois du sud de l’Italie et au néerlandais ou l’allemand.

            C’est Claude Duneton qui a noté que le travail des linguistes et des historiens devait passer par un choix. Il fallait bien choisir un jour une origine non pas aux mots eux-même mais aux expressions ( le titre de son livre :" la puce à l’oreille" ). On a d’ailleurs très souvent 3 ou 4 explications plausibles, l’une sera plus poétique, l’autre plus pragmatique.

            La bande dessinée utilise des signes, des codes, des mots. L’excellence dans cette utilisation mène souvent à des oeuvres fines et riches. Connaître l’interaction de tous ces éléments est passionnant.

            je renvoie ceux que ça intéresse aux écrits de Claude Hagège qui mettra tout le monde d’accord.

            Au fait, d’où vient le nom" bande dessinée"...la bande dessinée, les bandes dessinées ?
            Hm ?
            Et pourquoi dans notre francophonie (ainsi qu’au Portugal) on a décidé de baptiser ainsi cette "écriture" alors qu’en Italie, aux Etats-unis ou en Espagne, on a donné des noms bien différents. Le cinéma lui ou le théâtre s’appellent pareil dans le monde entier .

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