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Léonie Bischoff : "Hoodoo Darlin’ sonne comme une chanson douce car je voulais installer une ambiance féérique"

Par Christian MISSIA DIO le 29 avril 2013                      Lien  
Nouvelle venue dans la collection KSTR de l'éditeur Casterman, Léonie Bischoff nous entraine dans le bayou sur les traces d'Adèle, une jeune sorcière afro-américaine qui devra combattre les forces démoniaques dans une Amérique en proie à la ségrégation raciale.
Léonie Bischoff : "Hoodoo Darlin' sonne comme une chanson douce car je voulais installer une ambiance féérique"
Hoodoo Darlin’
Léonie Bischoff (c) KSTR/Casterman

Pourquoi avez-vous tenu à faire une BD sur le thème du vaudou ?

Léonie Bischoff : Avant toute chose, j’aimerais préciser que le rite présenté dans cet album n’est pas du vaudou haïtien, qui est une religion en soi. Il s’agit plus ici d’une variante américaine, teintée de chamanisme, de traditions natives américaines et des croyances de sorcellerie importées par les colons protestants. À un moment dans le titre, nous avions envisagé d’utiliser le terme vaudou, mais pour moi, c’était une erreur car ce n’est vraiment pas du vaudou.

J’ai toujours été sensible au vaudou haïtien, c’est un thème qui m’intéresse beaucoup. Je précise "haïtien" car le vaudou - ou vodoun - est une religion originaire d’Afrique de l’Ouest, de l’ancien royaume du Dahomey, qui est situé au Sud-Est du Bénin. Cette religion est aussi présente au Togo. Le vaudou haïtien est différent de son grand frère africain car il a assimilé beaucoup de croyances issues de la culture catholique. Et puis, je connais moins bien le vaudou d’Afrique de l’Ouest.

En ce qui concerne le titre, nous voulions aussi que celui-ci sonne comme une chanson douce, qu’il évoque une ambiance.

Quelques planches de Hoodoo Darlin’
Léonie Bischoff - KSTR/Casterman

Où avez-vous puisé votre inspiration pour cette histoire ?

L’histoire d’Hoodoo Darlin’ ne s’est pas définie tout de suite mais c’est plutôt l’ambiance générale qui a été le point de départ de ce projet. J’avais envie de dessiner le bayou car, visuellement, c’est un décor qui me plait. J’avais aussi envie de parler de magie... À la base, ce sont vraiment des envies graphiques qui m’ont motivée à faire cet album. Réaliser des scènes, des lumières que j’avais envie de retranscrire dans mon dessin.

Je voulais aussi traiter la figure du sorcier, car j’ai l’impression que l’on ne s’attarde pas souvent sur celui-ci dans les récits, de manière générale. C’est souvent un personnage qui apparaît à un moment donné, soit pour aider le héros, soit pour lui mettre des bâtons dans les roues, puis il disparaît comme par enchantement de l’histoire.

J’ai donc choisi dans un premier temps de faire du sorcier le personnage central de cette histoire. Puis, j’ai opté pour une apprentie sorcière car j’estimais que le personnage aurait plus de défis à surmonter qu’un sorcier déjà confirmé, qui aurait résolu plus aisément les problèmes qui se présentent devant lui. Une apprentie aurait plus de mal à faire cela car elle est encore en quête d’elle même. J’ai estimé qu’aborder mon scénario sous cet angle serait plus intéressant pour mon histoire.

L’héroïne de votre histoire, Adèle, est une apprentie sorcière qui découvrira le lourd tribu à payer pour posséder un tel don.

Je voulais faire ressentir que le fait d’avoir des pouvoirs est un fardeau. Adèle se rendra compte amèrement qu’elle ne peut pas sauver tout le monde. Son pouvoir exige de prendre certaines responsabilités et elle en souffrira car c’est un don inné qu’elle possède et qui ne la quittera pas avant la fin de sa vie. D’ailleurs, refuser ce don aurait des conséquences encore plus fâcheuses pour elle et ses proches...

