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Alain Mounier : « Avec Box, j’ai envie d’explorer toutes les possibilités du fantastique ! »

Par Erik Kempinaire le 9 juillet 2007                      Lien  
Alain Mounier est entré en bande dessinée, il y a un près de trente ans. Son parcours est jalonné de rencontres avec des scénaristes de grand talent tels Giroud, Christin ou Godard. Nous l'avons rencontré alors qu'il publie le second tome de son thriller fantastique {Box} et nous avons évoqué ces différentes collaborations.

Vous êtes reconnu comme un excellent dessinateur réaliste. Quelle fut votre formation ?

Mounier : Je suis un autodidacte complet. J’ai appris à dessiner en recopiant Hergé, Giraud ou Godard. Lorsque l’on allait en vacances au bord de la mer, des voitures publicitaires distribuaient des anciens journaux Tintin et c’est ainsi que j’ai découvert des auteurs comme Hermann ou Jacobs. Mais le grand choc est incontestablement la lecture de Martin Milan de Godard ; si j’avais pu un jour imaginer que quelques années plus tard j’allais travailler avec cet auteur injustement oublié aujourd’hui.

Pourquoi avez-vous choisi Glénat comme éditeur de vos premiers travaux ?

Alain Mounier : « Avec Box, j'ai envie d'explorer toutes les possibilités du fantastique ! »
Mourir au Paradis par Mounier et Christin (c) Dargaud

Par hasard. J’étais à Grenoble dans une librairie et j’y ai trouvé un exemplaire du Canard Sauvage que Jacques Glénat éditait. Or ce dernier avait ses bureaux quelques rues plus loin. Je l’ai rencontré un samedi matin, il m’a reçu dans son bureau ; je n’imaginais pas qu’il était aussi facile de rencontrer un éditeur ! Il a regardé mes dessins, des histoires teintées d’héroic-fantasy, et m’a dit : « Eh bien ça change de la m... que l’on me présente d’habitude ! ». Il m’a publié dès 1977 dans son magazine Circus pour lequel j’ai réalisé quantité de récits complets. Ma première série, Le solitaire, est arrivée en 1985. J’avais été contacté par Roger Brunel qui a réussi à me convaincre de travailler sur ses scénario alors qu’au départ je ne voulais travailler que sur mes histoires. On a publié trois albums.

Pourquoi avoir arrêté la série ?

Le premier épisode avait eu pas mal de succès parce qu’il y avait un bon cocktail d’aventure, de romantisme et d’exotisme. Pour le second tome, l’histoire est devenue beaucoup plus glauque, plus hard ; ce qui fut je crois une très mauvaise idée. On a essayé de redresser la barre lors du troisième récit mais on n’a jamais réussi à retrouver la qualité du tome 1 et on a donc décidé de laisser tomber.

Vous rencontrez alors Giroud pour un album mystérieux

Une drôle d’aventure que cet album ! Il s’appelle Tango et a été tiré à peu d’exemplaires et mal distribué, ce qui fait que peu de gens l’ont lu. Mais il a été important car il a marqué ma rencontre avec Franck Giroud. A ce moment-là, je suis sorti par la petite porte de chez Glénat. Mais j’allais y rentrer à nouveau, mais cette fois-ci par la grande, à nouveau avec Giroud pour Le décalogue !

Vous entamez ensuite une collaboration avec Rodolphe

On a entamé la série Dock 21 qui change de nom au second épisode et devient L’Abîme du temps, qui connaît cinq albums, puis qui change d’éditeur et se complète d’un sixième titre. Une chouette histoire qui met en scène un bon mélange de policier contemporain et de fantastique. Mais là aussi, le mélange n’a pas pris et on a abandonné. Toujours avec Rodolphe, j’ai dessiné un album de Master pour P&T Productions qui n’a pas marché non plus, coincé qu’il était dans un catalogue d’ouvrages comico-érotiques. On m’a alors demandé de travailler sur la reprise d’Arlequin, une série créée par Dany et Van Hamme, que les éditions Joker décidaient de remettre sur le marché. Malgré un scénario de Rodolphe, je n’ai pas été emballé par le projet et j’ai passé la main.

Vous illustrez également deux albums sur des textes du romancier Bernard Werber

En 1998, suite à mes démarches auprès de divers éditeurs les éditions Albin Michel m’ont proposé de travailler sur Exit de Bernard Werber. Il écrivait là ses premiers vrais scénarii de bande dessinée, bien qu’il ait collaboré à l’adaptation de ses romans sur les fourmis pour Patrice Serres. Le projet était vraiment passionnant mais là encore les dieux n’étaient pas avec moi. L’édition du premier tome s’est révélée une vraie catastrophe : les couleurs étaient absolument infectes, le scan des noirs étaient pitoyables et l’éditeur n’a pas fait de gros efforts pour le marketing malgré une mise en place de 90.000 exemplaires ! On ne s’est pas vraiment ramassé mais les ventes étaient largement en-deçà des prévisions. J’ai quand même dessiné le second tome mais avec un peu moins d’entrain, quant au troisième, j’ai attendu tellement longtemps le scénario de Werber qu’entretemps j’étais revenu chez Glénat avec Giroud pour Le décalogue.

