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Répliques, commentaires et règlements de compte après le procès perdu par Moulinsart à La Haye. Décryptage.

8 juin 2015 9 Commentaires
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Moulinsart ayant perdu en appel un procès contre une association de tintinophiles hollandais, l’événement provoque un bon nombre de commentaires dans la sphère médiatique, y compris sur notre site. Mais tous n’ont pas eu notre prudence.

Au contraire, il semble que dans cette affaire, certains commentateurs aient été plus vite que la musique. On peut prendre comme exemple l’intervention de Jean-Claude Jouret, "spécialiste de Tintin", pour la télévision belge (voir le lien ci-dessous)

Ce que la présentatrice belge oublie de signaler, c’est que son invité est l’ancien secrétaire général de la Fondation Hergé et administrateur de la Baran International Licensing, pas exactement un copain de Nick Rodwell et de Moulinsart...

Il reprend la thèse diffusée dans la presse hollandaise : Moulinsart a perdu les droits de Tintin. Or, objectivement, les droits appartiennent toujours à l’ayant droit d’Hergé, Fanny Rodwell. La question porte sur la légitimité de citer une image de Tintin, c’est à dire de la publier sans verser de droits, d’une part. Et sur la gestion commerciale de ces droits, d’autre part.

Personne ne remarque que le tribunal hollandais ne répond pas à la question qui lui est posée : le caractère licite ou non de la reproduction des vignettes de Tintin dans le journal de l’association, en clair le droit de citation de ces images. La Cour d’appel se défausse en constatant que la demande de Moulinsart n’a pas lieu d’être puisque, selon le contrat de 1942 produit à l’audience, Hergé aurait cédés ses droits à Casterman...

Or, en examinant ce contrat, dont nous reproduisons une retranscription que vous avez donc la possibilité de lire à loisir dans notre portfolio ci-dessous [1], on s’aperçoit que sa rédaction est très sommaire et qu’il a dû certainement être ultérieurement complété par d’autres conventions qui éclaircirent les rapports des cocontractants. On sait par exemple que Hergé gérait lui-même l’usage publicitaire de son univers dans les années 1950.

Il est possible également que Casterman, qui gérait les droits de reproduction des vignettes du vivant d’Hergé, a ultérieurement renoncé à exploiter ces droits, laissant leur gestion à Moulinsart. Sans doute Moulinsart a-t-elle négligé de produire auprès du tribunal les documents établissant la chaîne des droits qui lui permettait d’établir sa légitimité. La Cour lui a fait chèrement payer cette déficience.

Répliques, commentaires et règlements de compte après le procès perdu par Moulinsart à La Haye. Décryptage.
Jean-Claude Jouret à la RTBF - Visionner la vidéo en cliquant sur le lien en fin d’article.
Capture d’écran

Cela établi, quand bien même Moulinsart perdrait ses droits au profit de Casterman, hypothèse qui tourne en boucle, il semble peu probable qu’elle doive "rembourser" comme le prétendent certains commentateurs. On oublie en effet que ces droits appartiennent toujours à Fanny Rodwell et que Casterman doit lui reverser sa quote-part après déduction de sa commission d’agent. Bref, une grosse partie des sommes obtenues par Moulinsart reviendront de toute manière dans la poche de l’ayant droit. Seul Casterman serait lésée : il lui suffit de réclamer la commission qui lui revient (avec les intérêts, éventuellement). Inutile de rembourser quiconque.

Reste la question du droit de citation de l’image. M. Jouret affirme que maintenant "la citation visuelle est totalement autorisée." Cela nous étonne. Une jurisprudence constante en France comme en Belgique semble établir le contraire. S’il était libre, comme le prétend M. Jouret, il n’y aurait pas d’affaire hollandaise. Il semble au contraire, comme nous l’avons expliqué, que la Cour d’appel de La Haye a soigneusement évité de répondre à cette question qui reste entière. Pas sûr que ce jugement, dès lors, constitue une jurisprudence très solide.

Cela n’empêchera pas de nombreux commentateurs anti-Rodwell de se féliciter de sa défaite...

DP

Voir en ligne : L’interview de Jean-Claude Jouret

[1Grâce à stripspeciaalzaak.be.

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.


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