Benoîte Groult ? Connais pas. En plus, elle nargue le lecteur en couverture : "Je n’aime pas la bande dessinée", dit-elle. Mais je connais les livres de Catel sur les grandes figures féminines de l’histoire. Ils m’ont fait découvrir des personnages inconnus, mais passionnants, d’une liberté assumée au service d’une cause évidente : la reconnaissance de la juste place des femmes dans notre société.
Différence entre cette femme-ci et les précédentes : elle est bien vivante (93 ans aux chanterelles) et l’auteure l’a rencontrée. On découvre ainsi une "personnalité" dans tous les sens du terme. Fille d’une créatrice de mode renommée, Nicole Groult, et d’un designer réputé, André Groult, latiniste distingué, la jeune femme se retrouve ballotée dans ce milieu bourgeois entre une femme peu démonstrative de son "rôle" de mère et un père aimant et effacé. Là-dessus viennent les années folles puis la guerre où la jeune femme est amenée à fonder un foyer, ce qu’elle fait en prenant des chemins de traverse pas vraiment convenus, ni même parfois convenables : mariée, remariée, vivant en couple libre...
On la découvre bientôt écrivant des livres, figure du féminisme de l’après-guerre, multipliant les actions médiatiques, les conférences pour les droits des femmes. C’est elle qui écrit la première biographie d’Olympe de Gouges qui inspira le roman graphique éponyme de Catel et Bocquet (Casterman).
François Mitterrand lui propose une place au gouvernement. Elle refuse poliment mais accepte de présider une commission qui statue sur la féminisation des noms de métier. Sous son impulsion, on écrit désormais : écrivaine, madame la ministre, mais aussi maïeuticienne à la place de "sage-femme", ce qui permet à l’homme qui pratique ce métier d’être un maïeuticien. Les réactions seront virulentes, on parle au sujet de sa commission de "précieuses ridicules", de "clitocratie"... Les forums d’ActuaBD ne sont pas exempt d’intervenants récents faisant la démonstration d’une pareille bêtise. Rien que pour cela, ce livre est utile.
Plus tard, le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, neveu du président socialiste, la nommera, sans faire la faute, commandeure de la Légion d’Honneur...
Même si ce livre souffre parfois de longueurs, on n’échappe pas quelquefois au name dropping, et même si on sent l’auteure vraiment contente de fréquenter cette grande dame, il n’en reste pas moins que l’on en apprend beaucoup, d’une façon enjouée et drôle, sur l’histoire et la philosophie de la cause féministe. On frémit à l’idée qu’avant la légalisation de l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) et l’abolition de la peine de mort, des femmes ont été guillotinées parce qu’elles avaient décidé d’avorter...
Il est des livres qui sont salutaires. Ainsi soit Benoîte Groult en est un.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Illustrations : © Grasset
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