Une belle aventure éditoriale !

Oui, elle scelle mes retrouvailles avec Giroud pour un projet novateur. Je travaille au sein d’une bonne équipe et la série va se révéler comme un formidable succès commercial. Je n’ai pas grand chose de plus à raconter sur cette aventure, tout a déjà été dit. De retour chez Glénat, j’ai aussi le grand bonheur de travailler avec Christian Godard sur son polar Une folie très ordinaire, un autre projet ambitieux qui n’a hélas pas trouvé son public. Il avait formé une équipe de plusieurs dessinateurs chacun se chargeant d’animer les pages où intervenait son personnage. J’ai ainsi pu côtoyer Jarbinet, Plumail ou Rossi. Les ventes ne se sont pas montrées exceptionnelles et ,en plus de cela, on s’est fait esquinter par le groupe féministe Les Chiennes de garde.

Parallèlement vous menez, sous pseudonyme, une carrière d’auteur de bande dessinée érotique

Oui, bon... On m’en parle toujours mais ça fait quand même plus de dix ans qu’elle est finie. La seule actualité est que ces bouquins sont régulièrement réédités ; mais il s’agit d’ancien matériel. J’ai dessiné le premier album sur des textes d’Henri Filippini, mon ancien éditeur chez Glénat. Il m’a donné quelques idées pour le second et puis, ensuite, je me suis lâché et ai raconté un peu ce que je voulais. C ’est un exercice un peu particulier parce qu’on veut à la fois se faire plaisir et distraire le lecteur qui attend certaines scènes imposées. J’ai arrêté aussi, car je n’avais pas beaucoup de suivi de l’éditeur. J’aurais bien voulu créer une série dans laquelle le sexe est présent, mais n’est qu’un ingrédient de la recette parmi d’autres.

Dans les bizarreries de votre biographie, on apprend que vous aviez été contacté pour reprendre Boule et Bill !?

(Rires) Je suis capable en effet de dessiner Boule et Bill, tout comme Astérix d’ailleurs ! Je n’ai jamais pu exploiter mes talents dans le domaine de la bande dessinée humoristique, mais je ne désespère pas, un jour...

Vous collaborez avec Pierre Christin pour un one-shot chez Dargaud

Box, t.2:Miracles par Mounier, éditions Bamboo

Pierre Christin avait écrit cette histoire quelques années auparavant ; le projet avait été mis en stand-by car il cherchait un dessinateur. Ce récit n’a donc pas été spécifiquement écrit pour moi, on n’a ainsi pas eu les mêmes rapports dans la création qu’il a pu établir avec certains comme Mézières ou Goetzinger. Ce fut malgré tout une belle rencontre.

Vous alignez une brochette prestigieuse de collaborateurs scénaristes : Christin, Rodolphe, Giroud, Godard...

Et ce n’est pas fini ! Je travaille en ce moment sur le nouveau projet de Stephen Desberg [1] qui est venu me chercher après avoir vu le premier album de Box.

Venons-y à Box.

Ca faisait longtemps que j’avais envie de revenir à mes premières amours, l’écriture. Avant de dessiner, j’ai toujours écrit des petits romans dans des cahiers d’écolier. Comme je n’avais pas de projet précis avec un scénariste je me suis dit qu’il était temps de raconter mes propres histoires.

Pourquoi avoir choisi de publier chez Bamboo ?

En fait, ce projet a d’abord été proposé à Glénat qui l’a laissé dormir plusieurs mois dans ses cartons. Vu le peu d’enthousiasme manifesté, j’ai repris mes billes et ai demandé à un libraire grenoblois de m’indiquer les petits éditeurs qui pourraient être intéressés par mon histoire. Il m’a aiguillé vers Bamboo qui cherchait pour sa collection Grand Angle de bonnes séries réalistes. Le projet fut immédiatement accepté.

Comment définiriez-vous cette série ?

Box est un thriller dans lequel le fantastique va prendre de plus en plus la place sur fond de géopolitique et d’espionnage. Il s’agit d’une histoire un peu complexe, sans être compliquée. Le lecteur va aller de surprise en surprise. Il y a par exemple un album du second cycle dans lequel l’héroïne principale Erica sera pratiquement absente. On voyagera aussi des Etats-Unis vers le sud de la France. Mon but est d’essayer de surprendre, d’éviter la routine ; j’ai envie d’explorer aussi toutes les possibilités du fantastique. Ce sera donc une longue histoire, sur une dizaine de volumes, partagée en plusieurs cycles. Le récit va devenir plus sombre, plus violent, ça va aller crescendo !

planche 6 extraite de Box 2 par Mounier, éditions Bamboo

(par Erik Kempinaire)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

la photo en médaillon est (c) Jean-Jacques Procureur

Merci à Frédéric Minon.

[1Mounier fait ici référence à Empire USA, le projet de Stephen Desberg. Voir l’interview que le scénariste nous a accordée en juin dernier.

 
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