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AAARG !, une nouvelle revue BD

Par Thierry Lemaire le 24 octobre 2013                      Lien  
Sort aujourd'hui dans toutes les bonnes librairies {AAARG!}, une nouvelle revue BD bimestrielle. 160 pages de polar, de SF, de fantastique et de tout ce que les pisse-froids placent dans le terme "sous-genre". Une offre supplémentaire et complémentaire dans l'univers en expansion des périodiques de bandes dessinées.

Décidément, l’année qui vient de s’écouler est à marquer d’une pierre blanche dans la longue histoire des revues de bande dessinée.

Alors que l’atmosphère est à la morosité et que les difficultés s’accumulent pour nombre de petits éditeurs (mais peut-être finalement sont-ce des éléments déclencheurs ?), on observe une offensive générale du côté des périodiques de bande dessinée. Le plus singulier dans cette histoire, alors qu’aucun des acteurs de cette joyeuse sarabande ne s’est donné le mot, c’est que par le timing de leurs lancements, le format et les thématiques abordées, les différentes publications se sont appliquées à ne pas se marcher sur les pieds.

Après Mauvais esprit, Professeur Cyclope, Papier, La Revue dessinée et Mon Lapin, c’est donc au tour de AAARG ! d’entrer dans l’arène.

Avec dans le viseur des glorieux aînés comme Métal Hurlant ou Pilote, la nouvelle revue adopte un profil plutôt vintage. Par le support d’abord. Même si une version numérique est prévue (et qu’on peut d’ores et déjà trouver une foule de bonus sur le site), priorité est donnée au papier avec un objet qui donne envie d’être conservé une fois la lecture terminée : dos carré, papier épais, 160 pages, tout est fait pour que AAARG ! trouve sa place dans les rayonnages d’une bibliothèque.

AAARG !, une nouvelle revue BD
Eldiablo & Julien Loïs
Pierre Bunk

Le sous-titre « Bande dessinée & culture à la masse » introduit l’aire de jeu de la ligne éditoriale. À la manière des pulps d’antan, AAARG ! se focalise sur des genres souvent dénigrés (polar, SF, fantastique, etc), presque dans un coup de gueule. « Ce qu’il se passe aujourd’hui, précise Pierrick Starsky, fondateur de AAARG ! (et des éditions Même Pas Mal) : C’est que, dans toutes les disciplines, on trouve des auteurs adulés, bourrés de talent, qui ont bouffé ces cultures populaires toute leur vie. Et qui le régurgitent avec talent. Il y aura pourtant toujours des gens pour différencier le livre de la bande dessinée, pour considérer la BD comme quelque chose de puéril, sans pour autant rien en connaître. Mais honnêtement, je m’en tape de l’avis de tocards ignorants qui jouent les intellectuels, j’ai d’autres batailles. Quand on voit le climat quotidien de notre environnement, le sexisme ambiant, l’homophobie au quotidien, le racisme décomplexé, là je me dis qu’il y a du boulot. Que des trous du cul se sentent trop éclairés pour s’intéresser aux cultures populaires, aux « sous-genres », au bis, à la BD, grand bien leur fasse. »

Pierre Place
Nicolas Poupon

Pour mettre en images ce parti-pris, une petite troupe homogène, proche des éditions Même Pas Mal, dont les noms définissent une « mouvance » qui englobe également des éditeurs comme 6 pieds sous terre, les Requins marteaux ou Vide Cocagne. Eldiablo, Julien Loïs, Goupil Acnéique, Abraham Kadabra, B-gnet, Tanxxx, Salch, Witko, Pixel Vengeur, Nicolas Poupon, Fabcaro, Mo/CDM, Pochep, pour ne citer qu’eux, forment l’équipe du premier numéro. « Les auteurs ont été contactés en fonction de ce qu’on voulait développer, de l’univers qu’on avait en tête, et comme parmi nos amis auteurs le talent est de mise, ça n’a pas été très compliqué. Petit à petit, d’autres du même acabit nous rejoignent. On bosse sur trois numéros d’avance et y a du beau linge, des réguliers, mais aussi des auteurs tournants. Pour être dans AAARG !, il faut être bon, il faut être dans le ton et il faut pas être trop con. On a beaucoup de demandes, et on dit non la plupart du temps parce qu’on a déjà une sacrée équipe et beaucoup de contenus. Mais bon, il y a les 1 % qu’on accueille à bras ouverts. Les veinards. »

B-gnet
Pixel vengeur

Dans la droite ligne des modèles cités plus haut, AAARG ! propose également dans ses pages une bonne partie de rédactionnel. Des chroniques, des articles coups de projecteur sur des artistes (ici les graphistes Laurent Durieux, Tomahawk et Il Gatto) et, plus original, quatre nouvelles (écrites par Guillaume Guéraud, Olivier Bourdic, Serguei Dounovetz et Eddie Paggetto). L’équilibre entre texte et images, la variété de genres, de styles et de tons qu’une revue se doit de proposer sont ici parfaitement respectés. Pour autant, AAARG ! ne se disperse pas et offre au lecteur une belle une homogénéité, dans le propos et dans la qualité.