Dans le vaudou, l’aspect possession est quelque chose qui est souvent recherché. On fait souvent appel à un esprit pour transmettre un message ou effectuer des guérisons. Mais le cinéma d’horreur s’est détourné de cet aspect premier et a beaucoup plus insisté sur le côté négatif des possessions. Le meilleur exemple de cet altération étant la poupée vaudou, qui appartient en fait beaucoup plus à la sorcellerie occidentale.

Hoodoo Darlin’ a un côté intemporel...

Oui, tout à fait et c’était voulu. D’un côté, ou pourrait situer cette histoire au début des années 1950, un peu avant le Civil Rights Movement des Afro-Américains, à cause de l’esthétique générale de cette histoire. J’aime bien les ambiances fifties et j’ai pensé que ça fonctionnerait mieux si j’abordais le look de mon histoire à partir de cette base là plutôt qu’avec une ambiance contemporaine et avec des GSM partout (rires). Mais mon idée était de faire une fiction qui traiterait de magie. Il n’y a pas de démarche anthropologique. Je voulais rester dans une sorte de flou au niveau de l’époque afin de renforcer l’ambiance magique et le côté un peu "rêve" de cette histoire.

Votre technique de dessin me rappelle un peu celle de Clément Oubrerie, le dessinateur de Aya de Yopougon et de Pablo.

Chouette ! Je prends cela comme un compliment car j’apprécie beaucoup son travail.

Cette impression est peut être due au fait que je n’ai pas encore un "encrage" très affirmé. En fait, je n’encre pas mes dessins mais je travaille avec différents types de crayons plus ou moins gras et aussi un peu au fusain, sur une table lumineuse. Puis, je scanne et j’attaque les couleurs sur ordinateur en essayant de faire ressortir le trait afin qu’il y ait un bon équilibre entre les crayonnés et les couleurs.

Hoodoo Darlin’ est un one shot mais on pourrait très bien imaginer une suite avec votre personnage central, étant donné que c’est sa première aventure.

Oui, on pourrait développer un peu plus le personnage mais j’estime que l’histoire d’Hoodoo Darlin’ est terminée. D’un autre côté, j’ai quand même une certaine frustration car j’avais imaginé tout une galerie de personnages et pensé à pleins d’autres scènes mais il me faudrait alors un bon scénario car je ne veux pas juste accumuler les scènes sans qu’il y ait un fil conducteur.

Il y a une séquence un peu dérangeante dans cet album car les personnages qui y sont mis en scène ont une relation quasi incestueuse.

En fait, je suis une grande fan de la série X-Files et dans un épisode, il y a toute une famille incestueuse.

Plusieurs personnages secondaires ont été conçus comme des clins d’œil à des films que j’ai bien aimés. On y trouvera un peu de Se7en dans le personnage obèse. Il y a aussi une allusion à The Devil’s Rejects de Rob Zombie. J’avais envie de jouer avec les clichés des films de série Z car c’est une culture que j’aime bien.

Quel est votre parcours ?

Je suis suisse mais bruxelloise d’adoption. J’ai 32 ans. Après une maturité artistique à Genève, je suis venu poursuivre mes études en Belgique, à Saint-Luc et j’en suis ressortie diplômée en 2005. Durant mes études et un peu après, j’ai beaucoup travaillé en tant que libraire BD. Par la suite, j’ai publié chez Manolosanctis Princesse Suplex. Enfin, j’ai rejoint il y a deux ans les éditions Casterman et Hoodoo Darlin’ est ma première bande dessinée publié chez eux.

Quels sont vos prochains projets ?

Je travaille actuellement sur l’adaptation d’un polar nordique mais je ne peux pas vous en donner le titre. Je peux juste vous révéler que je mène ce projet avec Olivier Bocquet, qui est l’auteur de La Colère de Fantômas.

Une chose est sûre, ce ne sera pas Millenium car l’adaptation BD est parue à la concurrence !

Oui, tout à fait (rires). Mais j’en dirai plus le moment venu.

(par Christian MISSIA DIO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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