Le Festival de BD de Lausanne avait été créé à la suite du naufrage du regretté Festival de Sierre par une poignée de municipalistes désireux de recueillir les lumières de l’initiative valaisanne. Après des débuts chaotiques, les organisateurs firent appel à Philippe Duvanel qui, après avoir mené BD-FIL à un haut niveau qualitatif, prit la tangente à la dixième édition afin de vivre d’autres expériences.
L’équipe municipale a alors fait appel pour cette édition à l’historien de l’art Dominique Radrizzani, ancien conservateur du musée Jenisch à Vevey où il consacra des expositions à Alechinsky, Balthus ou Giacometti, favorisant des collaborations avec de nombreuses institutions. Ce critique d’art (Prix Malraux en 2004 pour Carnets en deux temps) avait fondé à Vevey le Centre national suisse du dessin avant de quitter le musée en 2012 pour se consacrer au commissariat de grandes expositions internationales, comme récemment L’Écriture dessinée à la Maison Balzac à Paris. Ceux qui connaissent son travail savent qu’il n’ignore rien de la BD : ce familier de Nick Rodwell et de la maison Moulinsart avait été aussi désigné par Jean-Christophe Menu comme "membre d’honneur" de L’Association lors de la crise de 2011...
Le choix de Blutch, coqueluche des amoureux du dessin, pouvait laisser penser que BD-FIL s’éloignerait des "Petits Mickeys" pour tendre vers l’art, "avec un grand H", comme disait Hergé... Blutch fait en effet l’objet d’une large rétrospective essentiellement composée de dessins, une exposition intitulée "Vue du lac", compilés dans un copieux catalogue édité au moment du Festival chez Dargaud. Une fresque de l’auteur de Peplum sera par ailleurs réalisée dans le foyer du théâtre de Vicly, montrant la volonté de BD-FIL de marquer son environnement au signe de la BD.
Est-ce à dire que le Festival BD-FIL pourrait prendre un tour définitivement "intello" ? Ce serait mal connaître notre homme qui sait jouer du registre de la prétention avec une parfaite dérision. À côté de Blutch, ce ne sont pas les "Petits Mickeys" qui sont convoqués, mais le Grand Mickey, celui de Walt Disney, ce mythe pop du XXe siècle qui n’échappa ni à Warhol, ni à Lichtenstein, ni à Télémaque, ni à Rancillac, ni à Jean-Jacques Lebel... Radrizzani a eu l’idée de mobiliser, dans une exposition intitulée Mickey réinventé, les talents conjugués de Cosey, Régis Loisel, Tébo, Trondheim, Brigitte Findaky, Keramidas... qui ont tous secrètement dessiné des histoires de Mickey qui seront publiées par les éditions Glénat.
Pour prolonger son action, BD-FIL lance une copieuse revue de 300 pages -titrée tout simplement : Bédéphile- dont le premier numéro est consacré au personnage de Walt Disney.
BD-FIL ne s’attarde pas en si bon chemin, il s’accroche à l’actualité : la relance de Corto Maltese par Ruben Pellejero et Juan Diaz Canales, pour faire en même temps une exposition commémorative des vingt ans de la disparition d’Hugo Pratt.
Des expo-installations de Baladi et son western du Pays d’Enhaut, de Riad Sattouf et son Arabe du futur, des étoiles souterraines de Pajak s’ajoutent au tableau.
Pour les plus petits, le festival a mis sur pieds un Labo ludique pour créer de la BD… Les habituelles projections, rencontres, dédicaces et... un petit-déjeuner campagnard le dimanche matin, de même qu’un festival OFF avec une exposition des planches originales de O2 de Krum, les fixés sous verre de Loustal, les dessins érotiques sinon pornos de Georges Pichard et les peintures du Berlinois Atak viennent compléter la programmation de ce week-end particulièrement riche.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Festival BD-FIL de Lausanne, du 11 au 13 septembre 2015.
Le détail des expositions, la liste des auteurs présents et le programme définitif complet sont disponibles sur LE SITE DE L’EVENEMENT.
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