Le reproche que l’on pourrait faire au contenu de ce premier numéro est de ne pas avoir vraiment été jusqu’au bout de l’ambition affiché dans l’édito : « Vive la culture populaire, vive la révolution. » Quitte à ruer dans les brancards, on aurait aimé en effet des histoires un peu plus politisées, ou du moins, traduisant un peu plus une certaine vision de la société. Celle-ci est présente chez Goupil acnéique, Abraham Kadabra (Paf et Hencule) et Éric Salch, qui dynamitent les tabous et le politiquement correct avec talent. On la retrouve également dans les nouvelles (très réussies). Ailleurs, elle affleure seulement et l’effort est plutôt porté sur la parodie. Pourtant, et Pixel vengeur le touche du doigt avec son récit de SF, les genres traités se prêtent bien à la critique sociale. Le choix de l’indépendance financière (et donc souvent éditoriale), matérialisé par l’absence d’un gros éditeur partenaire, permettra peut-être à AAARG ! de creuser ce sillon dans les prochains numéros.

Goupil acnéique & Abraham Kadabra
Witko

Cette volonté de radicalité, on la trouve également dans le refus de financer la revue par la publicité, même si quelques annonces commerciales sont présentes dans les pages. « On pourra me taxer de mauvaise foi sémantique, mais ce qu’on trouve dans nos pages, ce ne sont pas des pubs mais des réclames. Il y en a peu, et le but est de mettre en avant le boulot d’éditeurs ou professionnels dont on est proches, et pour nous de récolter des bouquins que nous pourrons offrir aux abonnés ou vendre en ligne. Une forme de troc : on achète les livres avec un bon d’achat fourni contre la réclame, ce qui nous permet d’avoir du stock, et aux éditeurs d’avoir une visibilité qu’ils ne pourraient s’offrir monétairement. » On n’est donc pas étonné de voir une bonne partie des petits éditeurs de bande dessinée mis en avant dans la revue.

Thomas Azuelos & Anthony Pastor
Tanxxx, Franck Richard & Vincent Baliva

On n’a pas été franchement surpris non plus de voir au début de l’été le désormais traditionnel (pour ce genre de structure) appel à contribution par l’intermédiaire du financement participatif. Comme pour La Revue dessinée, l’opération lancée sur Ulule a été un franc succès. Les 5000 € escomptés ont en effet été atteints en seulement trois jours. Au final, la récolte se monte à 13837 €, utilisés comme avance sur les frais totaux de création du n°1 (qui atteignent 30000 €), et plus précisément pour la conception graphique et le paiement des auteurs pour ce premier numéro (« On oscille entre 100 et 150 euros la planche pour les créations originales, et on propose un forfait pour les histoires déjà publiées à l’étranger »). Ces internautes constituent un noyau d’abonnés dont le nombre est le nerf de la guerre pour AAARG !, la revue ne reposant en effet que sur les ventes, dans le réseau des librairies (tous niveaux) et les chaînes culturelles des pays francophones.

Le prix, 14,90 €, n’est pas excessif au vu du nombre de pages, de la qualité de l’objet et de l’absence de publicités payantes. Le tirage de 7000 exemplaires est toutefois volontairement prudent, optant pour le bouche à oreille plutôt que la visibilité à tout prix. Le point mort semble raisonnablement atteignable si la mayonnaise du buzz prend. Avis donc aux amateurs de frissons, de récits noirs, d’espaces intersidéraux, et même, mais oui, de poésie, cette revue est faite pour vous.

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(par Thierry Lemaire)

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En librairies et dans les chaînes culturelles des pays francophones.

 
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6 Messages :
  • AAARG !, une nouvelle revue BD
    24 octobre 2013 08:03, par Yo

    Autant je suis content de l’arrivée de ce magazine (une vraie bouffée d’oxygène) autant je suis lassé du Critique qui traitent de "pisse-froids" tout ceux qui oseraient ne pas être d’accord avec lui, et ce dès le paragraphe d’introduction. C’est vrai que ça fait "djeuns" et "rock’r’roll", mais peut-on faire des articles sans insulter les gens ?

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 octobre 2013 à  08:47 :

      Et voilà, ça n’a pas raté, on a eu droit au pisse-froid de service qui s’effarouche au moindre adjectif. Un peu de sang-froid, que diable ! C’est une métaphore, pas une insulte.

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      • Répondu le 24 octobre 2013 à  13:47 :

        Question subsidiaire : Un pisse-froid peut-il attraper une chaude-pisse ?

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  • AAARG !, une nouvelle revue BD
    25 octobre 2013 01:47

    On pourrait rajouter "Bisou" de Delcourt à la liste des revues, ou est-ce déjà oublié ?

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    • Répondu le 25 octobre 2013 à  08:00 :

      Bisou n’existe plus...3 numéros et puis s’en va .

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      • Répondu par Pirlouit le 26 octobre 2013 à  22:34 :

        Le Bisou de Delcourt était fétide et sans intérêt pour les amateurs de BD, on ne peut saluer son arrêt que comme une sanction du public. Aaarg !, vendu plus cher, est infiniment plus intéressant. Espèrons que la revue trouvera son public !

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