Car, comme souvent, les apparences sont trompeuses. Il y a dans Lou ! une futilité affleurante, des tics graphiques et des trucs scénaristiques codifiés, trempés de sauce manga voire, horresco referens !, "girly", avec parfois du relâchement, même des maladresses.
Jusqu’ici, Lou grandissait avec ses lecteurs (-trices), façon "Harry Potter". Dans cet épisode, le "gap" temporel est encore plus évident puisque cela fait deux ans que l’on attendait ce nouvel album, le sixième tome d’une série qui en comportera huit.
Elle a grandi la petite, assume un petit frère vorace comme un dinosaure, même si elle se fait aider par une copine, et mène une double vie d’aventurière de SF et d’étudiante, tout en tentant de filer une relation amoureuse avec un garçon "très beau".
On comprend dès les premiers dialogues que tout cela est observé, consigné, parfaitement "senti", que l’auteur se raconte probablement de façon très intime à travers son héroïne. Julien Neel se revendique de Boris Vian pour le récit et de Murakami pour le graphisme. On comprend pourquoi : l’homme qui écrit dans la présentation de L’Écume des jours : "Cette histoire est entièrement vraie, puisque je l’ai imaginée d’un bout à l’autre" prouve que l’on peut être parfaitement soi-même -c’est à dire poète- dans une histoire onirique proche du surréalisme. Avec lui, Romain Gary ou Gabriel Garcia Marquez ont su mêler dans leurs romans réalisme et surréalité.
Avec cette narration filandreuse comme un rêve, aux notations parfaitement réalistes et identifiables, mixée avec un dessin "kawaï" proche du dessin animé, cultivant des sujets graves dans un environnement rose-bonbon, sucré comme une boîte de MacIntosh, Julien Neel réussit quelque chose de très particulier. Et de suffisamment unique pour qu’on s’y attache.
En dépit de cette approche résolument "perso", la série Lou ! cumule 1,6 millions d’albums vendus depuis 2004 et se retrouve traduite dans plus de 20 pays (Angleterre, États-Unis, Indonésie, Israël...).
Elle a fait l’objet d’une adaptation en dessins animés qui passent sur Disney Channel, tandis que l’auteur planche en ce moment sur un long métrage. Une belle réussite dans le domaine de la bande dessinée pour la jeunesse.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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