Nos dossiers La vie des Festivals

À Formula Bula : Carlos Gimenez, pionnier de la mémoire

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 12 mai 2011                      Lien  
Créateur de «Paracuellos» ou de «Barrio» (Fluide Glacial), Carlos Gimenez est un dessinateur espagnol pionnier dans le discours mémoriel au même titre que Will Eisner, Art Spiegelman ou Marjane Satrapi. Il est en ce moment présent à St Ouen (Paris) à Formula Bula, le festival de la bande dessinée et des arts associés.
À Formula Bula : Carlos Gimenez, pionnier de la mémoire
L’intégrale Paracuellos, chez Fluide Glacial.

Pionnier du discours mémoriel qui va véritablement innerver le roman graphique international, Carlos Gimenez est né le 16 Mars 1941 à Lavapiès, le quartier des ambassades de Madrid. Tout jeune, il est placé dans des foyers où il subit les affres d’une éducation catholique et militariste propre au franquisme. Il racontera cette expérience dans Paracuellos. Pour s’échapper de cet environnement autoritaire à l’excès, il lit des bandes dessinées, notamment les aventures d’El Cachorro de Juan Garcia Iranzo qui est à l’origine de sa passion pour la BD. Bientôt, il rencontre le dessinateur Manuel Lopez Blanco, fondateur de « l’école de Madrid » et en devient l’assistant à partir de 1959.

Il accède à la notoriété en France et en Belgique à l’aube des années 1970, quand il publie Dani Futuro sur un scénario de Victor Mora, dans l’hebdomadaire Tintin dirigé par Greg.

C’est avec Paracuellos (1976, intégrale chez Fluide Glacial), rapidement traduit en France par Gotlib pour Fluide Glacial, qu’il accède à une notoriété qui ne s’est pas éteinte depuis. Il reçoit le Prix du meilleur album à Angoulême en 1981. Ses souvenirs des pensionnats franquistes sont poignants et constituent un travail de mémoire sur cette période sombre de l’histoire de l’Espagne qui n’a pas son équivalent : « La mémoire historique était un vrai problème sous le franquisme, aime-t-il à rappeler. La presse ne parlait que du temps présent, c’est d’ailleurs elle qui a inventé le concept de la presse « people », c’est-à-dire une presse heureuse qui ne raconte rien, si ce n’est les anecdotes insignifiantes des célébrités et du football. »

Carlos Gimenez et son éditeur chez Fluide Glacial, Thierry Tinlot

Avec la mort de Franco le 20 novembre 1975, les forces démocratiques se libèrent et la mémoire également. Gimenez se lance dans l’autobiographie. Habitant un étage en dessous de Victor Mora, partageant son atelier avec d’autres dessinateurs, dont un de ses compagnons du temps des pensionnats, il va bâtir ce chef d’œuvre.

Mais il va être compliqué de l’imposer : « Dans “Paracuellos”, il n’y avait pas d’héroïne pulpeuse, ni de super-héros, c’était une histoire d’enfants qui subissent des sévices dans les pensionnats du franquisme, il a donc été très difficile de convaincre les éditeurs », nous dit-il aujourd’hui. Mais l’album marche bien, surtout à l’international où l’on commence à s’intéresser à ce pays sortant de sa léthargie.

Plus tard, il va raconter les histoires de son quartier (Barrio, intégrale chez Fluide Glacial) ou encore ses aventures professionnelles (Les Professionnels, bientôt en intégrale chez Fluide) avec une figure comme Josep Toutain, grand éditeur et agent espagnol, des sujets pas vraiment vendeurs non plus : «  Je suis arrivé à placer ces histoires-là parce que ““Paracuellos”” s’édite beaucoup et se vend bien, sans doute parce que l’on commence à s’intéresser à ces histoires enfouies depuis trop longtemps. L’intérêt des éditeurs, de toute façon, est assez aléatoire, vous savez. »

Le succès de Parracuellos se prolonge puisqu’après avoir été optionné pas moins de huit fois pour le cinéma et la télévision, le contrat a fini par être signé par Mod Producciones et est en cours de tournage par le réalisateur Daniel Sànchez Arévalo.

Un exemple de l’art de Gimenez : "Paracuellos" (détail)
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Il est porté, il est vrai, par un propos mémoriel qui est devenu central dans le développement du roman graphique depuis Un Contrat avec Dieu de Will Eisner (1978), Maus d’Art Spiegelman (1981) et Persepolis de Marjane Satrapi (2000). « Je suis fier d’avoir ouvert la voie à ce genre, nous dit-il. De toute façon, on est toujours meilleur quand on traite un sujet que l’on connaît bien, plutôt que d’avoir à imaginer je ne sais quelle aventure dans la jungle ou dans l’espace où le commun des mortels n’a aucune chance de jamais y aller un jour. »

L’exposition "Une Voix dans la nuit" au château de St Ouen
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Le voyage à faire, en tout cas, est d’aller visiter au château de St Ouen (accessible en métro de Paris) l’exposition de ses planches, Une Voix dans la nuit (du 12 mai au 11 juin 2011), l’occasion de constater un travail graphique qui n’a pas vieilli (à l’instar d’un Gotlib, Carlos Gimenez est un encreur et un dessinateur humoristique hors pair), dans le cadre de Formula Bula, le festival organisé par l’équipe de Ferraille.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

Commander « Paracuellos » sur Amazon ou à la FNAC

Commander « Barrio » sur Amazon ou à la FNAC

 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Didier Pasamonik (L’Agence BD)  
A LIRE AUSSI  
Nos dossiersLa vie des Festivals  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD