Il y’a peu, nous évoquions les liens étroits en Donald Trump, et Ike Perlmutter, PDG de Marvel Entertainment, en soulignant notamment le paradoxe d’un éditeur dont les revenus soutiennent indirectement le 45e président des États-Unis, mais qui emploie des auteurs défendant des valeurs progressistes, et donc, opposées à la politique d’un personnage controversé et éminemment critiquable.
Les limites de ce que peut faire Marvel nous apparaissent aujourd’hui. L’objet du délit ? Une préface de Art Spiegelman. L’artiste avait été contacté pour préfacer l’ouvrage : Marvel : The Golden Age 1939-1949 prévu pour septembre prochain. Spiegelman y revenait sur les racines des super-héros et leur opposition au fascisme et aux autoritarismes. On a tous en tête la première apparition de Captain America, où le héros drapé de la bannière étoilée assénait un fabuleux crochet du droit à Hitler. Le héros au bouclier a ensuite affronté le diabolique Crâne Rouge, suppôt du IIIe Reich, son archenemesis, symbole d’un fascisme qui ne meurt jamais et contre lequel il faut sans cesse lutter.
Mais pour l’auteur de Maus, ce n’est plus Crâne Rouge dont notre bon Captain America devrait s’inquiéter aujourd’hui mais bien de « Crâne Orange », alias Donald Trump.
Aujourd’hui, le plus redoutable ennemi de Captain America, le Crâne Rouge, est bien vivant sur nos écrans et un Crâne Orange hante l’Amérique. Le fascisme international a de nouveau pris de l’ampleur (à quel point nous oublions vite ; étudiez bien les bandes dessinées de l’âge d’or, les enfants) et les bouleversements qui ont suivi l’éclatement de l’économie mondiale de 2008 ont contribué à ce que la planète elle-même se dissolve vers le bas. L’Armageddon semble plausible et nous sommes tous devenus des enfants sans défense, effrayés par des forces plus grandes que nous l’imaginions, à la recherche d’un répit et de réponses face aux super-héros fendant les écrans dans la chapelle de nos rêves.
Une comparaison qui, en dépit -ou à cause- du fait qu’elle soit écrite par le Pulitzer prized Art Spiegelman, auteur du chef-d’œuvre Maus n’eut pas l’heur de plaire au board de Marvel, on comprend maintenant pourquoi... La Maison des idées demanda de retirer ces allusions sous prétexte "qu’elle ne faisait pas de politique". Des scrupules que Kirby & Simon n’eurent pas en 1941...
Spiegelman refusant la censure, Roy Thomas - que vous pourrez retrouver cette année à la Paris Comic Con- fit le job. Mais le facétieux Spiegelman en confia le texte au quotidien anglais The Guardian agrémenté d’une explication de texte, le tout formidablement bien écrit.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle chose arrive. Marvel n’aime tout simplement pas que l’on rappelle l’étrange teinture capillaire couleur bec de Donald Duck du président des États-Unis. Ils avaient en effet déjà censuré une blague comparant Donald Trump à La Chose dans les Quatre Fantastiques, tout en autorisant une histoire où il était devenu un super-vilain affrontant un Captain America dont l’uniforme était porté par une femme noire. La métaphore a dû leur échapper...
Quoiqu’il en soit, Captain America ressort aujourd’hui perdant de son duel contre le vil Crâne Orange... Les temps ont changé.
VS
Photo : DR
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