Ici, nous avons un angle original. Il s’agit de raconter l’histoire de l’arrière-arrière-grand-mère de Zazie Tavitian, Jeanne Weil, déportée à Sobibor en Pologne, car elle était juive. Elle n’en est jamais revenue. Mais Zazie Tavitian a décidé d’enquêter sur elle et de rechercher dans la famille des traces de ses recettes de cuisine car c’était une bonne cuisinière, cette chère Jeanne.
Alors la voici envoyant un mail à toutes ses cousines et cousins pour leur demander s’ils ont des souvenirs de Jeanne. Elle va donc prendre des témoignages de gens qui l’ont connue, ou qui ont entendu parler d’elle, de ses habitudes, de ses amours, de sa jeunesse... Et à chaque fois, il y a un repas de Jeanne à la clé : elle a retrouvé son carnet et elle exécute ses recettes.
Voilà notre Zazie partie en Israël où elle se rend dans sa famille qui habite -selon les termes qu’elle utilise- les « territoires occupés ». Il est important de le noter : Zazie n’est pas juive, sa famille s’est éloignée du judaïsme, comme tant après la Shoah. Même les recettes de Jeanne ne sont pas fidèles à la Cashrout. Alors quand elle va dans des parties de sa famille qui sont religieuses, il y a, comment dire ?, un « choc des civilisations »… On passe de Jérusalem à Dijon, puis à Paris, rue Lauriston, à deux pas du siège de la Gestapo, où résidait Jeanne. À chaque fois s’anime la flamme du souvenir de quelqu’un que les hitlériens voulaient effacer de l’Histoire des femmes et des hommes.
Les dessins sont de Caroline Péron, jolis, très frais. Cela fait un beau livre qui confère à la Shoah un statut de souvenir éloigné, comme les vieilles photos jaunies que l’on trouve dans le grenier, des scènes d’un monde en noir et blanc, et un peu sépia comme cet album, un feu qui s’éloigne mais qui n’aboutit pas à apaiser la mémoire plutôt que de la réveiller ? La question se pose.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
À la recherche de Jeanne – Par Zazie Tavitian et Caroline Péron – Calmann Levy Graphic