On a déjà beaucoup glosé sur Akira, y compris sur ActuaBD. Pourtant, il semble que cette œuvre a encore et toujours quelque chose à nous dire, une pertinence qui résonne encore trente ans après sa création. Comment la folie des hommes peut-elle conduire une civilisation à la ruine, comment les leçons de l’Histoire, aussi cruelles soient-elles, peuvent facilement s’oublier, les conflits inévitables entre deux générations qui n’ont pas connu les mêmes traumatismes, mais aussi l’espoir dans l’avenir et dans le renouveau,... Ne sont-ce pas là des sujets d’une étonnante actualité ?
Des thèmes très japonais, certes (l’ombre traumatique de la bombe atomique, les conflits sociaux de l’immédiat après-guerre, le décalage entre les Japonais de la Seconde guerre mondiale et les "enfants de la bombe"...) mais qui sont aussi transversaux, facilement compréhensibles et appropriables par tous les publics. Voilà pourquoi Akira est toujours pertinent en 2020. Les questions que le film aborde ne sont toujours pas résolues, les enseignements toujours pas assimilés, en dépit du fait qu’ils soient dispensés par les événements avec une violence rare.
Une violence qui, en 1991 lorsque le film arrive dans les salles française, fait scandale : on est alors au début de la vague nippone du manga qui va déferler sur la France, et l’animation japonaise apparaît comme le sommet d’une violence « gratuite » et « barbare », à condamner et à censurer à tout prix pour protéger nos bambins.
Si aujourd’hui, nous sommes un peu plus habitués à la violence constitutive de bon nombre de nos divertissements (qu’ils soient japonais, américains ou d’ailleurs), la brutalité d’Akira reste inédite et inégalée. Les ville sont réduite en cendres non pas sous l’impulsion de rayons lasers tirés par des guerriers de l’espace, mais à cause de l’arrogance de quelques scientifiques jouant à Dieu. Les enfants sont enlevés et torturés "pour la science", pour le progrès, mais il n’en ressort aucun super-héros aux idéaux de fer, seulement des êtres brisés et instables, dangereux pour eux comme pour les autres.
Critiquée, condamnée, censurée, c’est pourtant la violence d’Akira qui, en partie, confère sa force à l’œuvre. Esthétisée mais jamais glorifiée, magnifiée dans toute son horreur, la violence apparaît comme une réalité inévitable et indépassable de l’être humain, de laquelle émane une certaine beauté morbide, mais qui causera au final toujours la ruine des mondes. On assiste pas à la violence d’Akira comme on apprécie un film catastrophe aux destructions spectaculaires. La violence du film dérange, interpelle, attriste, elle n’est ni vaine ni optionnelle.
Elle est aussi et surtout dispensée par une qualité de réalisation proche de la perfection, un tour de force technique qui encore aujourd’hui défie les limites du cinéma d’animation.
En 1988, Akira est un OVNI du cinéma, une pièce vingt ans en avance sur son temps, d’une qualité de production qui semblait alors inatteignable, se jouant de toutes les contraintes du genre. Travail de titan et d’orfèvre, ou de titan orfèvre, il est difficile pour les non-initiés de se représenter la quantité de travail derrière chaque scène, chaque plan, chaque image, fruit des efforts de l’auteur du manga lui-même qui s’est fait pour l’occasion réalisateur afin de garder la mainmise sur sa création.
Pour la réouverture des salles après le covid, les cinéma français ont donc choisi d’attaquer la saison avec la toute nouvelle version d’Akira remasterisée en 4K pour assurer une expérience inédite aux fans de la première heure comme aux nouveaux amateurs. Une initiative assurément commerciale, mais qui n’en reste pas moins réussie, et qui a le mérite de ramener du monde en salle, et qui réactualise une oeuvre qui ne doit pas sombrer dans l’oubli.
(par Jaime Bonkowski de Passos)
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Retrouvez Akira sur ActuaBD :
• Rétrospective : 2019 à Néo-Tokyo.
• Katsuhiro Otomo à Angoulême.
• Akira, version "ultime".
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