AEIOU - Par Jeffrey Brown - Ego comme X

Par Florian Rubis le 11 avril 2009

Lien

Avec AEIOU, acronyme de « Any Easy Intimacy Of Us » (Fragments de notre intimité), Jeffrey Brown clôt sa « Trilogie des petites amies », publiée par Ego comme X, éditeur marquant dans le domaine de l’autobiographie en bande dessinée.

Issu d’un courant de la bande dessinée américaine underground qui se développe du côté de Chicago, notamment sous l’œil empathique de Chris Ware, Jeffrey Brown est né en 1975. Il ne renie pas à l’occasion, au moyen de la parodie humoristique, l’impact des super-héros sur les comics, comme dans Bighead (6 Pieds sous terre, 2005). Mais avec la Trilogie des petites amies, les amateurs de personnages masqués impliqués dans des odyssées cosmiques, d’incursions dans le Quatrième Monde ou de grandes cases centrées sur l’action étendues sur une double page en sont pour leurs frais. D’autant que Jeffrey Brown récidive dans AEIOU, où il dévoile à nouveau un pan de l’intimité de ses liaisons amoureuses du passé, sur le mode de chroniques qui font la part belle à l’étude psychologique. En parallèle, il radicalise son option formelle : celle d’un dépouillement graphique encore plus extrême…

Un ton juste associé à un dessin faussement gauche

Conformément aux titres des deux précédents volets de sa trilogie autobiographique, celle-ci se révèle Unlikely [littéralement : improbable, ne ressemblant à nulle autre] par le procédé narratif adopté. L’accumulation de courts moments juxtaposés, mémorisés à la base dans un carnet de croquis, finit par faire entrer le lecteur, avec une efficacité surprenante, dans la sphère, plus tout à fait privée, de la relation amoureuse relatée.

En contrepoint, Jeffrey Brown assume son style de dessin Clumsy [maladroit, gauche], en réaction par rapport à l’académisme et à une intellectualisation trop poussée expérimentés lors de son apprentissage dans une école d’art. Tant ils les trouvaient en décalage, dit-il, avec son envie d’exprimer des choses de la vraie vie. Le minimalisme accentué dans AEIOU, allant au-delà de l’aspect faussement simpliste des personnages et des décors, en vient même à se passer de l’usage du bon vieux gaufrier au profit de celui de doubles cases, voire d’une seule case par page. Afin de mieux se concentrer sur la complexité de la restitution de la valse des sentiments amoureux. Qui a dit que la bande dessinée n’était pas capable, comme le roman, de retranscrire une expérience psychologique (et physique) forte ?…

(par Florian Rubis)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.