La Chasse vient clore l’adaptation spatiale du roman-fleuve de Herman Melville. La mythique baleine s’est transformée en comète destructrice mais l’obsession du capitaine reste la même. Résumé de l’intrigue :
à bord du Pequod, le capitaine Achab est toujours obnubilé par la comète blanche Moby Dick. Mais désormais, il doit affronter son propre équipage, hostile à la présence à bord du vaisseau de "Phases II", des démons clonés post-humains, considérés comme une malédiction par les chasseurs. Pour rien arranger, le Pequod s’éloigne de plus en plus des routes commerciales et prend le risque de ne plus pouvoir recevoir de secours en cas d’avarie grave. Achab arrivera-t-il à ses fins : accomplir sa vengeance ?
Sorti en avril, le premier tome écrit par Jean-Pierre Pécau augurait d’une transposition originale. Pourtant, "résumer" les 287 pages du roman de Melville en 96 planches peut sembler un tant soit peu réducteur. Le scénariste s’en défend : "Dans le roman, il y a énormément de descriptions sur la baleine et la chasse. Si on retient surtout la dramaturgie, il m’a semblé que 2 albums étaient suffisants."
Dans ce genre d’exercice, le scénariste doit trouver l’équilibre entre adaptation fidèle et transposition libre. "À partir du moment où l’on transposait dans le futur, j’avais une liberté", déclare Pécau. "D’autre part à la lecture du roman, il m’est apparu que l’histoire de Moby Dick était facilement transposable en SF. L’aventure en mer est similaire à l’exploration spatiale avec ses côtés danger, inconnu, l’immensité etc. La métaphore mer-espace fonctionne très bien. Mais à l’intérieur de cette métaphore, j’ai essayé d’être le plus fidèle à Melville."
Du coup, les puristes s’indigneront de certains raccourcis scénaristiques. Mais est-ce un problème ? La métaphore libère obligatoirement le scénariste de l’adaptation fidèle pure et dure et lui permet de laisser court à son imagination. Au-delà des aspects narratifs, ce diptyque se remarque surtout pour son graphisme. Zeljko Pahek maîtrise bien son sujet et offre une originalité dans son trait qui n’a pas échappé à Pécau.
Pourtant au vu des origines du projet et de la méthode de travail adoptée, la complicité entre les deux auteurs n’était pas évidente :
"J’ai toujours admiré le travail de Melville et plus particulièrement Moby Dick", confie Jean-Pierre Pécau. "Et puis, il y a 2-3 ans, avec Olivier Vatine et Fred Blanchard, nous avons, lors d’une soirée bien arrosée, imaginé d’adapter le roman en SF. Par le biais d’un agent avec lequel nous avons sympathisé, nous avons été amenés à travailler avec des auteurs de l’ex-Yougoslavie, notamment sur Arcane. Olivier avait repéré Pahek, un dessinateur au graphisme très particulier. Il m’a semblé correspondre à mes attentes sur ce projet. Nous avons travaillé uniquement par mail et je l’ai rencontré pour la première lors du festival de Puteaux, l’année dernière ! Professionnellement, ça ne change pas grand-chose puisque même avec les dessinateurs français, je travaille par mail. Par contre, humainement, c’était difficile."
Comme la plupart des scénaristes, Pécau choisit son dessinateur en fonction du projet. Pour Moby Dick, il lui fallait quelqu’un qui travaille en couleurs directes et qui sache rendre la dimension oppressante de l’histoire. De ce point de vue, le graphisme et les couleurs de Pahek illustrent bien la folie suicidaire d’Achab. En définitive, les deux auteurs ont su s’approprier le sujet et s’en démarquer pour réaliser un récit de space-opera très original. Cet album, qu’il soit qualifié d’adaptation ou de transposition, reste audacieux et volontairement moderne.
(par Laurent Boileau)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Propos de JP Pécau recueillis en septembre 2005
Illustrations © Pécau/Pahek/Delcourt
Photo © Laurent Boileau
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