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Ancco : "Je me sens plus proche des auteurs franco-belges que des auteurs coréens"

Par Christian MISSIA DIO le 5 avril 2016                      Lien  
Elle fut l'une des têtes d'affiche de Livre Paris qui a refermé ses portes il y a quelques jours. L'artiste coréenne Ancco, est actuellement mise à l'honneur au Musée de la Bande Dessinée de Bruxelles à l'occasion de la publication chez Cornélius de l'adaptation en français de son album "Mauvaises filles".

En Corée du sud, elle occupe une place à part sur la scène BD locale. Choi Kyoung-gin, mieux connue sous le nom d’Ancco est devenue une star du manwhas lorsqu’en 2003, à l’âge de 20 ans, elle publie son journal intime sur le Net. Le succès ne se fait pas attendre et un éditeur lui propose de publier son journal en BD. Un carton ! Depuis, la jeune femme poursuit son bonhomme de chemin en publiant des récits intimistes ancrés dans la réalité séoulienne. Rencontre.

Ancco : "Je me sens plus proche des auteurs franco-belges que des auteurs coréens"
Mauvaises filles
Ancco (c) Editions Cornélius

Vous vous êtes fait connaitre en Corée du sud grâce à la publication de votre journal intime en webtoon (BD numérique). Comment avez-vous vécu cette notoriété ?

Je l’ai bien vécue, ce fut une belle expérience pour moi. Cette publication de mon journal intime en webtoon s’est faite assez par hasard et c’est vrai qu’un journal, c’est quelque chose de personnel.

En fait, je n’ai pas tenu un journal intime classique, c’était plus un drawing book, un cahier dans lequel je faisais régulièrement des dessins à travers lesquels j’exprimais mes états d’âme, mes réflexions et mes pensées du moment. Un jour, un de mes amis auteur de BD a vu mon cahier et m’a proposé d’en faire un webtoon afin de diffuser mes dessins au grand public. J’ai accepté sa proposition car mes amis et mes proches aimaient beaucoup ce que je faisais et m’encourageaient déjà publier mon journal.

Vous avez la réputation d’être une personne assez réservée. Publier votre journal intime et le succès qui en a découlé n’a-t-il pas été vécu par vous comme une sorte de violence ?

Non, cela n’a pas été une violence pour moi. Je l’ai plutôt bien vécu car j’avais assumé le fait de montrer mes dessins. Je le faisais déjà avec mes proches. Ce n’est pas la même démarche de produire du contenu pour un journal intime puis de le montrer. Ce sont deux mécanismes complètement différents dans mon esprit. Par définition, on ne montre pas son journal intime ou alors, à une personne de confiance. Tandis que moi, je le montrais déjà à mes proches.

Ancco
Crédit photo : Christian MISSIA DIO

Mauvaises filles est-il un récit autobiographique ?

Mauvaises filles est une histoire romancée dans laquelle j’ai compressé plusieurs souvenirs et anecdotes personnelles. Les personnages ne correspondent pas à 100% à de vraies personnes. Parfois, cela peut être un mix entre plusieurs personnes de mon entourage qui donne un personnage de la BD, comme c’est le cas avec Jung-ae, la meilleure amie de Jin-joo l’héroïne du livre, par exemple.

Il y a une chose qui interpelle fortement dans votre roman graphique, c’est la violence avec laquelle les jeunes sont traités. Rassurez-nous, vous avez exagéré ?

En fait, je pense que la violence est plus forte dans la réalité que ce que j’ai décrit dans ma BD. Peut-être que j’ai amplifié certaines choses à cause de mon ressenti sur certaines séquences mais, dans l’ensemble, je pense quand même que la réalité était plus violente.

Il y a plusieurs passages où l’on bat les jeunes filles jusqu’au sang, comme dans la séquence de la dispute familiale ou dans celle de la bagarre entre filles ?!

Oui, ce sont les souvenirs que j’ai gardés.

D’où vient le mal être qui anime vos personnages ?

Je ne sais pas. Vous savez, l’adolescence est une période de changements tant physiques que mentaux pour les jeunes. Ils sont mal dans leur peau. Ils se cherchent et font parfois des choses absurdes pour tester leurs limites.

Dans mes BD, j’essaie juste de restituer les émotions qui m’ont traversée lorsque j’étais adolescente. Je voulais aussi montrer la jeunesse de Séoul, celle que j’ai connu car aujourd’hui, les adolescents de 2016 sont quand même assez différents de ceux des années 1990. En tout cas, c’est la vision que j’ai, car je ne suis plus vraiment en contact avec cette période-là. J’ai 33 ans aujourd’hui.

