Akaï veut dire « rouge » en japonais. Une couleur positive. Mais le fondateur du label d’édition Akaï n’est pas japonais. Du manga, il ne retient que le modèle industriel : un petit format en noir et blanc de 13 x 18 cm de 96 pages, avec une entame en couleurs de 4 pages, un rythme de parution rapide, une cible jeune, un dessin dynamique et des histoires de baston pour adolescents dans le mode Shonen ou des récits sentimentaux pour filles dans le mode Shojo.
Son mode de diffusion est triple :
La lecture en ligne, disponible gratuitement sur le site editions-akaï.fr. Pour lire, il faut s’inscrire.
Un abonnement gratuit sur le site ; chaque abonné reçoit son exemplaire s’il le désire par la poste. Akaï compte déjà 500 abonnés dont 300 reçoivent leur exemplaire par voie postale.
La diffusion dans des hauts lieux de la BD comme le Festival d’Angoulême où l’éditeur a un stand et sur Paris Manga.
Le tirage est pour l’instant de 1500 exemplaires et l’éditeur aura un stand (L7) dans la bulle des éditeurs place du Champs de Mars à Angoulême.
Des mangas gratuits… Où est le modèle économique ? A-t-on affaire à des inconscients ? Les auteurs sont-ils payés ?
Manga “Low Cost”
Je rencontre son fondateur, Thomas Bidou. Pas vraiment l’image d’un rêveur. Avant de se lancer, il faisait le métier de comptable, spécialisé dans les fiches de paie. Clients de la librairie Tonkam, il tombe amoureux des mangas, apprend le japonais. Quand il décide de se lancer dans l’édition, clairement par passion, il se rend au japon pour obtenir des licences des éditeurs japonais. Mais ceux-ci, affolés par le nombre de nouveaux éditeurs français publiant des mangas, lui ferment la porte. Peu importe, « mangas » veut dire « bande dessinée » en japonais. Il en éditera lui-même.
Il trouve notamment en Lorenzo la première plume qui veut bien se mettre à son service. Je le rencontre aussi. Lorenzo ne débarque pas dans le métier de la BD, il a déjà plusieurs albums à son actif. Il publie chez Milan, Carabas, Treize étrange (groupe Glénat) et Petit à Petit. Reconnaissant les influences de Hermann, Rosinski, Chéret et Mike Mignola, il avoue avoir une connaissance des mangas limitée aux classiques. D’ailleurs, il ne cherche pas à les copier. Ayant rencontré son éditeur sur un forum, il a décidé de consacrer 15 jours par mois à ce projet (15 jours, 15 planches) et se fait payer en conséquence. Son dessin est costaud et « pro ». C’est clairement un auteur qui sait dessiner et raconter des histoires. Sa série Dotanuki est une histoire de sabre pur jus.
Un autre auteur travaille pour Akaï, il s’agit de Kyu. Il a 21 ans et si son travail est moins assuré que celui de Lorenzo, il n’en a pas moins une personnalité prometteuse. Sa série BloodKyu est un Shonen que l’on pourrait qualifier, qu’il me pardonne, de "X-Men à la sauce Dragon Ball". Un goût étrange mais pas inintéressant.
Le modèle économique, me direz-vous ? Les annonceurs. Akaï vend la deuxième page de couverture, les quatre premières pages d’ouverture, les quatre pages de fin et la quatrième de couverture aux annonceurs. Thomas Bidou se donne comme objectif de rendre la société rentable d’ici juin. Il se distribue lui-même, s’apprête à publier quatre auteurs conjointement, deux Shonen et deux Shojo. Thomas Bidou est persuadé qu’en ces temps de crise (il pense que la récession sera sévère), ce type d’entertainment gratuit a du potentiel en termes de diffusion et que son modèle économique tient la route.
Au niveau des frais, tout est au minimum. Pas de bureau , tout se fait par Internet. Le modèle de gestion des entreprises Low Cost . « Nous publions des ouvrages de type “Manga” adaptés au marché et à la culture européenne dit Thomas Bidou. Nous segmentons nos collections en fonction de notre cœur de cible. Nous comptons quatre collections principales :
- Shôjo Akai pour les jeunes femmes de 14 à 18 ans.
- Shônen Akai pour les jeunes hommes de 14 à 18 ans.
- Seinen Akai pour les étudiant(e)s de 18 à 25 ans.
- Otona Akai pour les personnes actives de 25 à 65 ans.
Notre produit est nouveau en Europe, poursuit-il. À l’heure actuelle le coût moyen d’un “Manga” est prohibitif. Nous publions notre divertissement pour un prix réduit de 600% par rapport au marché actuel. Et nous offrons à nos annonceurs un média ciblé et plus périodique que n’importe quelle littérature ou bande dessinée franco-belge. »
Une initiative courageuse en tout cas qui, effectivement, rencontre les préoccupations du moment.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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