On ne le sait peut-être pas suffisamment : Leiji Matsumoto passa la majeure partie des années 1960 à œuvrer dans le manga shojo, c’est-à-dire destiné à un public féminin. Ce n’est qu’en 1968 qu’on lui offre l’opportunité de passer au shonen, et en particulier de créer un manga de science-fiction : Sexaroïd. Il rencontrera le succès et la reconnaissance quatre ans plus tard avec Je suis un garçon, puis ce seront les immenses succès que nous connaissons tous comme Albator ou Galaxy Espress.
Les nouvelles qui composent ce recueil datent de cette période charnière, de ce temps de recherche et d’expérimentation du mangaka, à la toute fin des années 1960. Différents genres s’y manifestent : outre la science-fiction, qui domine l’ensemble, récits de guerre et western, autres incontournables chez Leiji Matsumoto, y ont également leur place. Et on y trouve déjà la plupart des thèmes, motifs et registres qui caractériseront une œuvre devenue depuis absolument culte.
Ainsi des héros solitaires, frappés par le destin, ou confrontés à des amours impossibles, contrariés par le temps ou la distance. Ainsi d’une mélancolie de tous les instants, souvent liée à d’aussi fascinantes que mystérieuses figures féminines, ou à une frustration essentielle, que ce soit dans la création ou dans l’accomplissement personnel. Ainsi enfin des insectes, qui hantent littéralement la plupart des nouvelles.
Le mangaka s’essaie en outre à une large palette de tons et de registres, entre tragique, subtile poésie, horreur légère ou encore désarçonnant burlesque. Avec vingt-cinq histoires qui se veulent vingt-cinq leçons de vie, vingt-cinq réflexions sur l’existence, le désir, l’identité et le temps qui passe. Car c’est bien de cela qu’il s’agit lorsqu’il est question d’une quatrième dimension.
Un temps que l’on se plait à passer en compagnie des créations de Leiji Matsumoto. Saluons donc la dimension patrimoniale du travail d’édition de cette œuvre entrepris et poursuivi par Kana, notamment après le précédent recueil de nouvelles, des années 70, 24 histoires d’un temps lointain. Un temps peut-être lointain, certes, pour lecteur, mais surtout loin d’être perdu.
(par Aurélien Pigeat)
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