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L’affaire Casterman/L’Association à propos de David B alimente une polémique internationale

9 août 2006 12 Commentaires
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Surprenant article de Bart Beaty sur le site internet The Comics Reporter. Réagissant à notre brève sur la controverse juridique entre Casterman et L’Association à propos de David B, M. Beaty entre dans une longue digression pas inintéressante sur l‘évolution du travail de l’auteur de L’Ascension du Haut-Mal depuis ses débuts comme co-fondateur de l’Association jusqu’à ses travaux récents publiés chez Coconino Press, Futuropolis ou Dargaud.

Mais il en arrive bientôt à l’essentiel de son intervention : la relation que nous avons faite du conflit juridique qui était le sujet de notre brève (L’éprouvette publiant sans autorisation les échanges du conseiller juridique de Casterman avec l’avocat de l’Association, une action qui apparaît comme un acte de défi vis-à-vis de David B et de Casterman, sinon pourquoi mettre ce linge sale en public ?) et dont la question centrale, selon nous, portait sur la liberté d’un auteur de disposer librement de son œuvre (« L’auteur dispose sur son œuvre de droits patrimoniaux et d’un droit moral » écrit le Syndicat National de l’Edition qui s’en réfère au Code de la Propriété intellectuelle) .

Bart Beaty refuse de se prononcer sur la controverse (“an ongoing legal controversy over the issue of contractual legitimacy”) et on le comprend, puisque telle était notre position. En revanche, il ne se prononce pas, comme nous l’avons fait, sur le caractère « étonnant » et « extrêmement inélégant » de la publication, sans doute sans autorisation, d’un courrier privé entre conseils juridiques. En revanche, M. Beaty pointe la comparaison que nous avons faite entre cette affaire et le conflit qui opposa jadis René Goscinny et Georges Dargaud. “There is nothing resembling this charge in the current situation” (il n’y a rien dans cette affaire qui ressemble au cas présent) prétend-t-il, jugeant le procédé « repugnant », « misleading and unfair » (fallacieux et déloyal).

Or, même si nous reconnaissons l’outrance de la comparaison (David B n’est quand même pas Goscinny), nous maintenons que l’analyse est pertinente. D’abord parce que le journal de Pilote est le fait d’une association d’auteurs qui a révolutionné la bande dessinée française à la fin des années 1950 (Dargaud n’est intervenu que plus tard, rachetant le journal pour le franc symbolique), ce qu’a été L’Association (dans une bien moindre mesure, bien entendu) dans les années 1990. [1]

En fait, Goscinny et Charlier ont été les véritables éditeurs de cette maison qui doit sa prééminence à leur travail et à leur succès. Ils en ont l’un et l’autre été les directeurs jusqu’en 1976, année où Goscinny et Charlier décident de quitter Dargaud. Rupture irrémédiable qui entraîne la création des Éditions Albert-René par Albert Uderzo en 1979 (Goscinny était décédé entre-temps en 1977) et celle de l’hebdomadaire Super-As en 1978 à l’instigation de Charlier, où se retrouvent les principales séries qu’il scénarise. Il s’ensuit une véritable guérilla entre Georges Dargaud et les deux créateurs du catalogue de Dargaud, dont l’épisode Astérix ne s’est conclu que récemment. Il est faux de dire, comme le prétend Bart Beaty que c’est seulement une malversation reprochée à Dargaud qui est à l’origine de l’affaire. C’est bien plus profond que cela. Albert Uderzo s’est longuement expliqué dans Bodoï sur les circonstances qui ont entouré le début du procès (bien avant que Média-Participations ne rachète l’affaire), et notamment l’humiliation que lui a fait subir Georges Dargaud en lui envoyant un huissier pour lui soutirer les planches d’ Astérix chez les Belges. Cette humiliation est essentielle pour comprendre le développement du procès car il est évident que si le différend n’avait été que commercial, il aurait trouvé depuis longtemps un arrangement.

C’est ce genre d’inélégance humiliante qui est le fait de la décision du comité de rédaction de l’éprouvette (MM. Jean-Christophe Menu, Lewis Trondheim, Pacôme Thiellement, Christian Rosset et Jochen Gerner), responsable de la publication de ces courriers, qui va laisser des traces et qui fera que L’Association ne sera plus jamais comme avant. Là est le point de comparaison. Maintenant, nos contradicteurs en feront sûrement la lecture qui les arrange.

On ne va pas reprocher à M. Beaty de mal saisir les subtilités du français, ni de méconnaître une histoire encore non-écrite de la BD franco-belge. Mais le procès d’intention est un peu gros lorsqu’il affirme, ce qui est scandaleux, que “many of the writers at ActuaBD have a grievance against Menu and Trondheim” (pas mal de chroniqueurs d’ActuaBD ont des doléances contre Menu et Trondheim), ce qui est faux puisque je suis le seul, sur ce site, à entretenir la polémique avec L’Association qui me le rend bien d’ailleurs puisque L’éprouvette annonce que pour le prochain numéro, la rubrique « Ces nuisibles qui nous entourent » me sera entièrement consacrée.

On peut cependant s’étonner de la détermination de M. Beaty à stigmatiser ActuaBD, allant qualifier nos analyses de « baseless accusation » (accusation infondée) vis-à-vis d’une maison d’édition qu’il trouve parfaitement vertueuse. Il faut dire que notre naïf enseignant de l’université de Caligari s’apprête à publier en décembre prochain un essai sur la bande dessinée des années 1990. On imagine qu’il s’applique à relire, comme d’autres avant lui et de façon un peu « fabuleuse », l’histoire récente de la bande dessinée francophone dans une version où l’admiration de M. Beaty vis-à-vis de L’Association s’exprimera pleinement.

Tous n’ont pas cette lecture puisque l’agence de presse AfNews, qui émane de l’Association des auteurs de bande dessinée italiens titre, quant à lui : « David B prigioniero de l’Association ? » (David B, prisonnier de l’Association ?), ce qui constitue à nos yeux un meilleur résumé de la question.

Pendant ce temps-là, les Japonais travaillent.

DP

[1Rappelons qu’ensuite Les Humanoïdes Associés, L’Echo des Savanes, ou encore Fluide Glacial, sont également le fait d’auteurs associés.

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.


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