Astreignant, le quotidien de la jeune Shoko Nishimiya : sourde depuis sa naissance, elle peine à suivre les conversations des autres malgré son appareil auditif. Qui plus est, son père a lâchement quitté le foyer familial, la laissant avec une mère caractérielle.
Comme si cela ne suffisait guère, son entrée dans sa nouvelle école lui demande d’énormes efforts d’intégration. Les moqueries et les persécutions s’accumulent : elle est différente... donc vulnérable. La tête brûlée de la classe, un certain Shoya, lui empoisonne l’existence, et rallie ses camarades et d’autres à se dresser contre elle. La pauvre Shoko est en quelque sorte emmurée vivante, une proie beaucoup trop facile face à ces êtres belliqueux et moqueurs. Sans la possibilité de s’exprimer (elle parvient à émettre quelques sons tout au plus), il ne lui reste plus qu’à se morfondre...
Tout bascule un jour, où tourmentée psychologiquement et physiquement, une plainte est déposée par la famille de Shoko, et le directeur de l’établissement s’en mêle personnellement. Miraculeusement, un effet à contre-courant s’opère et chaque élève va se retourner contre Shoya et le désigner comme seul responsable.
A Silent Voice évoque un sujet subtil et délicat : le handicap et le regard que les autres portent sur celui-ci. Au Japon, ce phénomène s’intitule "Ijime", ce qui désigne les brimades subies par un individu pris pour cible, notamment à cause de sa différence. Une tête de Turc, un martyr, un laisser-pour-compte... qu’il soit introverti, qu’il affiche un problème d’ordre psychologique ou encore une malformation physique.
C’est ce que parvient à rendre de manière magistrale Yoshitoki Oima. Elle sensibilise le lecteur et éclaire l’âme grâce à sa délicatesse.
Les deux principaux protagonistes présentent des caractéristiques bien définies : la jeune fille, en dépit de sa tristesse, affiche généralement un doux sourire, ce qui en quelque sorte la place du côté des gagnants, puisqu’elle ne se laisse point déstabiliser complètement face à ses ennemis. Shoya, quant à lui, véritable tête de mule, leader incontesté d’une bande de voyous, ne parvient pas à égaler la joie de sa victime... comme quoi, les rôles présentés par Yoshitoki Oima tiennent la distance et méritent toute l’attention.
Véritable titre porteur de message, A Silent Voice parle de la complexité d’exprimer ses sentiments et sensibilise les lecteurs à ces formes d’exclusion et harcèlement qui peuvent démarrer de manière totalement anodine. Pour l’année 2012 seulement, plus de 144000 cas d’ijime ont été recensés au Japon provoquant dans certains cas le suicide de la victime. Afin de contrecarrer cet effet de masse, le ministère de l’éducation japonais s’est engagé dans une campagne de sensibilisation.
À toute juste 19 ans, Yoshitoki Oima a remporté le 1er prix au concours de jeunes auteurs organisé par Kodansha en 2008 avec son œuvre A Silent Voice. Bien que n’ayant pas subi de brimades durant sa jeunesse, celle-ci fût rapidement et fortement émue par sa mère, interprète en langue des signes, qui l’aide beaucoup à représenter les échanges muets des personnages de A Silent Voice. En 2011,elle présente son petit bijou en one-shot qui termine à la 1ère place devant le best-seller L’Attaque des Titans. Ce n’est qu’en 2013, que ce one-shot devient cette série qui touche la planète entière et qui suscite de nombreuses discussions sur les réseaux sociaux. Le phénomène A Silent Voice comptera sept volumes qui promettent.
(par Marc Vandermeer)
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