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Adapter un roman en BD : être ou ne pas être fidèle ?

Par Laurent Boileau le 6 décembre 2005                      Lien  
Les adaptations cinématographiques de bandes dessinées sont monnaie courante. Par contre, il est plus rare qu'un scénariste se risque à transposer un roman en bande dessinée. Dans ce sens, la critique est souvent sans concession, criant même parfois à la trahison. Jean-Pierre Pécau, par passion pour Herman Melville, s'est lancé dans l'exercice, difficile et périlleux, de convertir Moby Dick en SF. Comment passer de 287 pages à 96 planches ? Le scénariste d'Arcanes s'en explique.

La Chasse vient clore l’adaptation spatiale du roman-fleuve de Herman Melville. La mythique baleine s’est transformée en comète destructrice mais l’obsession du capitaine reste la même. Résumé de l’intrigue :
à bord du Pequod, le capitaine Achab est toujours obnubilé par la comète blanche Moby Dick. Mais désormais, il doit affronter son propre équipage, hostile à la présence à bord du vaisseau de "Phases II", des démons clonés post-humains, considérés comme une malédiction par les chasseurs. Pour rien arranger, le Pequod s’éloigne de plus en plus des routes commerciales et prend le risque de ne plus pouvoir recevoir de secours en cas d’avarie grave. Achab arrivera-t-il à ses fins : accomplir sa vengeance ?

Sorti en avril, le premier tome écrit par Jean-Pierre Pécau augurait d’une transposition originale. Pourtant, "résumer" les 287 pages du roman de Melville en 96 planches peut sembler un tant soit peu réducteur. Le scénariste s’en défend : "Dans le roman, il y a énormément de descriptions sur la baleine et la chasse. Si on retient surtout la dramaturgie, il m’a semblé que 2 albums étaient suffisants."

Adapter un roman en BD : être ou ne pas être fidèle ?
Jean-Pierre Pécau

Dans ce genre d’exercice, le scénariste doit trouver l’équilibre entre adaptation fidèle et transposition libre. "À partir du moment où l’on transposait dans le futur, j’avais une liberté", déclare Pécau. "D’autre part à la lecture du roman, il m’est apparu que l’histoire de Moby Dick était facilement transposable en SF. L’aventure en mer est similaire à l’exploration spatiale avec ses côtés danger, inconnu, l’immensité etc. La métaphore mer-espace fonctionne très bien. Mais à l’intérieur de cette métaphore, j’ai essayé d’être le plus fidèle à Melville."

Du coup, les puristes s’indigneront de certains raccourcis scénaristiques. Mais est-ce un problème ? La métaphore libère obligatoirement le scénariste de l’adaptation fidèle pure et dure et lui permet de laisser court à son imagination. Au-delà des aspects narratifs, ce diptyque se remarque surtout pour son graphisme. Zeljko Pahek maîtrise bien son sujet et offre une originalité dans son trait qui n’a pas échappé à Pécau.

première planche du tome 2

Pourtant au vu des origines du projet et de la méthode de travail adoptée, la complicité entre les deux auteurs n’était pas évidente :
"J’ai toujours admiré le travail de Melville et plus particulièrement Moby Dick", confie Jean-Pierre Pécau. "Et puis, il y a 2-3 ans, avec Olivier Vatine et Fred Blanchard, nous avons, lors d’une soirée bien arrosée, imaginé d’adapter le roman en SF. Par le biais d’un agent avec lequel nous avons sympathisé, nous avons été amenés à travailler avec des auteurs de l’ex-Yougoslavie, notamment sur Arcane. Olivier avait repéré Pahek, un dessinateur au graphisme très particulier. Il m’a semblé correspondre à mes attentes sur ce projet. Nous avons travaillé uniquement par mail et je l’ai rencontré pour la première lors du festival de Puteaux, l’année dernière ! Professionnellement, ça ne change pas grand-chose puisque même avec les dessinateurs français, je travaille par mail. Par contre, humainement, c’était difficile."

Comme la plupart des scénaristes, Pécau choisit son dessinateur en fonction du projet. Pour Moby Dick, il lui fallait quelqu’un qui travaille en couleurs directes et qui sache rendre la dimension oppressante de l’histoire. De ce point de vue, le graphisme et les couleurs de Pahek illustrent bien la folie suicidaire d’Achab. En définitive, les deux auteurs ont su s’approprier le sujet et s’en démarquer pour réaliser un récit de space-opera très original. Cet album, qu’il soit qualifié d’adaptation ou de transposition, reste audacieux et volontairement moderne.

(par Laurent Boileau)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Propos de JP Pécau recueillis en septembre 2005
Illustrations © Pécau/Pahek/Delcourt
Photo © Laurent Boileau
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2 Messages :
  • > Adapter un roman en BD : être ou ne pas être fidèle ?
    7 décembre 2005 09:16, par Nadine Jeanne

    Je suis ravie de constater que le festival de Puteaux est l’occasion de rencontres fructueuses.
    Bonne continuation.
    Mme Jeanne Conseillère municipale de Puteaux

    Voir en ligne : http://www.nadinejeanne.com

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  • Adapter un roman en BD : être ou ne pas être fidèle ?
    27 septembre 2007 12:49, par maelle

    Je pense que l’adaptation est une oeuvre en elle-meme, l’artiste apporte sa sensibilité a partir d’un support : comme un peintre lorsqu’il peint un portrait ou un paysage (modele vivant). Il n’y a aucun interet a inciter a etre fidele au support, au contraire il faut inciter a produire une "valur ajoutee" (autre point de vue, autre contexte, traits des personnages differents...autre fin)
    J’ai une autre question : l’adaptation d’un roman implique-t-elle la demande d’autorisation à l’auteur du roman au prealable ?
    Merci de votre reponse
    maelle

    Répondre à ce message

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