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Mouton noir - Par Aart Taminiau (trad. L. Bayer) - Presque Lune éditions

13 octobre 2019 Commenter
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Une famille bourgeoise face à l’industrialisation : c’est ce que découvre Aart Taminiau lorsqu’il écoute des cassettes laissées par son grand-père et dans lesquelles celui-ci raconte sa vie. L’histoire qu’il entend alors est suffisamment intéressante pour qu’il décide d’en faire une bande dessinée : c’est Mouton noir.

Aart Taminiau décide de se concentrer sur un épisode crucial, qui permet d’évoquer les caractéristiques sociales et psychologiques de la famille Van Mergaert. Alors que celle-ci est prospère, grâce à l’aïeul qui a développé l’industrie textile fondée sur l’utilisation de la laine de scottish blackface, la concurrence née de l’industrialisation met en péril son équilibre. Une immense machine est alors développée secrètement. Elle doit permettre d’ « économiser » la main-d’œuvre et donc d’augmenter les profits.

Las ! Lors de son inauguration, la fameuse machine, monstre de métal, d’engrenages et de pistons, explose, provoquant un incendie et la déroute de la famille. Mais, faisant fi de l’accident dans une sorte de mascarade désespérée, les convives poursuivent la fête. Le déclin est cependant inéluctable. L’investissement faramineux dans la machine, qui s’avère irréparable, est le dernier coup de pelle creusant le caveau familial.

Mouton noir - Par Aart Taminiau (trad. L. Bayer) - Presque Lune éditions
Mouton noir © Aart Taminiau / Presque Lune éditions2019

Construit autour de cet épisode à la fois dantesque et pitoyable, Mouton noir dépeint une société en déréliction. Les désaccords au sein de la famille apparaissent, les hontes et les bassesses se révèlent et la solidarité faussement échafaudée sur la domination patriarcale éclate. Aart Taminiau décrit plusieurs générations de bourgeois, s’arrêtant ainsi sur plusieurs caractères typiques, de l’ancêtre entreprenant et tyrannique aux descendants fats et inconséquents.

Si le récit n’est pas particulièrement original, il a le mérite de dépeindre une société plus fragile qu’elle ne l’admet, qui ne tient que sur les inégalités et les apparences. La collusion avec les institutions religieuses, le mépris des ouvriers et les rivalités fratricides sont mises en avant, même si la plupart des personnages ne sont pas décrits de façon manichéenne. Nous assistons en fin de compte au déclin d’un monde, qui n’est certes pas sans héritiers aujourd’hui mais qui a bel et bien disparu dans ses formes les plus traditionnelles.

L’autre point fort de Mouton noir est la composition des planches d’Aart Taminiau. Très travaillées, souvent audacieuses, les compositions contrebalancent le trait classique du dessinateur. Constitué d’une multitude de hachures dont la densité et le sens varient énormément, permettant ainsi de jouer avec les textures et finalement les ambiances, le dessin évoque les gravures du XIXe siècle tout en lorgnant du côté du fantastique.

Réalisateur et dessinateur, Aart Taminiau est un artiste à découvrir. Mouton noir est son premier roman graphique et, s’il souffre parfois d’un peu de confusion tant dans le récit que le graphisme, il prouve que son auteur assume ses choix stylistiques, ce qui est toujours à cultiver.

FH

Mouton noir - Par Aart Taminiau - Presque Lune éditions - traduit du néerlandais par Laurent Bayer - édition originale : Wol, De Bezige Bij | Oog & Blik, Amsterdam, 2016 - 21 x 29 cm - 176 pages en noir & blanc - couverture cartonnée - ISBN 9782917897454 - parution le 21 juin 2019.

Consulter le site de l’auteur & lire quelques pages de l’ouvrage.

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