À la faveur du Festival d’Angoulême, le groupe GfK publie son rapport sur le marché de la bande dessinée en 2022. Et les nouvelles semblent plutôt bonnes. Car oui, 2022 est la deuxième meilleure année de vente pour le neuvième art depuis 20 ans : 85 millions d’exemplaires ont été vendus en France, pour un chiffre d’affaire de l’ordre de 921 millions d’euros.
La BD, c’est incroyable, reste toujours deuxième derrière la littérature générale : pendant que, par rapport à 2021, elle acquiert 631 000 nouveaux acheteurs, la littérature, elle, en a perdu 140 000 !
On peut comprendre : dans notre société de l’image, on va plutôt lire le dernier album de Jancovici et Blain que le dernier rapport du GIEC. Il vaudrait mieux !, vocifèrent certains opposants au VRP de l’écologie qui lui reprochent notamment ses positions sur le nucléaire.
Le fait est que la "non-fiction" triomphe. Derrière Le Monde sans fin, c’est le 6e et dernier tome de L’Arabe du futur qui pointe sa frimousse. Presque 300 000 exemplaires vendus ! Un petit coup d’oeil sur le top des ventes montre que le dernier Grand Prix d’Angoulême a en plus vendu plusieurs centaines de milliers d’exemplaires des titres précédents. Sattouf a droit à son triomphe.
Mais aussi les mangas. Plus de 50% du marché, 6 titres sur 10 dans le top des ventes (sans compter le fonds qui tourne à plein rendement), les mangas sont essentiellement consommés par des jeunes et offrent de confortables marges à leurs éditeurs. Alors qu’au Japon, le marché recule en faveur du numérique, la France représente un relais de croissance, on l’a encore vu avec la forte présence des mangakas à Angoulême cette année, au Magic de Monaco ce dernier week-end, tandis que Japan Expo prévoit une affiche exceptionnelle pour début Juillet. Bon, les Japonais peuvent voir venir : leur CA à eux est de 677 milliards de yens, soit 4,7 milliards d’euros (en cumulant les mangas papier, numériques et les magazines). Soit cinq fois le nôtre...
Voici les 10 meilleures ventes d’albums, en 2022 en France :
1) Le Monde sans fin, de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici, édition Dargaud – 525 000 exemplaires vendus
2) L’Arabe du futur, T. 6, de Riad Sattouf, édition Allary – 296 000 exemplaires vendus
3) One Piece, T. 1 : « À l’aube d’une grande aventure », de Eiichiro Oda, édition Glénat – 253 000 exemplaires vendus
4) Blake et Mortimer, « Huit heures à Berlin », de José-Louis Bocquet, Jean-Luc Fromental et Antoine Aubin, édition Blake & Mortimer – 244 000 exemplaires vendus
5) Spy Family, T. 1, de Tatsuya Endo, édition Kurokawa – 235 000 exemplaires vendus
6) Naruto, T. 1, de Masashi Kishimoto, édition Kana – 231 000 exemplaires vendus
7) Mortelle Adèle, T. 19 : « Face de beurk », de Diane Le Feyer & Mr Tan, édition Bayard jeunesse – 223 000 exemplaires vendus
8) One Piece, T. 2 : « Luffy versus la bande à Baggy », de Eiichiro Oda, édition Glénat – 204 000 exemplaires vendus
9) Spy Family, T. 7, de Tatsuya Endo, édition Kurokawa – 204 000 exemplaires vendus
10) Naruto, T. 2, de Masashi Kishimoto, édition Kana – 196 000 exemplaires vendus
L’inflation, qui galope depuis l’invasion de l’Ukraine, a causé une hausse du coût du papier... et par la même occasion, une montée des prix de la BD (cette année, les BD hors manga ont vu leurs prix augmenter de 5 %, tandis que le coût des mangas a augmenté de 4 %), qui n’a pas eu d’incidence notable sur la consommation. Au contraire, 2022 a été plutôt fructueux pour le 9e art... et pas seulement sur les albums à petits prix, dont les ventes ne représentaient qu’une BD hors manga sur dix.
Un point noir : la Belgique dont le marché a reculé, tant en volume (5,2 M d’exemplaires vendus, -6%), qu’en chiffre d’affaires (60M€, -5%). Déprimés les Belges ? Il faut dire que l’inflation y a été supérieure qu’en France.
Et les comics dans tout ça ? Leur part de marché stagne : en volume, pour 48 millions de mangas, il se vend 17 millions de BD de genre, 16 millions de BD jeunesse et 3,7 millions de comics. En chiffre d’affaire en revanche, mangas (+6%) et Comics (+2%) font de meilleurs scores que la BD de genre (-4%) et la BD jeunesse (-8%). Mais si l’on se reporte à une période plus longue, tous les segments sont en croissance : les mangas en dix ans ont multiplié leurs ventes par 4, les Comics (merci Marvel, Netflix et Disney+) font +83%, la BD jeunesse +53% et la BD de genre +23%. Astérix et Blake et Mortimer ont encore à faire des efforts !
Donc, on ne va pas se plaindre. Comme le montre bien le graphe, tous les genres de BD progressent. Par rapport à il y a dix ans, il y a plus d’auteurs, plus d’éditeurs, plus d’offre de BD que jamais. Son segment majoritaire, le manga, rapporte de l’argent à ses éditeurs, ses libraires, ses imprimeurs, ses traducteurs, sans que les autres segments s’effondrent. Grand bien leur fasse ! Donc non, on ne s’afflige pas de la bonne santé de la BD. Au contraire, on s’en félicite !
(par Oussama KARFA)
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
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