C’est une œuvre très mature où l’on retrouve des thèmes que Timothé Le Boucher aborde depuis un certain temps : la question de l’identité, du double, du rêve, du soutien à l’autre fragile et opprimé… avec un quant à soi, nourri aussi bien par la timidité que par le besoin de comprendre.
Timothé est à la fois scénariste, dessinateur et coloriste et il excelle, de façon touchante même quand c’est maladroit, dans l’encrage, élégant et souple, et les couleurs, délicatement veloutées. Il y a chez lui une douceur, une justesse dans l’expression, une beauté qui rayonne de tous ses personnages, même les plus hideux. Osons ce trait : c’est une sorte de Raphaël de la bande dessinée !
De quoi parle 47 Cordes ? Ce sont celles de la harpe de concert. On dit du harpiste qu’il passe la moitié de son temps à accorder son instrument, et l’autre à jouer faux.
Il y a un peu de cela dans le personnage d’Ambroise, le harpiste qui est au cœur de l’histoire, un peu engoncé, à la fois naïf et maladroit. Beau, ténébreux, il a un charme fou sur lequel une mystérieuse créature fantastique a jeté son dévolu.
Pourquoi ? Pour le moment, on n’en sait trop rien. Cette créature peut se métamorphoser comme elle veut : en une femme ravissante, sexy, irrésistible…
Enfin, irrésistible… sauf pour le jeune gars qui n’a pas l’air sensible aux charmes de la dame et semble même un peu effrayé… Serait-il gay ? La chose se métamorphose alors en un bel athlète, un Kouros à la peau sombre digne d’Apollon, mais là encore, buisson creux. En réalité, son cœur est déjà pris par une autre…
Notre jeune musicien qui cherche à remplacer les 47 cordes de sa harpe fait la rencontre d’une opulente cantatrice avec laquelle il va faire un pari faustien dont on ne sait pas où il mène, sauf qu’il va mettre le jeune homme dans des situations étranges, pour ne pas dire bizarres.
Le dessin est magnifique, le lecteur est perdu dans des scènes fantasmagoriques, entre les petites intrigues de l’orchestre, les rivalités et les disputes des métamorphes, car ils sont toute une bande, et des séquences qui font penser à l’Orphée de Jean Cocteau. On est dans cette veine... C’est le premier volume d’un diptyque dont on sent qu’il va faire date. Hautement recommandable.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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47 Cordes – Première partie. Par Timothé Le Boucher (scénario et dessin). Éditions Glénat. Sortie le 17/11/2021. 20 x 27 cm. 384 pages couleur. 25 €.
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