Le premier tome du second cycle de Yann de Kermeur sortait en 2009 avec une mission confiée par le roi lui-même à celui qui est, entretemps, devenu l’un de ses corsaires : rejoindre le Canada pour continuer la mission d’un agent secret et... Et l’on n’en sait pas plus ! Car sa mission est si secrète que l’Épervier comme le lecteur ne l’apprendront qu’en chemin. Pellerin ne savait pas d’ailleurs lui-même vraiment tous les détails de cette mystérieuse tâche...
S’ensuit une série de rebondissements qui se portent sur trois fronts : des complots à Paris autour du roi et fomentés par une mystérieuse conjuration dirigée par un sadique homme en noir ; les déboires de la belle Agnès mariée de force à un marquis qui n’en veut qu’à sa vertu mais surtout à son argent ; sans oublier bien entendu l’Épervier qui a bien du mal à éviter les pièges qu’on lui tend, qu’ils proviennent des comploteurs, des Anglais ou d’autres sordides personnages rencontrés au cours du voyage.
C’est d’ailleurs sous l’emprise d’un coup de sang que nous avions laissé notre capitaine à la fin du tome 9, tirant au boulet sur la ville française de Louisbourg, ville portuaire qui protège l’embouchure du St-Laurent, car ses propres hommes y étaient retenus contre leur gré.
Ce cliffhanger nous avait tenu en haleine pendant cinq ans, et il trouve comme il se doit son dénouement dès les premières pages de ce dixième opus. C’est d’ailleurs l’une des grandes qualités de la narration de Patrice Pellerin que de proposer des rebondissements qu’on n’attendait pas, mêlé à d’autres que l’on voyait venir depuis plus huit ans (soit deux tomes), comme le fait de découvrir que la belle princesse amérindienne Mali parle parfaitement le français. Le jeu de séduction entre Yann et elle peut maintenant débuter...
Il a fallu donc être patient pour profiter du quatrième opus de ce nouveau cycle, mais l’attente en valait la peine. Cet épisode réserve en effet bien des retournements de situations, certains annoncés depuis la fin du tome précédent, tandis que d’autres, annoncés depuis belle lurette, arrivent enfin. Saluons d’ailleurs l’effort de l’auteur qui mène son récit simultanément sur les trois lieux à la fois, ce qui permet de maintenir une très grande dynamique.
Dans cette nouveauté, ce sont la France et les complots ade la cour qui volent presque la vedette à l’Épervier. Ces révélations sont passionnantes. On ne peut d’ailleurs que conseiller au lecteur de relire au minimum les tomes 7, 8 et 9 de la série s’il veut profiter pleinement de cette nouveauté.
Mais pourquoi un tel délai entre deux tomes ? En perfectionniste, Patrice Pellerin s’occupe non seulement du scénario et du dessin de ses albums, mais aussi des couleurs. Bateaux, bastions avancés, villes et palais se situent à leurs exacts emplacements, avec une reconstitution documentée de l’architecture de l’époque qui jusqu’à vérifier leur orientation pour s’assurer que le soleil éclaire bien telle élément de la structure à une telle heure. Nous ne sommes pas seulement face à une aventure passionnante mais aussi face un véritable documentaire sur la période.
Mais à force de s’intéresser aux constructions et aux bateaux, Pellerin délaisse parfois le dessin de ses héros. Ainsi, les faces imberbes ont tendance à tendre vers une certaine androgynie, au point que s’il n’y avait la cicatrice de Yann, on pourrait parfois confondre son visage avec celui d’Agnès. Mais il en faut plus pour prendre en défaut l’expérimenté Pellerin qui joue précisément avec cet élément pour déguiser son héroïne en jeune homme et proposer de nouveaux rebondissements. Quel diable d’auteur !
Ce dixième tome reste donc non seulement l’un des meilleurs du cycle et surtout un excellent album de bande dessinée dans l’absolu. En plus des différentes révélations (et oui, on apprend enfin pourquoi Yann devait venir au Canada), ce volume s’ahève sur nouveau cliffhanger... qui va encore nous faire tenir en haleine, on l’imagine, pendant quelques années. Qu’importe ! Car l’on sait maintenant que ce cycle comptera encore deux tomes, et que comme dans la première grande aventure du trésor de Tlaloc, le plus important n’est pas la destination, mais bien le voyage !
(par Charles-Louis Detournay)
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