Cela n’ouvre que le 29 juin prochain, mais ActuaBD.com est déjà allé y voir et en revient séduit : la Cité de la BD a mis les petits plats dans les grands pour fêter les "septante-cinq" ans du groom.
Une sorte d’événement pour cette institution qui inaugure-là une première : "C’est la première fois que l’on fait une exposition autour d’un personnage, nous dit Gilles Ciment, le directeur de la Cité. Ce que je trouve particulièrement intéressant, c’est qu’il est passé à travers des mains différentes et qu’à chaque fois, il a pris quelque chose de l’auteur qui s’en est emparé. Du coup, pour le lecteur, c’est presqu’un apprentissage de ce qu’est un auteur, de ce qu’il apporte, ce qu’est une "patte", un style... Et ceci de façon inconsciente : un lecteur qui a lu pendant plusieurs années des avatars de Spirou perçoit quelque chose qui traverse le processus-même de la création."
Les organisateurs ne se sont pas contentés d’aligner les planches. Il y a un propos, une pédagogie, une volonté de surprendre et surtout d’amuser : carousel en guise de porte d’entrée, objets divers racontant l’histoire du personnage, mise en évidence des différents auteurs, le tout dans une scénographie décoiffante. Gilles Ciment : " Il y a des pièces assez uniques comme certains originaux de couvertures de Franquin, une affiche jamais vue de Jijé, ou des curiosités comme cette marionnette de Spirou sculptée par Jijé qui est très belle et qui montre comment, une fois que le journal de Spirou a été interdit par l’occupant allemand, l’éditeur Jean Dupuis qui avait voulu et créé ce personnage, a fait pour en faire perdurer l’esprit, le souffle et le mythe à travers un spectacle de marionnettes qui parcourt la Belgique entière. Je trouve cela intéressant d’un point de vue historique, cela explique aussi sa dimension populaire. C’est une exposition dont je retiens une énergie, un ensemble. Le personnage passe de main en main et, à chaque fois, on a un tableau personnel et original."
Effectivement, le spectateur passe par toutes sortes de grammaires stylistiques : du trait aérien et "loustic" de Gillain, au dessin rond quasi disneyen de Franquin qui évolue vers de plus en plus de réalisme, en passant par Fournier à la touche poétique ou Broca que l’on a un peu vite vilipendé, pour aboutir jusqu’aux modernes Tome & Janry, Chaland, Bravo, Schwartz, Yoann...
La scénographie de Nawak et Ventilo s’amuse de ce chaos de styles avec une déco ludique, monté sur ressorts, des basculements, des changements d’échelle... : " On l’a choisie parce qu’elle répondait au cahier des charges du titre de l’exposition, explique Gilles Ciment : "Spirou, un héros dynamique" avec des codes graphiques comme le ressort, les panneaux qui basculent, qui donnent un effet dynamique, et la couleur. Spirou, c’est simple : c’est rouge, jaune et noir. Les autres propositions n’utilisaient pas ces atouts. Pour montrer que Spirou, ce n’est pas grand chose et que ce sont les auteurs qui y mettent la matière, ce n’était pas mal : Cela se résume en quelques codes graphiques qui traversent l’exposition de part en part."
Gilles Ciment analyse le parcours d’un héros très "américain" finalement : " On n’a pas beaucoup d’autres exemples comme celui-là dans notre bande dessinée. On voit bien que quand Spielberg fait un Tintin avec un autre graphisme, on est tous troublés alors qu’avec Spirou, il n’y a pas de difficulté. Cela fait penser en effet à la tradition américaine, chez Disney ou dans les histoires de super-héros, où les personnages passent d’un dessinateur à l’autre. Avec Spirou qui nous a accompagné dans notre enfance comme dans l’âge adulte, on en vient à parler, comme aux USA, des dessinateurs que l’on préfère, comme on le fait avec Mickey et Donald, dont les amateurs distinguent les dessins faits par Ub Iwerks, Carl Barks ou Floyd Gottfredson. C’est un apprentissage du métier de l’artiste, finalement."
L’espoir du patron de la Cité est que ce personnage populaire lui apporte une audience familiale et intergénérationnelle : " 75 ans, c’est long. Nous attendons donc les grands-parents avec leurs enfants et leurs petits-enfants ! C’est aussi ce qui nous plaisait dans la scénographie : elle en donne aux trois générations. Autour de l’exposition, nous allons faire pendant tout l’été des ateliers de médiation et de création très variés, toujours précédés par une visite de l’exposition. Il faut regarder sur le site de la Cité et réserver bien à l’avance, car il y a peu de places. Pour que les enfants soient bien accompagnés (ils le sont souvent par un auteur), il faut des groupes de 10-12 personnes, pas plus. Tout est expliqué sur le site avec les âges pour chaque atelier. Un jeu concours fait gagner des albums Spirou qui sont à récupérer chez les commerçants. Et puis une "chasse au Marsupilami", un parcours-jeu pour trouver leur nid fait également partie de la visite. Dans l’exposition, on peut visionner un documentaire de 52 minutes sur l’histoire de Spirou. La série TV du Petit Spirou passe aussi dans une petite salle destinée aux enfants. Des rencontres sont organisées avec les auteurs dans l’exposition."
C’est en outre une exposition qui va communiquer plus que d’habitude grâce à l’appui des éditions Dupuis. Une communication particulière sera faite dans les Centres Culturels Leclerc, par voie d’affichage, pour la première fois dans les grandes gares parisiennes, sur la ligne Paris-Bordeaux, ou encore sur la côte de la Charente-Maritime (La Rochelle, etc.) où se massent les touristes pendant l’été.
Les jours gris seront colorés par le groom !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Spirou, un héros dynamique - Du 29 juin au 6 octobre 2013 - Cité de la Bande Dessinée, Angoulême.
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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