Érick Mogis est un spadassin de l’écriture : scénarios de film (on lui doit un fameux documentaire sur Henri Vernes, l’auteur de Bob Morane), comédies musicales, romans, etc. Il y a quelques années, avec un copain, il créa les éditions du Léopard masqué, spécialisées dans les parodies. Le félin « mi-piqueur, mi-gratteur » a déjà quelques proies à son tableau de chasse. Un « C’est pas sorcier, Harry », foutage de gueule du jeune magicien Harry Potter qui a déjà vendu 30.000 exemplaires dont une version en poche chez Pocket ; ou encore un « Fais gaffe à ta Gaule » qui plaisante avec un Gaulois à casque ailé. Je ne vous donne pas tous les titres de la collection, mais ils sont plus évocateurs les uns que les autres : « Mozart est là », « Où est le bec ? », « Les 101 politichiens »…
Et voici que notre éditeur de romans humoristiques a jeté son dévolu sur le rival international du Grand Charles : Tintin lui-même ! Dans l’Alphart, Tintin avait déjà rendez-vous avec des faussaires en œuvres d’art. Il y avait les faux monnayeurs de L’Ile noire, les faux semblants des jumeaux Halambique du Sceptre d’Ottokar et les malentendus du Professeur Tournesol… Maintenant, il y a les parodies du Léopard masqué, des Tintin en toc intitulés « Les aventures de Saint-Tin et son ami Lou ». Lou est un perroquet. Le meilleur ami de Saint-Tin est le capitaine Aiglefin, éclusier à la retraite et l’un et l’autre forment une petite famille avec le professeur d’origine russe, Margarine, éminent cryptozooliste inspiré par Bernard Heuvelmans, ainsi que les agents secrets Yin et Yang…
23 titres –comme autant de Tintin- sont prévus : Le Crado pince fort, le vol des 714 porcineys, L’Oreille qui sait, La Lotus bleue… Les couvertures se veulent caractéristiques et les textes sont signés Gordon Zola (alias Érick Mogis) ou encore Bob Garcia, le tintinologue bien connu pour ses démêlés avec Moulinsart.
« L’objectif de cette collection est de faire une œuvre dans une œuvre, nous explique Mogis. Il s’agit de reprendre un référent assez fort et de le recomposer sur 23 romans dans des aventures reconstituées. Saint-Tin est le fils supposé de Tintin. Il le croit. On n’en est pas vraiment sûr, c’est dit en filigrane. Pour la plupart des personnages, il y a cette recherche en filiation. Aiglefin, un Russe blanc, a reçu en héritage un moulin, le Moulin Tsar, et il est persuadé d’être le descendant des Romanoff. Pour cela, il est à la recherche du « Secret d’Eulalie Corn ». Il y a aussi « Le 13 heures réclame le rouge »… Tous les titres sont parodiés. »
Parodie peut-être, mais les couvertures ont tout l’air d’être des contrefaçons de l’œuvre d’Hergé. Notre éditeur le récuse. « Si une parodie ne ressemble pas à l’original, ce n’est plus une parodie. Une parodie peut être satirique, elle peut se moquer, elle peut magnifier. En l’occurrence, c’est vraiment une parodie-hommage. », plaide notre plaisantin. « C’est important : il s’agit vraiment d’une re-création. La parodie ne peut pas être moins bonne que l’original, surtout que l’on a pas le soutien du dessin. » Il s’attend à une réaction de Moulinsart. Son avocate, Me Florence Watrin aurait acheté, dit-il, deux exemplaires de ces titres.
Bref, le feuilleton « Tintin et les contrefacteurs » rebondit une fois encore, alors que le procès de Moulinsart contre Bob Garcia est encore en appel.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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« Le Crado pince fort » et « Le vol des 714 porcineys » sont à 10 euros chacun.
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En médaillon, Gordon Zola. Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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