Lorsque j’étais petite, j’ai vécu dans un quartier aisé, riche même. Et à l’époque, j’avais des préjugés sur les gens qui vivent dans les quartiers populaires. Puis, dans mon adolescence, j’ai fait la connaissance de Jung-ae, qui vient justement d’un quartier populaire. En la fréquentant, en devenant amie avec elle, j’ai changé mon point de vue et j’ai même eu honte d’avoir des a priori sur les gens de condition modeste. En réalisant Mauvaises filles, j’ai eu envie de montrer ces quartiers populaires de Séoul. De montrer les gens qui y vivent, leurs bons et leurs mauvais moments.

L’expo : Mauvaises filles au CBBD
Crédit photo : Christian MISSIA DIO
L’expo : Mauvaises filles au CBBD
Crédit photo : Christian MISSIA DIO
L’expo : Mauvaises filles au CBBD
Crédit photo : Christian MISSIA DIO

Vous avez récemment participé au salon Livre Paris. Était-ce votre première fois en France ?

Non, je suis déjà venu en France à plusieurs reprises pour participer au Festival d’Angoulême. Par contre, c’est la première fois que j’assiste à Livre Paris.

Aujourd’hui n’existe pas
Ancco (c) Cornélius

Comment avez-vous vécu ce séjour à Paris ?

J’étais un peu nerveuse parce que c’était la première fois, mais j’ai bien aimé.

N’aviez-vous pas peur des attaques terroristes ? Vos proches ne vous ont-ils pas déconseillé de faire le voyage ?

Non, je n’avais pas peur… En fait, je n’y ai pas pensé.

En fait, c’est moi qui vous ai rappelé qu’il y avait eu des attentats (rires) ?

Oui (rires) !

Il y a six mois, vous aviez participé à une rencontre entre auteurs belges et coréens au Centre Culturel Coréen de Belgique. Quel souvenir gardez-vous de cet expérience ?

Ce fut une belle expérience pour moi car en plus de rencontrer des auteurs belges, j’ai découvert que j’avais des points communs avec eux. Vous savez, en Corée du sud, la plupart des auteurs de BD travaillent dans des ateliers pour le webtoon et très peu font des livres. Je fais des livres. C’est un métier solitaire. En venant en Belgique, j’ai vu que la majorité des auteurs étaient comme moi. En dehors du style artistique différent que nous adoptons, je me sentais plus proches des auteurs belges que des auteurs coréens. Nous sommes pareils !

Jindol et moi
L’adaptation en album du journal intime d’Ancco.
Ancco (c) Editions Philippe Picquier

Avez-vous relevé d’autres différences entre les mondes de la BD en Belgique et en Corée du sud ?

Non, pas vraiment. Mis à part qu’il n’y a pas beaucoup de femmes dans la BD coréenne.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la BD ? Y’a-t-il des auteurs qui vous ont influencée ?

Quand j’étais jeune et que j’ai commencé mon journal intime, je n’avais pas conscience que je faisais de la BD. En plus, je ne lisais quasiment pas de BD ni de mangas et des manhwas. C’est en montrant mon journal à mes proches et en voyant leurs réactions que j’ai compris que ce que je faisais c’était de la BD.

Même aujourd’hui, je lis très peu de BD mais il y a un titre que j’ai lu en coréen et que j’ai beaucoup aimé, il s’agit de Pilules bleues de Frederik Peeters.

Quels sont vos prochains projets ?

Je poursuis toujours mon journal intime. Par exemple il y a trois ans, j’ai publié le livre Trente ans. À côté de cela, je travaille sur un nouveau livre mais je n’en dirais pas plus pour le moment.

L’expo : Mauvaises filles au CBBD
Crédit photo : Christian MISSIA DIO

Voir en ligne : Ancco s’expose à la Gallery du CBBD

(par Christian MISSIA DIO)

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Code EAN :

En médaillon : Ancco par Jean-Jacques Procureur

À lire sur ActuaBD.com :

Expo jusqu’au 11 avril 2016 : "Ancco, Mauvaises filles, éd. Cornélius" - La Gallery

Centre Belge de la Bande Dessinée - Musée Bruxelles
Rue des Sables 20
1000 Bruxelles
Tél. : + 32 (0)2 219 19 80
Fax : + 32 (0)2 219 23 76
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Ouvert tous les jours de 10 à 18 heures.

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