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Lecture en confinement #29 : "À partir de" #1 - Éditions Adverse

14 avril 2020 6 Commentaires
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CONFINEMENT. Un sentiment aura dominé la période que nous vivons actuellement : le doute. Que ce soit sur les mesures prises face à la pandémie, la durée et l’ampleur de celle-ci, la sortie de crise ou le monde « d’après », bien malin celui qui aurait une réponse certaine, crédible et justifiée aux questions que nous nous posons tous. Cette situation nous renvoie à notre condition d’homme, être pensant dont la raison et la rationalité sont mises à rude épreuve. Descartes n’est pas passé de mode.

Le doute comme outil réflexif fait partie de la démarche d’Alexandre Balcaen et Jérôme LeGlatin, co-directeurs de la revue À partir de lancée par les Éditions Adverse en septembre 2019. Ce semestriel, prévu pour paraître pendant trois ans au moins, se propose de renouveler la critique de bande dessinée en offrant un espace d’expérimentation scripturale à une équipe réduite de contributrices et contributeurs, accompagnés de quelques invités.

À partir de n’a que peu en commun avec les autres publications, papier ou numériques, traitant de la bande dessinée. S’il y a un cousinage avec la revue Pré Carré éditée par PCCBA et avec le site du9.org, le périodique des Éditions Adverse se distingue par son refus de se rattacher à l’actualité et sa résolution, très marquée, de mêler réflexion et création. Il se révèle ainsi être une revue littéraire, où les plumes osent prendre des risques et sortir des modèles convenus, surtout pour évoquer la bande dessinée.

Lecture en confinement #29 : "À partir de" #1 - Éditions Adverse
"À partir de" #2, à paraître au printemps 2020 © François Henninger / Éditions Adverse 2020

Ce faisant, À partir de peut se permettre de revendiquer cette même liberté pour la bande dessinée. La revue encourage à effacer totalement les frontières de genre et à exploser des carcans qui se sont construits depuis quelques décennies, conduisant les auteurs à s’interdire, consciemment ou non, certaines expérimentations formelles qui seraient vite taxées de snobisme - là où il s’agit déjà d’ouvrir des pistes de recherche - et certaines approches intellectuelles - l’apport des sciences sociales et politiques étant encore très modéré.

C’est sans doute pourquoi les contributeurs ne s’embarrassent pas de détours pédagogiques ni de précautions oratoires. Ils confrontent le plus directement possible leurs lecteurs à des textes pouvant apparaître parfois comme très éloignés de la bande dessinée. Mais elle est en fait le point de départ et d’arrivée : la distance du discours par rapport à son sujet ne signifie pas absence de liens et encore moins pauvreté de la suggestion. Et s’opère alors un retour à la bande dessinée, pour qui veut bien oublier en chemin les raisonnements linéaires.

Il est donc bien question de tout un champ éditorial. Alexandre Balcaen et Thomas Gosselin apportent un éclairage inédit sur le métier d’éditeur, le premier nous plongeant au cœur du travail d’un « micro-éditeur » indépendant, le second nous présentant l’envers du décor par l’intermédiaire d’une correspondance de l’auteur avec ses éditeurs. Jérôme Le Glatin et Docteur C. s’arrêtent sur des autrices et auteurs de la bande dessinée alternative, offrant quelques clés de lecture qui n’ont cependant pas vocation à servir de passe-partout. Alexandra Achard, Éric Chauvier et Jean-Luc Guionnet, en s’attaquant au langage sous toutes ses formes, montrent enfin qu’expérimentation et recherche peuvent s’associer pour donner naissance à de nouvelles façons d’aborder la bande dessinée.

À partir de n’hésite pas à varier les approches et à faire intervenir des disciplines autres que la bande dessinée, sans pour autant concevoir celle-ci comme « hors sol ». Au contraire, la dimension politique, sous-jacente ou délibérée, est assumée, s’opposant notamment à la marchandisation extrême de l’art, posant la question des rapports entre lecteur, auteur et éditeur et soumettant même l’idée d’une lutte possible de ceux qui refusent une uniformisation culturelle déjà en marche.

FH

"D’un temps d’un seul" © Jérôme Le Glatin / Éditions Adverse 2019
"Le métier d’éditeur en creux" © Thomas Gosselin / Éditions Adverse 2019
"Informatique de soi-même & objets trouvés" © Jean-Luc Guionnet / Éditions Adverse 2019

À partir de #1 - Éditions Adverse - co-dirigé par Alexandre Balcaen & Jérôme Le Glatin - contributions d’Alexandra Achard, Alexandre Balcaen, Docteur C., Éric Chauvier, Thomas Gosselin, Jérôme LeGlatin & Jean-Luc Guionnet - 12,5 x 16,5 cm - 164 pages en noir & blanc - couverture souple - ISBN 9791095922278 - parution en septembre 2019.

Lire le Manifeste d’Alexandre Balcaen (14 x 20.5 cm, 40 pages en noir & blanc, 2016), à l’origine de la création de la maison d’édition et de la revue.

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