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Madeleine Riffaud : 15 août 1944...

15 août 2021 Commenter
Madeleine, Résistante Dupuis Aire Libre ✍ Jean-David Morvan ✏️ Dominique Bertail tout public 🛒 Acheter

Le 20 août prochain sortira chez Dupuis un album exceptionnel : Madeleine, résistante
Tome 1 - La Rose dégoupillée
signé Madeleine Riffaud, grande résistante, libératrice de la Ville de Paris, avec au scénario Jean-David Morvan et Dominique Bertail au dessin. Un livre important dont nous avons déjà parlé et dont nous vous reparlerons (nous avons fait l’interview de Madeleine et de Jean-David). En attendant, JD Morvan nous partage un souvenir de Madeleine daté du 15 août. Un témoignage émouvant.

Le 15 août 1944, les Allemands font partir du Quai aux bestiaux, à Pantin, un dernier convoi pour la déportation. Direction Buchenvald et Ravensbrück.
Madeleine Riffaud, sortie comme d’autres de sa cellule de Fresnes, fait partie des 2400 prisonniers, dont 675 femmes. Moins de 800 personnes survivront.

Madeleine raconte son expérience :

« Depuis le début du mois d’août, les Allemands, qui sentent le vent tourner, commencent à faire le ménage : Ils font notamment disparaître le plus de preuves possible que l’on torture rue des Saussaies. Et ils veulent tuer les témoins.
Au soir du 14 août, toutes les femmes ont été rassemblées dans une immense pièce, au rez-de-chaussée de la prison de Fresnes. Les femmes demandent : « - Ma petite jeune fille, pourquoi vous avez été arrêtée ? » Je réponds simplement : « - J’ai tué un boche. » Alors elles ont la trouille d’être vues avec moi et me laissent toute seule dans mon coin. Je pleure beaucoup. Je n’ai que 19 ans.

À un moment, alors qu’il fait encore nuit, une dame vient vers moi : « - Ne pleure pas, petite. Je suis avec toi, moi. Je comprends. Mais il te faut une protection. » Alors, elle découd l’ourlet de sa robe et me donne une petite image de Sainte-Thérèse de Lisieux. « - Madame, ne faites pas ça. Gardez-la pour vous. Vous y tenez. Moi, ça n’a pas d’importance. Vous m’avez remonté le moral et ça me suffit. » Là, elle met de force la photo dans ma poche de poitrine C’était la seule chose qu’elle possédait au monde. « - Si tu t’en sors, je vais te demander une petite chose : allumer un cierge, tous les 15 août, pour Sainte-Thérèse. »

On nous promène toute la journée, sous un soleil de plomb, sans nous donner ni à boire, ni à manger, dans un autobus de la RATP conduit par les Allemands. Il y avait eu des bombardements de la RAF, des sabotages, les cheminots étaient en grève et ils ont un mal de chien à trouver un endroit d’où nous faire partir. Ils trouvent finalement que c’est possible depuis la gare de Pantin, au “Quai aux bestiaux". » (Ce moment est repris dans le film "Paris brûle-t-il", dont est issu la photo du bas).
Je me retrouve dans le dernier wagon du convoi, attachée avec une certaine Anne-Marie, une espionne de l’Intelligence Service (les services secrets anglais) : On n’est pas dupes, on sait très bien qu’ils mettent dans le dernier wagon les prisonniers qu’ils fusilleraient en route, en cas de problème. Très vite, on devient copines. La dame à l’effigie de Sainte-Thérèse est là, elle aussi.

La Croix Rouge arrive et annonce, dans les haut-parleurs : « - Ces Messieurs les Allemands nous donnent la permission de prendre avec nous les femmes malades et enceintes. » Les autres filles disent qu’on devrait en profiter. Mais Anne-Marie n’a pas confiance en « Ces Messieurs ». Il y a beaucoup de mouvement, c’est la pagaille. À un moment, Anne-Marie dit « - C’est le moment. » Les dames avaient trouvé des épingles pour relever mes cheveux. Et elles échangent un chemisier avec moi, pour éviter qu’on me reconnaisse. Anne Marie ouvre la porte qui n’était pas tout à fait scellée et saute. Là, les deux dames adultes me poussent dans le dos.
Je dis toujours que je ne me suis pas évadée. On m’a évadée.
J’ai le sentiment qu’elles m’avaient accouchée.

Anne-Marie et moi, on est reste cachées une heure. Le train finit par partir et se dit qu’on peut sortir pour se mettre avec les malades de la Croix Rouge qui devaient être rapatriés. Sauf qu’il y a deux SS qui se baladent et qui nous ont reconnues. Les SS se mettent à hurler « - Aaah ! Vous ! Encore ! Oh non, non, c’est pas vrai ! Mais… Fusillées ! Tout de suite ! À Fresnes ! »

Dans le panier à salade, je dis à Anne-Marie « - Vous voyez Madame, c’était bien la peine. Moi, je voulais rester avec les filles, là… De toute façon, mourir pour mourir… on va mourir, c’est sûr. » « - Écoute, ma petite, tu te rappelleras, j’espère longtemps, que un jour, c’est un jour. Médite ça. »

Depuis 76 ans, tous les 15 août, je vais donc allumer un cierge à Saint-Thérèse de Lisieux. La dame n’est jamais revenue mais j’ai encore la petite image pieuse. Je pense souvent à elle, bien plus qu’une seule fois par an.

Depuis quelques années, mon amie Dominique de Miscault m’assiste dans cette tâche. Et je sais que désormais, Dominique Bertail, Éloïse Dlm et JD le font aussi.

La mémoire sauve… »

Merci, Jean-David, pour ce partage.

DP

Madeleine Riffaud : 15 août 1944...

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