Mais où s’arrêtera Zidrou ? Il est non seulement l’un des scénaristes les plus prolifiques des dernières années, avec notamment Chevalier Brayard, Emma G. Wildford, Natures mortes, La petite souriante, ou encore Ric Hochet, mais aussi, et surtout, probablement le meilleur. Son œuvre impressionne par sa qualité et sa diversité, touchant, systématiquement avec force et pertinence, à des thématiques très différentes, des structures familiales avec Les beaux étés à la question de l’adoption avec L’Adoption, tout en sachant s’associer à chaque fois avec des dessinateurs, souvent jeunes, de grand talent.
Ce nouvel album confirme cette règle. Disons-le d’emblée, il est juste magnifique. Ulysse, veuf de 59 ans, est renvoyé et perd son emploi de déménageur. Il s’enfonce dans la solitude et la recherche vaine d’occupations pour combler son ennui. Méditerranée, ancien mannequin de 62 ans, a repris la fromagerie de sa mère, laquelle meurt, faisant d’elle l’aînée de la famille. Elle perd elle aussi pied, se sentent affreusement seule.
La question de la vie des personnes âgées est de plus en plus présent dans la bande dessinée, avec notamment Les Vieux fourneaux, mais aussi Proies faciles, Les Petits ruisseaux, Au fil de l’eau ou encore Jamais. Cet album s’inscrit donc dans une tendance actuelle du Neuvième Art, mais il le fait avec une délicatesse rare, une pudeur absolue et fluidité narrative admirable.
Les deux sexagénaires vont se croiser et entamer une romance de sexagénaires. Les auteurs fuient toute mièvrerie, jouant sur l’humour et la subtilité, dans un véritable roman graphique du quotidien, une poésie du troisième âge. Le dessin est tout aussi juste, ne cachant rien : Aimée de Jongh, dont nous avions loué le travail graphique sur son premier album Le Retour de la bondrée, ose les cadrages serrés, les gros plans. La dessinatrice montre de manière crue le vieillissement des corps, la chair et le désir des retraités, et ses couleurs servent parfaitement le récit. Ne boudez pas votre plaisir, et ruez-vous sur cet album d’une magnifique sensibilité !
(par Tristan MARTINE)
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